Le Macy's est l'équivalent de la Mecque pour tout fan de shopping qui se respecte. Dix étages de boutiques et de restaurants en tous genres. Vous souhaitez acheter quelque chose ? Du plus banal au plus extravagant, vous le trouverez entre ses murs.
Pour moi, il s'agirait plutôt de la définition de l'enfer sur terre. Surtout un samedi après-midi. Il y a tout simplement trop de monde. On ne peut pas faire trois pas sans qu'on vous bouscule. Ce n'est pas que je déteste les gens, juste que je ne supporte pas qu'on vienne envahir mon espace vital.
Debbie, elle, est complètement dans son élément. Distribuant insultes, doigts d'honneur et coups de coude à la pelle, elle me traîne chez Mademoiselle K. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, c'est la nouvelle boutique pour les filles « So chic ». Quatre-vingts mètres carrés de fard à paupières, eye-liner, parfums et autres babioles tout aussi inutiles et trop chers pour moi.
À peine a-t-on franchi le seuil qu'une vendeuse se jette sur nous, un petit panier noir à la main et un sourire faux sur le visage. Si elle savait qu'aucune de nous n'a les moyens de se payer ses produits hors de prix, elle ne se donnerait probablement pas cette peine. Mais comme les jeunes qui ont de l'argent trouvent ça « so cool » de s'habiller de manière à faire croire qu'ils n'en ont pas, elle se doit d'être gentille avec tout le monde. Ah, que la vie peut s'avérer compliquée parfois ! Elle nous détaille quand même des pieds à la tête pour essayer de déterminer à qui elle a affaire. Ses lèvres se pincent devant mon visage dépourvu de tout maquillage, et ma chevelure pour le moins désordonnée. Elle me lance un regard hautain, le genre qui vous donne envie de creuser un trou et d'y disparaître. Heureusement, Debbie interrompt ce moment extrêmement gênant en lui arrachant presque le panier des mains pour m'entraîner dans les rayons avec un enthousiasme non feint.
— Tu as vu, s'exclame-t-elle en avisant un présentoir un peu plus loin. Ces vernis sont trop chouettes. Regarde celui-là, on dirait des vrais diamants à l'intérieur.
On déambule un moment dans les étagères sous l'œil vigilant de la vendeuse. Debbie ne peut s'empêcher de toucher à tout et de s'extasier bruyamment à chaque nouveau produit. On dirait une gamine dans un magasin de bonbons. Moi, je me contente de la suivre, les mains dans les poches, hochant la tête quand elle semble vouloir obtenir mon approbation. Je n'ai qu'une hâte : me barrer d'ici. Les relents de parfums me filent la migraine.
— Vous cherchez quelque chose de particulier ? Finit par nous demander la vendeuse avec un regard explicite à notre panier toujours aussi vide.
Ses yeux d'un bleu électrique fort peu naturel me perturbent. Un reflet bizarre attire mon attention. Des lentilles numériques. Décidément, le métier de vendeuse paye mieux que ce que je pensais. Ces machins coûtent un bras. Bien au-dessus de mes moyens. Son sourire, lui, est encore plus crispé qu'à notre arrivée. Il devient de plus en plus évident que nous n'avons pas un rond, ce qui rend d'autant plus intolérable notre comportement désinvolte. Le client est roi, à condition qu'il consomme. Tout dans l'attitude de la jeune femme nous indique, poliment, mais fermement, qu'il faudrait que nous songions sérieusement à passer à la caisse ou à quitter les lieux. Il en faut plus pour impressionner Debbie Fisher.
— Nous faisions juste un petit tour, mais nous n'avons rien vu qui nous plaisait, dit-elle en lui restituant le panier avec un air hautain de fille à papa plutôt bien imité.
— Vous nous en voyez désolés, répond la vendeuse qui contient à grande peine sa colère. Nous espérons malgré tout vous revoir prochainement dans notre boutique.
Debbie hoche poliment la tête et tourne les talons. Avant de passer le portique de sécurité, elle me jette un regard qui ne laisse rien présager de bon. Un sourire que je connais trop se dessine sur son visage. Elle avance d'un pas et une sonnerie stridente retentit. Et merde !
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Le pays des enfants parfaits (sous contrat d'édition )
Ciencia FicciónD'un coté, il y a Ruby, une adolescente rebelle en rupture avec ses parents et avec la société. De l'autre, Samuel, un garçon étrange, qui vit terré sous terre. Tous deux sont en quête de vérité, de liberté, et surtout d'amour. Rien ne les prédestin...