Chapitre 3

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Jeudi, 00h45

Alors que, comme chaque soir depuis ce début de semaine mouvementé, je me passe en boucle tous les scénarios possibles et inimaginables de la soirée de samedi, mon téléphone émet le bruit familier d'un nouveau message. Je l'attrape à tâtons sur mon étagère : c'est Jules sur le groupe que nous avons avec Evan et lui depuis que l'on se connait. Si, comme toujours, le surnom qui s'affiche me fait sourire, le texte qui lui succède me calme instantanément :

De : Julichounet

Sophie et moi c'est fini.

De : Evanounet

???

De : Antoinette

Comment ça ??

De : Julichounet

Elle m'a trompée, je vais les tuer, elle et sa couille molle.

De : Antoinette

J'arrive.

De : Evanounet

Pareil.

J'enfile un jean et un sweat et enjambe ma fenêtre. Je me laisse glisser le long du toit puis longe la gouttière jusqu'à l'arbre au bout de mon toit grâce auquel je me pied à terre sans souci. J'ai effectué ce parcours tellement de fois ces deux dernières années que je pourrais le faire les yeux fermés. Pourtant, je ne suis pas une grande star en escalade. On peut même dire que je suis complètement nul et que la moyenne est pour moi inatteignable. Mais là, dans la nuit et le silence, je me sens l'âme d'un aventurier. Peut-être que si le contrôle d'escalade était de nuit je pourrais avoir 18 ? Je récupère mon skate qui traine dans un coin du jardin et pars en direction de chez Jules qui habite à quinze minutes de chez moi. Les rues sont vides, notre ville n'est pas nocturne et ses habitants se couchent tôt. Le ciel est clair, sans nuage et clairsemé d'étoiles. Il fait doux mais un vent frais me convainc de garder mon sweat, d'autant plus qu'avec la vitesse, l'air n'est pas si chaud que ça. J'arrive en un temps record devant chez Jules et toque à sa fenêtre qui, elle, est au rez-de-chaussée. Un instant plus tard, elle s'ouvre, et le visage de Jules apparait. Moi qui m'attendais à y lire de la douleur, de l'incompréhension, ou encore une immense tristesse, je ne vois que de la haine. Seuls ses yeux rouges témoignent de la douleur qu'il a dû extérioriser avant notre arrivée. Alors que je m'apprête à refermer la fenêtre derrière moi, j'aperçois une silhouette qui arrive en courant. Evan plonge presque dans la chambre avant de refermer la fenêtre et tirer les rideaux, le tout en moins d'une demi seconde. Dans la rue, on entend des cris et un groupe de personnes passe en courant juste devant la fenêtre.

- Me... suis fait ... coursé par des bourrés ... ! lâche Evan à bout de souffle.

Je l'aide à récupérer mais notre principal problème, qui est d'ailleurs la raison de notre présence ici, n'est pas là. Je me tourne vers le premier concerné qui nous observe silencieusement et le presse de nous expliquer la situation. « Calmement », ajoute Evan.

- Y a rien à raconter, nous crache-t-il, j'ai voulu lui faire une surprise en allant chez elle pour nos neuf mois sauf que, apparemment, je n'étais pas le seul à avoir eu cette idée ! Elle m'a juré que c'était la première fois, qu'elle ne savait pas ce qui lui était arrivé, qu'elle s'en voulait terriblement et qu'elle m'aimait. Bordel ! Je ne sais même pas qui est ce gars mais si je le retrouve...

- - Ok, ok, on se calme ! je l'arrête. Personne ne va dégommer personne, tu vas rester calme et on va réfléchir. Tu veux la faire regretter non ?

- - Evidemment !

- Bon alors, vu ce qu'elle t'a dit et les vingt appels et trente messages qu'elle t'a laissé, elle tient encore à toi. Donc à toi de lui faire digérer son erreur avec le plus de difficultés possibles.

- Et comment ?

Evan qui commence à comprendre où je veux en venir intervient :

- Rappel la, attend, laisse-moi finir avant de t'indigner. Donc, rappel la et dis-lui que tu l'excuses, que t'aurais préféré que ça se finisse autrement mais que de toute façon, cela faisait un moment que tu pensais à casser et donc que tu ne prends pas sa trahison trop mal. Joue la carte de l'insensibilité !

- Tout à fait, j'enchaîne, et au passage, convainc-la de venir quand même à la fête de demain et tu pourras ainsi t'amuser à draguer devant elle-même si je sais bien que, au fond, ça ne te fais pas plaisir.

- Je me demande vraiment comment vous faites pour pondre des plans comme ça, en toute simplicité, à une heure et demie du matin mais bon... Je pense que ça vaut le coup d'être tenté, lâche finalement Jules en esquissant un début de sourire.

Il s'empare de son téléphone avant de respirer profondément. Sophie décroche dès la première sonnerie et avant qu'elle ne puisse débiter la moindre excuse, Jules lui expose son monologue d'une voix monocorde dénuée d'émotions. Le haut-parleur nous permet d'entendre Sophie demander d'une voix blanche depuis combien de temps il pensait mettre un terme à leur relation. Le « un mois environ » que lui lâche notre ami d'un ton égal l'empêche de continuer à se chercher des excuses mais elle accepte néanmoins de venir demain après que Jules lui ai opposé l'argument « pour pouvoir s'expliquer en face ». Ce dernier raccroche et se laisse tomber sur son lit comme une masse. Je sens qu'il est temps pour nous de partir et Evan et moi rentrons chez nous après avoir vérifié que les fêtards ne trainaient plus dans les parages. Il est plus de deux heures lorsque je retrouve la chaleur de mon lit et je sens que le réveil pour aller en cours va être dur.


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⏰ Last updated: Sep 17, 2017 ⏰

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Qui es-tu Eva Bloie ?Where stories live. Discover now