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8h31

La porte des toilettes grince depuis toujours. Elle couine comme une bête malade sur ses charnières dès que quelqu'un a le malheur de la faire bouger. Alors certains imbéciles s'en amusent, et la secouent pour énerver les autres.

Huit-heures trente et une. Les cours ont commencés pour la plupart des élèves. Les allers retours commencent à se faire rares, pourtant, la porte grince. Rien de bien extraordinaire, juste un grincement qui déchire le silence, sans qu'aucun bruit ne s'engouffre dans la salle. Le lycée est silencieux après la deuxième sonnerie, celle qui signifie que les retardataires devront se pointer à l'accueil pour faire un billet de retard, chose haïe par les lycéens de tous les niveaux.

La porte a hurlé à mort, stridente, comme si celle-ci même devais cracher son désespoir. Un hurlement à tailler les tympans ; celui qui vous fait vous retourner et grincer des dents. Celui qui vous fait sursauter lorsque vous avez quittés la terre dans vos pensées, contraint d'un corps trop lourd à porter, semblable aux briques qui vous coulent lorsque vous avez faites vœux de mort.

Le silence règne en maitre par la suite. Un silence lourd, pesant. L'inconnue a changé d'avis, elle n'entrera pas dans la salle d'eau. La vie semble s'être arrêtée. On peut aisément deviner les lycéens attroupés par groupes dans le lycée. Peut-être certains sont seuls, peut-être que d'autres demandent des filtres pour rouler leurs dernières acquisitions. Les musiques parlent d'une certaine Marie-Jeanne en dehors de l'enceinte de leur prison, sur le parking. Apparemment celle-ci serait maitresse de toute personne ayant eu le malheur de l'approcher. Ils lorgnent d'un œil mauvais le flic – ils aimeraient juste fumer tranquilles et planer en cours de philo. D'autres sont probablement en train de copier les uns sur les autres dans les couloirs. Ils rient, se disputent, déambulent dans les couloirs, nomades. Certains jouent de la musique. Eux sont posés, et se laissent bercer par leurs doigts sur les cordes des instruments qu'ils manipulent.

Chacun d'eux veut se sentir libre.

Ils s'y prennent à leur manière, utilisent différentes méthodes, mais le feu qui brule en eux est le même. Il est si dévastateur que certains finissent par se laisser consumer par cette effervescence qui les anime. La liberté est enivrante, et comme Icare la chute est vertigineuse lorsque celle-ci devient dangereuse. Beaucoup y ont déjà laissé des plumes. Mais ils s'en foutent, ils pensent tous à la prochaine nuit qui pourra les consumer un peu plus. Ou ils pourront se noyer dans l'alcool, s'étouffer dans la fumée de leurs pilons, perdre la tête jusqu'à ce que le jour et la migraine les rattrapent. Et tandis que les rayons du soleil leurs lèchera le visage, des souvenirs décousus dans un cerveau brumeux, ils penseront déjà à la prochaine nuit en se disant que celle-ci les arrachera de leurs routine sans se rendre compte que les y plongent un peu plus.

De toute façon, ce qui s'est passé en soirée reste en soirée, et chacun à l'impression de tenir un secret à moitié effacé en lui.

Parfois, des choses s'échappent. Le scandale se répand comme une bombe, et la victime jure de ne plus jamais recommencer de peur que tout recommence. Mais qui tiens ses résolutions à cet âge ? Les erreurs s'oublient vite, on n'apprend jamais complétement, tout n'est qu'un éternel recommencement. La victime fêtera à nouveau.

La porte gémis, plaintive. Des pas feutrés traversent la salle. Quelqu'un est entré.

Toilettes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant