Lost in the night • Nekfeu

Prologue - « Il n'y a pas d'étoiles »

— Eeva-

— Arrête Ken, s'il te plaît, fais pas ça. Rends pas les choses plus compliquées qu'elles ne le sont déjà, m'implore t-elle les larmes aux yeux.

— C'est pas compliqué Eeva, ce que je te demande c'est la chose la plus simple à faire.

— Ça l'est pour toi peut-être, mais moi j'y arriverai pas.

— Si tu pars ce soir, je sais que tu reviendras pas.

— C'est f-

— Nan, laisse moi finir, je la coupe. Je comprends que t'aies besoin d'y retourner et si ça tenait qu'à moi, on irait ensemble. Mais que t'y sois ou non, elle va mourir. Reste avec moi, avec nous, sur Paris. Je te connais Eeva, tu vas y retourner et ça te semblera impossible de revenir ici.

Je sais que ce que je suis en train de dire est horrible, que je serais le premier à tout quitter pour partir en Grèce si ma grand-mère était sur le point de partir. Mais j'ai pas envie de la laisser s'en aller. C'est trop tôt.

— Si elle doit mourir sans moi parce que je passe du bon temps avec toi et les garçons, je m'en voudrais toute ma vie.

— Et si je te laisse partir ce soir, c'est moi qui me sentirais coupable toute ma vie.

Le ciel jusque là mitigé entre laisser place aux astres ou les empêcher d'embellir la nuit finit par craquer pour la troisième fois de la journée. Quelques gouttes de pluie commencent à tomber doucement avant de devenir de plus en plus rapides et nombreuses, pour bientôt se transformer en un véritable déluge.

— Ken, regarde le ciel.

Je lève la tête en direction du ciel et le contemple. Eeva reprend.

— Tu vois, il n'y a plus d'étoiles, murmure t-elle assez fort pour que j'entende.

Mes yeux pleins de panique se reposent tout de suite sur elle. Eeva me regarde avec un doux sourire et je peux deviner que ses larmes se mêlent à la pluie.

— T'as confiance en moi Ken ?

— Ouais.

— Alors ferme tes yeux.

— Qu-

— Fais ce que je te dis, me coupe t-elle doucement.

J'obéis et fais ce qu'elle me demande. Je baisse mes paupières en soufflant un bon coup. Le corps d'Eeva se déplace pour venir derrière moi. Ses mains se posent sur mes yeux clos et je peux ressentir la froideur de ses bagues contre ma peau. Son souffle tape près de mes oreilles me laissant qu'elle est sur la pointe des pieds.

— Il n'y a pas d'étoiles ce soir Ken, ça veut dire que je dois m'en aller. Quand tu ouvriras les yeux, je serais partie. Mais ton étoile sera toujours ici.

Sa voix s'éteint lorsque sa main glisse sur mon cœur. Elle dépose un baiser provoquant d'intenses frissons dans mon cou mouillé, puis lentement, je sens ses mains se retirer. Nos corps se décollent et c'est comme si le vide prenait instantanément place dans mon cœur.

Je peux l'entendre chuchoter un dernier, je t'aime.

Puis plus rien.

J'ouvre les yeux et elle a disparu.

Me voilà seul sur ce même pont que la première fois où je l'ai vu, à la même heure. Mais cette fois ci, il n'y a plus que son image et moi.

La pluie s'arrête, le ciel gris laisse place aux premières lueurs roses de l'aurore.

Et alors que les dernières étoiles sont à nouveau visibles, mon étoile à moi, elle, s'en est allée.

Me voilà seul sans elle, perdu dans la nuit.