Ayant repris sa marche, Jooheon déambulait de nouveau dans les rues piétonnes, ses mains tremblants violemment. Il ne les cachait pas. Plus, du moins. Finalement, pourquoi le ferait-il? Un regard méprisant sur sa personne de plus ou de moins ne changerait rien, il était déjà assez pitoyable comme ça. Et puis, nous n'avons qu'une vie. Pourquoi perdre du temps à camoufler le moindre de ses défaut pour paraître correct aux yeux de personnes dont ne nous connaissons rien. Stupides humains, stupide société, stupide monde. Les gens jugeaient, jugent et jugeront, car c'est comme cela qu'ils ont été élevés; par des personnes qui le faisaient aussi. C'est une spirale vicieuse qui nous tente, aspirant tous nos principes et dont on ne se sort jamais. Mais ils ne savaient pas. Ils n'avaient aucune idée de tout ce que Jooheon avait traversé pour finir ici, traînant faiblement sa carcasse, ce qu'il en restait. Ils n'avaient aucune connaissance du fait que ce jeune-homme, qu'ils désignaient de « toxico », avait vécu de multiples commotions cérébrales, un accident de voiture entraînant sept opérations des yeux, le risque de perdre ses dents, un mois de coma, et toute une liste d'autres interventions inimaginables. Bien sûr que non, ils ne le savaient pas. Et pourtant, ils se permettaient tout de même de le pointer du doigt en ricanant, car il était différent. Jooheon regarda le soleil qui était réapparu depuis une heure déjà, se coucher. Étrangement, la vue du ciel orangé l'apaisait. Il aurait sûrement du se reconstruire depuis bien longtemps déjà, comme le lui avaient de nombreuses fois répétés les infirmières. Il perdait du temps, en traînant sans but précis dans cet immense labyrinthe qu'est Séoul, parmi ces êtres qui eux, possèdent un futur déjà tout tracé. Il gâchait sûrement sa chance de revivre normalement. Il s'était réveillé d'un coma, l'oiseau légendaire finement gravé à l'encre noire dans son dos marquait cet événement.
- Tout le monde m'évite, même la mort, ricana-t-il en rebroussant chemin, sous le regard exaspéré des piétons.
Physiquement présent, mentalement éteint. Mais tout cela allait changer. Il allait prendre ce billet d'avion qui traînait vulgairement sur sa table, qu'il regardait chaque jour d'un air dubitatif, pour lequel il avait cédé toutes ses économies, et partir de cette putain de ville dont il n'avait que d'amers souvenirs. Car le Phoenix renaît de ses cendres, Jooheon aussi.
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