III

131 18 27
                                    

  Ce jour-ci, en plus du neuvième livre que l'on avait commencé - je les comptais, chaque jour -, j'ai ramené une soupe dans un bol, avec une cuillère. Mes parents n'étaient pas là ce soir, j'en avais rapporté à Niam qui était bien trop maigre pour son âge. Cela faisait déjà un moment que l'on se retrouvait le soir, mes parents pensant que j'étais au parc avec des amis. Trois mois et quatre jours, en fait.

  En me voyant arriver, il avait haussé un sourcil. Je ne lui ai jamais dit, mais j'adorais quand il faisait ça. C'était adorable.

— C'est quoi ? il avait demandé de sa voix éraillée.

— Soupe potiron-marron, avais-je dit avec un grand sourire en lui tendant le bol et la cuillère. Tu sais manger ou je te nourris ?

  Il avait prit le tout et avait commencé à boire le breuvage. Je ne l'avais - presque - jamais vu aussi apaisé. Les yeux mi-clos, il savourait la soupe presque froide comme s'il s'agissait d'un met de luxe. Il avait tourné la tête vers moi et m'avait incitée à lire, ce que j'avais fait. J'avais donc ouvert le livre et commencé :

— «Aïssa ouvrit doucement les yeux, cligna des paupières pour ajuster sa vue et se redressa. Elle était - encore - à l'infirmerie. Et elle avait un mal de tête effroyable en plus de ça.»...

  J'ai continué quelques pages, pendant que Niam finissait sa soupe et posait sa tête sur mes genoux en fermant le yeux. À un moment, je m'étais arrêtée, une sombre pensée me trottant dans la tête.

— Qu'est ce qu'il y a, Lily ?

— Niam... tu vas pas partir quelque part en me laissant, hein ?

  Niam s'était redressé sur son coude et m'avait regardée, l'air grave.

— Tu me crois capable de faire ça ? De te laisser ?

— Mais, je sais pas... tu n'as pas vraiment de maison, et si tu te lasses d'ici un jour...

  J'avais brusquement éclaté en sanglots, les larmes étaient montées toutes seules.

 Je ne voulais pas qu'il me laisse toute seule, je m'étais attachée à lui plus qu'à n'importe qui d'autre. Je voulais sentir sa main dans mes cheveux, entendre sa voix grave me parler de ses rêves, poser ma main sur la sienne et juste nous taire en observant les étoiles qui commençaient à apparaître. Je voulais pouvoir continuer à le regarder toute une vie, je voulais continuer à le surprendre pour qu'il hausse encore son sourcil, je voulais qu'il se tourne vers moi avec son regard brûlant. J'étais devenue dépendante à lui et à ses yeux azur, je ne pouvais pas me séparer de lui, j'en mourrais s'il partait. Je l'aimais à en crever, trop fort pour mon cœur qui en oubliait de battre quand ses yeux rencontraient les miens, quand son épaule frôlait la mienne. J'adorais le regarder à la lueur des lampadaires, tandis qu'il me racontait son monde à lui, si différent du mien mais si proche. J'aurais aimé en savoir plus sur lui, je n'étais jamais contente, mais dès que je lui posais une question il me lançait ce petit regard énigmatique qui veut tout et rien dire. Je l'aimais trop, ça me faisait mal, il fallait que ça sorte. Dès que je le voyais, je n'avais qu'une envie ; le serrer dans mes bras et l'embrasser.

  J'avais pleuré longtemps. J'en avais oublié le temps. Peut-être s'était-il écoulé cinq minutes, peut-être s'était-il écoulé deux heures, je n'en savais rien. Pendant toute ma crise, Niam m'avait serrée dans le bras en me caressant doucement le dos. Quand mes larmes s'étaient taries, il m'avait embrassée tendrement. Ses lèvres avaient un goût de potiron. Son baiser était d'une douceur infinie, pleine d'amour. Il s'était ensuite décalé de moi, et avait murmuré :

— Je n'irais nulle part, Lily. Car je t'aime.

  J'avais souri, je ne pouvais plus m'arrêter de sourire. J'étais incroyablement heureuse. Mon coeur battait à tout rompre dans ma poitrine, mais il battait enfin librement.

— Moi aussi... Je t'aime, Niam.

 NiamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant