l'amour d'une ombre

227 1 0
                                    

Je pense qu'il s'agissait d'amour. Je le crois en tout cas. Non ! En fait, j'en suis certaine ! Il m'était souvent donné de le voir lorsque je me rendais à la bibliothèque du lycée. Dieu qu'il était beau. Si mince, si grand. Ses épais cheveux noirs, légèrement bouclés me paraissaient si soyeux. Ils devaient être si doux... Et sentir bon ! Je ne vous parle pas de son regard... ce regard si lointain. Loin de tout et loin de moi. Il me donnait l'impression lorsqu'il lisait, que son corps demeurait, mais son esprit partait ailleurs. Il voyageait mais ne semblait rien voir qui saurait l'exalter. À ses yeux, je n'étais bien qu'une ombre dans son dos. J'espérais toujours qu'il me remarque. Lorsque ses yeux quittaient son bouquin quelques instants pour parcourir la pièce je souhaitais qu'il me voit, qu'il me regarde et... soyons fous ! Qu'il m'admire ne serait-ce qu'un peu. Mais en vain... Pourtant je le connaissais si bien ! Son nom, son âge, son lieu de résidence, ou mieux encore, ses livres favoris. Ceux-qu'il empreintait appartenaient tous au genre fantastique, futuriste. Il devait aimer s'évader de notre monde, de cette bibliothèque, s'isoler de tout... Ils venaient toujours aux mêmes heures. Après les cours de l'après-midi il se rendait à la bibliothèque. Il prenait place, toujours à la même table. Celle du fond, près de la fenêtre, et restait jusqu'à l'heure de fermeture. Il semblait toujours seul, se lassant de cette accoutumance. À moins que ce ne soit la vie elle même qui le rendait si fermé, si rude. Au regard des ignorants, il demeurait inerte, ne trahissant pas la moindre émotion. Il leur semblait impassible, vidé de tout et parfois disait-on qu'il n'y avait rien d'humain à son expression inssenssible. En réalité, il était seulement un peu sauvage. Moi je le savais bien plus expressif qu'il n'y paraissait. Je le connaissais. Ce n'était qu'une façade qu'il se donnait en public. Heureusement qu'il ne travaillait pas dans le bâtiment car j'y décelais tellement d'imperfection... Et malgré mon espoir profond de pouvoir un jour lui plaire, je continuais de meubler le vide et rien n'y changeait jamais. Je résidais dans l'ignorance la plus totale. J'étais parfaitement inexistante... Peut-être, me disais-Je, que mes espoirs étaient trop minces pour qu'un jour cette rencontre se face. Néanmoins, et selon toute vraisemblance, je semblait trop attachée à lui pour vouloir m'en séparer. Je ne voyais bien que lui. Et il ne me voyait bien jamais. Pourquoi serait l'amour s'il ne peut être partagé. J'ai parfois souhaité y renoncer. L'abandonner, l'oublier, l'effacer... Comme s'il n'avait jamais existé. Comme s'il n'existerait jamais. Mais en faisant cela, c'était... Comme renoncer à moi même, à mon cœur, mes sentiments. Comme si... Je m'abandonnais à l'ignorance. C'était me mentir tout simplement, masquer la vérité. Et cela, je ne pouvais m'y résoudre.

LISA

Ô femmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant