A travers la vitre du train, le paysage ressemblait à une bouillie colorée.
Les yeux de la jeune fille ne pouvaient se fixer sur aucun élément solide et elle n'essayait pas d'en trouver. Elle regardait le paysage brouillé sans le voir, son souffle formant une tâche humide sur la vitre.
Elle adorait les voyages en trains.Contempler le chaos de derrière le verre lui permettait de se concentrer sur ses pensées et d'y mettre de l'ordre. Ou parfois simplement de leur échapper. Dans tout les cas, elle se perdait et le trajet lui semblait toujours trop court. Des heures de rêveries qui la plongeaient dans un état second lorsqu'elle descendait du train.
Elle ne vit pas venir le tunnel. La brusque obscurité la surprit et lui fit perdre le fil de sa réflexion. Elle décolla le menton de sa main avec une pointe d'agacement et fixa l'extérieur. Elle eut la désagréable impression de vouloir percevoir le néant. Elle détourna la tête. Ace moment, le train sortit du tunnel et la lumière l'éblouit.Lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle contempla à nouveau le noir complet. Elle allait reposer le menton sur sa main mais elle se figea à mi-course.
- Qu'est-ce que...?
Elle se redressa, incrédule. Ils étaient pourtant bien sortis du tunnel ? L'extérieur donnait une impression d'espace, mais il n'y avait rien que l'obscurité repoussée par les lumières du train. Elle attendit au cas où elle se serait trompée, mais le paysage resta inchangé au-dehors. Puis elle remarqua vraiment la lumière. Elle était jaune. Ce n'était plus la clarté trop blanche des wagons, celle-ci ressemblait plus aux lueurs que projetaient les vieux réverbères, celles qui rappelait les vieilles photos sépia.
La jeune fille regarda le plafond.Ce n'était pas le même non plus. Ni le décor tout autour d'elle. Tout semblait plus... ancien. Les couleurs ici aussi rappelaient les vieilles photographies. La jeune fille se leva et alla dans l'allée centrale. Elle regarda sans comprendre un homme assis dans un siège en face d'elle. Il était vêtu d'un costume trois pièce et d'un haut de forme noirs, et il regardait l'obscurité extérieure, l'air perdu dans ses pensées. Elle le fixa si intensément qu'il releva la tête et la regarda en fronçant les sourcils. Sortant de sa torpeur,elle battit des paupières et observa le reste du wagon. Il était plus grand que celui qu'elle venait de quitter. Il y avait d'autres personnes, la plupart habillées de la même façon que l'homme qui s'était replongé dans la contemplation du néant, et paraissaient tout aussi pensifs. La jeune fille remarqua qu'ils portaient tous autour du cou le même médaillon terne.
Elle dut rester un long moment à regarder autour d'elle sans réagir, car le train se mit à ralentir. Une partie d'elle songea vaguement ''déjà ?'', mais le reste se contenta de fixer l'homme, qui venait de se lever. Comme un somnambule, il se dirigea vers une des sorties. Le train s'arrêta tout à fait et les portes s'ouvrirent. L'homme descendit. La jeune fille alla regarder dehors et elle dut se retenir à une barre, les jambes flageolantes. Il y avait un arrêt, dehors. Une simple plateforme de pierre et un réverbère qui dispensait une lueur jaune. A part cette dernière et celle qui tombait par les vitres du train il n'y avait que les ténèbres, rideau opaque à peine maintenu à distance autour du quai vide.
La jeune fille secoua la tête et regarda l'homme descendre les marches de la station et sortir du halo de lumière. Elle frissonna lorsque le noir l'avala et elle rentra dans le wagon. Elle retourna se poster à sa fenêtre. D'autres personnes descendirent du train, mais personne ne monta.
Elle les regarda se faire engloutir par les ténèbres, puis les portes se fermèrent et le train repartit.
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Phare
Short Story''Elle se détourna. Il l'attendait devant le commencement d'une route. Elle le rattrapa et le suivit sans un mot. Le chemin était peu large et montait vers la ville. Leurs pas résonnaient sur les pavés dans le silence. Des réverbères bordaient les t...