InShan

Chapitre 1

          Mon histoire ne commence pas par des choses extraordinaires, mais tenez le coup, vous verrez, ça deviendra bien plus palpitant après. Je n'ai pas envie de vous dévoiler tout dès maintenant, c'est pour cela que je vais commencer par le commencement...

          Je m'appelle Shan. J'étais un garçon comme les autres, je n'étais pas trop remarqué dans mon entourage. Je vivais non loin de Boston, aux États-Unis. Vous voyez, la capitale de l'état du Massachusetts. Nous étions au XXIème siècle. Je vivais uniquement avec mon père, âgé de la cinquantaine. Je n'avais jamais vraiment connu ma mère, elle est partie vivre à l'autre bout du monde (en Chine), aux alentours de mes cinq ans. Je me rappelais juste vaguement de son visage. J'étais en seconde et j'avais seize ans, mais nous approchions de la fin de l'année scolaire, et mon anniversaire arrivait à grands pas. Je l'attendais avec beaucoup d'impatience. Honnêtement, je ne m'attendais pas à ce que cet anniversaire allait me réserver. Mais je vais vous le dire...

          Nous étions le vingt-huit août , trois jours avant le jour J. Notre prof d'histoire, M. Lambin, nous annonçait la fin du cours, après deux heures d'étude de texte non-stop. Je rangeai mes affaires en vitesse, entendant la sonnerie du bonheur - oui, je sais, je n'aimais pas beaucoup le collège. Je sortis de la salle, et dévalai les escaliers comme une flèche. Je ne prêtais guère d'attention aux autres élèves que je bousculais pour me dépêcher. L'un d'eux faillit même tomber.

          Une fois arrivé à l'arrêt de bus, je haletai, essoufflé par ma course. Le car arriverait dans onze minutes. Je sortis mon smartphone et mes écouteurs pour écouter de la musique en attendant le bus de ramassage scolaire. Je lançai mon morceau préféré et entrai dans mon monde. Je me détendais... J'adorais cette sensation de bien-être quand j'étais dans ma bulle. Coupé de l'extérieur, je n'entendais rien d'autre que cette musique calme et apaisante. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas senti ainsi. C'était comme si je m'endormais d'ailleurs. 

          D'un coup, je me retrouvai dans un petit lit de bébé, avec ma mère en train de me chanter une comptine. Je lui demandai ce que nous faisions là, mais ce devait être un songe, elle n'allait pas me répondre. À ma grande surprise, elle me dit : « Tu verras, nous nous retrouverons bientôt. À bientôt, mon chéri. » Son visage commença à s'estomper, puis disparut complètement. Je me réveillai soudain, toujours à l'arrêt de bus.

          Tout à coup, quelque chose attira mon attention. C'était une personne avec le dos courbé, elle avait une sombre capuche sur la tête qui semblait absorber les rayons du soleil, tellement elle était noire. On ne voyait pas un seul bout de son visage, celui-ci entièrement recouvert par la capuche. Je me l'imaginai déjà tout ridé avec les lèvres tombantes et la peau dépourvue de vie, car la créature avançait à la manière d'une personne centenaire.

          Soudain, elle tourna brusquement sa tête vers moi, et je vis dans le noir de son visage imperceptible deux petits yeux jaunes sans pupilles qui me regardaient. Elle vacilla  étrangement, trébucha, et s'effondra comme si elle venait de mourir. Jusque-là, je l'avais observée pensivement et distraitement à la fois. En la voyant tomber, je sortis de ma bulle, arrêtant ma musique, et rangeant mes écouteurs pour aller l'aider. Je traversai la route vers le vieux tas sans précaution. J'entendis un grondement lointain qui devenait de plus en plus fort. Je tournai la tête pour voir de quoi il s'agissait. Une voiture arrivait à toute vitesse vers moi. Terrorisé à l'idée de me faire percuter, je m'efforçai de courir le plus vite possible. Je me jetai en l'air, volant vers le trottoir aussi maladroitement qu'un oisillon faisant son baptême de l'air. Un bruit sourd se produisit tout près de moi, je ressentis une douleur indescriptible, et tout devint noir.