Élisa

2. Marelle

Un jour, Élisa elle est arrivée au collège avec une petite boîte de craies.
Elle est allée dans son coin, tout au fond de la cour, et elle s'est mise à dessiner quelque chose sur le béton.
Nous, en bons curieux, on s'est demandé ce que c'était,
Y en a qui se sont approchés pour voir, et ils ont éclaté de rire en la traitant de gamine.
Elle s'est pas démontée, je pense qu'elle avait décidé de le prendre comme un compliment, c'est mieux comme ça.

C'était une marelle, maladroitement tracée sur le sol.

Élisa, elle avait écrit TERRE et CIEL par terre, ça lui correspondait,
Les pieds sur terre, la tête dans les nuages.
Ce jour-là, elle portait une robe à fleurs, et elle avait une fausse couronne de lierre dans ses cheveux.
Elle ressemblait à une petite fille invitée à un goûter d'anniversaire.
Elle était belle.

Elle a déposé son sac de cours et la boîte de craies à côté de la marelle,
Et elle a récupéré un bout de caillou qui s'était détaché du mur pour le lancer.
Puis elle s'est mise à jouer, seule, encore une fois.

Toute la récréation, elle a sauté de case en case, sur un pied.
Elle s'amusait, chantant ses comptines, sous les regards hautains des garçons qui passaient avec leur ballon de foot sous le bras.
Alors que courir après une balle, ça peut tout autant être un divertissement de primaires, crétins.

La cloche a sonné, elle a vite ramassé ses affaires, d'un air pressé.
Elle n'aime pas être en retard, même si l'école, ça l'intéresse pas.

Durant le temps de midi, Élisa, elle est pas retournée vers sa marelle,
Elle avait la tête ailleurs. Et faim, surtout.

Les élèves du collège ont beau la prendre pour une gamine,
Pendant qu'elle mangeait, un groupe de troisièmes s'est approché de son coin, dans la cour, pour dessiner des jeux avec les craies.

La nuit après ça, il a plu.
Le matin, je suis allé voir la marelle, elle avait disparu.
Quelques traces de poussière blanche témoignaient de son existence.
Élisa n'avait pas paru touchée, elle avait juste caressé la plume qu'elle portait dans ses cheveux.