Entre Classique et Hip Hop

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Ma main dans la tienne, j'observe le groupe sur scène. Elles ont du talent, elles ont du courage aussi. Je ne suis pas sûre que j'aurai osé une telle prise de risque. Je relève la tête et cherche le contact de tes yeux en vain. Tu sembles complètement paniqué.

« Ça va aller Liam, tout va bien se passer. »

Je sais que mes mots n'auront aucun effet pour te calmer, seule la musique pourra te faire oublier ton trac. Je soupire. Les applaudissements du public se font entendre, les ballerines sortent de la scène sans nous prêter aucune attention.

Une vieille femme avec un air strict vient nous voir et nous donne le signal. Je lâche ta main et tu t'en vas sur la scène sous une nouvelle vague d'applaudissement. Le silence vient s'installer, tu commences à bouger comme si tu t'échauffais pour ta prestation. Un murmure court dans le public. Je souffle et rentre à mon tour sur la scène sous les exclamations du public. J'avance lentement, sans réellement faire attention à ta présence. Je suis face au public, tu te trouves derrière moi. Je tourne la tête de façon à te voir, tu es là à me fixer. Je me mets en positions, fouetté. Un tour, un second, stop. Une arabesque sur pointe. Je ne bouge plus. Le silence est toujours présent, le publique s'interroge sur ce que nous sommes en train de présenter.

Tu te relèves et t'avance vers moins avec un signe d'incompréhension. Je retombe les pieds à plat sur le sol. Saut de chat suivit d'une pirouette, je finis par m'approcher de toi dans de petits pas sur pointe. Je tourne autour de toi, un peu comme si je cherchais à te narguer. J'attrape ton bonnet que je lance quelque part sur la scène. Tu joues la comédie, ta main que tu poses sur ta tête comme si tu étais étonné de voir que tu n'as plus ton accessoire fétiche vient accompagner ton regard d'incompréhension. Je m'arrête, tu commences à bouger. Du hip hop, ta spécialité. De nouveaux murmures se font entendre, brisant le silence qu'ils avaient instauré peu avant. Tu sautes et rebondis. Je m'approche et viens enrouler ma jambe autour de ta taille. Comme un réflexe, tu poses une main sur ma taille, la seconde vient simplement soutenir ma jambe. Tu t'exclames, tu veux montrer ton mécontentement. Je porte un doigt contre mes lèvres et t'intime de te taire. Le silence retombe. Nous sommes immobiles tandis que les premières notes de notre chanson se font finalement entendre. Le son d'un vieux piano retenti dans la salle.

Lentement, je laisse retomber ma jambe. Je viens tourne la tête face à toi et lève ma jambe droite le plus haut possible, mon bras droit suivant le mouvement. Ton bras gauche sert d'appui au mien pour m'aider à garder l'équilibre. Je ferme les yeux, je sens ton regard sur moi, je sens ton souffle sur ma peau. Je redescends et m'éloigne de toi. Je tourne et nos bras se croisent. Tu te laisses tomber au sol dans un enchainement dont toi seul a le secret, je m'éloigne dans de petits pas. Mes bras bougent au grès de mes pas et de la musique à la façon d'une ballerine. Tu finis par te relever. Nous sommes maintenant dos à la l'autre, chacun à l'opposé de la scène. Je me retourne en même temps et toi et finis par te rejoindre à nouveau pendant qu'un violon se fait entendre. J'attrape ta main, nous tournons puis, nous nous séparons à nouveau. Nous sautons en cadence, chacun à son style. Un saut de hip hop pour toi, un grand jeté pour moi. Il faudra un jour que j'apprenne le nom de tes pas Liam. Je tourne sur moi-même et tu me rejoins. En parfaite cadence, nous effectuons les mêmes pas où nous bougeons sur nous-même, nous penchant à droit à gauche, parfois en avant pour finalement s'arrêter face à la scène, les bras tendus devant alors que la musique semble s'arrêter pour reprendre de plus belle.

Nous repartons dans le rythme dans une enchainement de pas mêlant classique et hip hop, mêlant pirouettes et enchainements au sol pour que finalement tu attrapes mon bras et vienne retirer l'une de mes manches en dételle qui composent ma tenue. Comme dans un jeu, je viens retirer le t-shirt que tu portes. J'esquisse un léger sourire car oui ça m'amuse. Je tourne sur moi-même pendant que tu tombes à genou. Tu finis par défaire le nœud de ma jupe pendant qu'elle tombe au sol. Tu roules au sol, jambe tendue je te retire une chaussure. Une roue, tu me rattrapes et m'enlèves mes chaussons. Dans notre jeu, nous finissons par ne simplement porter que le strict nécessaire. Mon justaucorps et ton caleçon, le juste milieu entre le vêtu et le dénudé, le minimum de la décence.
Nous nous poursuivons sur scène. Petits pas ou saut de biche, nous jouons comme des enfants au chat et à la souris. Un dernier saut marque un tournant dans notre représentation. Un joli tableau à voir. Un grand jeté pour moi, un saut typique de hip hop pour toi, tout cela sur une note de piano qui relance notre duo.

Je saute, je cours, la pièce semble tourner autour de moi. Je gravite autour de toi qui saute et rebondit au centre de la scène. Le rythme s'intensifie. Dans un dernier élan je te rejoins au sol dans un pont. Je finis assise par terre, dos à toi. Tu me tire par le bras, je passe au-dessus de toi. Pointe tendue, j'effectue une arabesque puis me redresse et par dans une série de fouetté et de pirouettes avant de me laisser une dernière fois tomber au sol sur le dos où tu me rejoins à t'allonge à mes côtés sur les dernières notes de ce vieux piano qui retenti dans la salle. C'est ainsi que nous finissons notre prestation. Un claquement puis un autre, la salle entière fini par exprimer son admiration. Nous nous relevons et saluons le jury et le public avant de sortir le sourire aux lèvres.

J'ai souvent entendu dire que la première impression est celle que l'on garde d'une personne et qu'une gosse de riche ne devrait pas fréquenter les gamins de la cité. Je me souviens de notre rencontre Liam, quand nos regards se sont croisés dans ce studio de danse en ville je ne t'ai pas vraiment supporté. Toi le petit danseur de hip hop je t'entendais parler en mal des ballerines dans ton stupide téléphone. C'est là qu'est né notre relation, c'est là qu'est né notre représentation. Un simple regard noir que je t'ai lancé. Je t'ai provoqué en raccrochant ton téléphone. De là est née une jolie confrontation entre classique et hip hop. De là s'en est suivit tellement de disputes qui n'ont fait que nous rapprocher. Finalement, nous avons craqué, toi le premier d'ailleurs. Il y a eu ce premier contact entre ta peau est la mienne puis finalement tes lèvres ont rencontré les miennes après que tu m'aie poursuivi sous cette pluie le soir du bal de promo du lycée. Je t'aime Liam et ce malgré tout ce que l'ont peut dire à ce sujet et cette danse est probablement ce qui nous représente le plus. Maintenant tout le monde le sait, mes parents, les tiens, nos amis. Personne ne pourra ignorer notre histoire.

Entre Classique et Hip HopWhere stories live. Discover now