Le début de la fin

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    Aya regardait par la fenêtre de sa chambre, sans trop savoir quoi faire. Plongée dans ses pensées, elle jeta un œil distraitement à sa montre avant de reporter son attention sur le paysage qui se dessinait derrière sa fenêtre. Deux heures. D'ici deux heures, tous les adolescents s'amuseraient, danseraient et boiraient jusqu'à en oublier leurs propres noms, tandis qu'elle resterait dans sa chambre, à regarder indéfiniment par sa fenêtre. Derrière celle-ci, elle se sentait en sécurité.

    Le paysage qu'elle observait presque toujours, était, à force, devenu son point de repère le plus précieux. La route, où les voitures se garaient près du trottoir, était bordée d'une pelouse plus verte et plus fleurie qu'elle n'en avait jamais vu ailleurs. De plus, elle était entourée d'arbres qui se rejoignaient en leurs sommets, laissant filtrer quelques rayons de soleil entre les feuilles d'un vert foncé et profond. Ici, Aya se sentait à l'aise, loin de toutes les fêtes qui puissent exister, loin de ce monde duquel elle ne faisait pas partie. Et pourtant, elle n'osait avouer clairement qu'elle aurait aimé appartenir à ce monde de débauche, rien qu'une fois, pour savoir ce que cela fasse de vivre une soirée entre adolescents.

    Mais le destin est parfois capricieux et imprévisible, au point qu'une soirée ordinaire et sans aucune surprise, pouvait parfois se transformer en un rêve éveillé, en une réalisation d'un désir inavoué. Mais, entre rêves et cauchemars, ce serait à notre protagoniste d'en juger la limite.

    Aya était toujours rivée face à sa fenêtre lorsqu'un élément inhabituel et troublant attira son attention : Molly, la seule et unique fille qui acceptait sans concessions de lui adresser la parole, s'avançait jusqu'au bas de sa fenêtre, d'un air totalement paniqué. Elle semblait être au pied du mur, aussi bien au sens figuré qu'au sens propre, et Aya n'allait pas tarder à savoir pourquoi.

    À la vue de cette fille, Aya ouvrit sa fenêtre et laissa Molly entrer dans sa chambre, après que son amie est grimpée contre le mur, en s'aidant de la gouttière bien accrochée. À ce moment-là, la jeune hôte ne se rendait pas compte de la preuve d'insouciance qu'elle venait de faire. Oui, elle était insouciante de laisser entrer cette fille dont, même si elle était sa seule et unique amie, elle ne connaissait, au final, pas grand-chose. La seule chose dont elle était sûre à cent pour-cent, c'était que Molly était une incroyable fêtarde. En y repensant, c'est peut-être cet esprit contraire, cette confrontation entre leurs personnalités, qui leur permettaient de s'entendre si bien. Aya tempérait les folies de son amie, tandis qu'à l'inverse, Molly poussait la jeune naïve à parfois dépasser ses préjugés de temps en temps, sans jamais ne lui faire passer certaines limites qu'elle ne souhaitait pas qu'Aya connaisse. Pourtant, aujourd'hui, elle allait mettre de côté cet aspect protecteur de sa personnalité pour son propre profit.

    « J'ai vraiment, vraiment besoin de ton aide Aya... »

    Cette dernière regarda son amie avec stupeur. Dans leur relation, il n'avait jamais été envisagé, en tout cas pas venant de Molly, qu'elle allait avoir « vraiment besoin » de la petite adolescente docile et effacée. Pourquoi aurait-elle besoin de moi, se demanda Aya en interrogeant son amie du regard. Après tout, elle n'avait rien en commun, que ce soient leurs fréquentations, leurs façons de vivre, leurs résultats scolaires, et même leur physique. Enfin si, elles avaient une chose en commun : des tâches de rousseurs. Mais en quoi cela pourrait-il être utile à Molly ?

    Pourtant, Aya prit tout de même le risque de lui demander en quoi elle pouvait l'aider. Ce qu'elle regretta bien vite lorsqu'elle entendit la réponse de son invité, qui l'observait dans le grand miroir mural de la chambre.

    « J'ai besoin que tu te fasses passer pour moi. »

    Abasourdie, l'habitante de cette chambre se laissa tomber sur son lit fait à la perfection, aux draps d'un bordeaux pur et profond, doux et soyeux à la fois. Elle se mit à rire, sans parvenir à se contrôler et ce n'est qu'à cet instant que Molly se rendit compte de l'absurdité de sa demande. Ce qui ne l'empêchait pourtant pas d'être tout à fait sérieuse. Elle avait déjà tout planifié et était intimement persuadée que son idée restait quelque chose de tout à fait faisable, aussi bizarre que sa demande puisse paraître. C'est peut-être ce qui était le plus inquiétant, dans le fond.

Elle s'appelait AyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant