L'Internat

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_____ Mattéo _____

- Alleeeeeez ! grommelai-je en entrant avec difficulté dans le hall d'entrée, me battant avec mon énorme sac de voyage.

Mon père, homme d'affaire connu et reconnu dans le monde entier pour ses contrats en or, était constamment en voyage. C'est pour cette raison qu'il m'avait fait entrer dans l'un des internats les plus cotés de la rive Est. Evidemment, je n'avais pas vraiment apprécié. Le confort de notre maison me convenait, avec ou sans lui. Un mec seul dans une villa ça fait des dégâts. Surtout quand il aime la fête ou les filles. J'aimais les deux.

- Pensionnat de bourges, pour les gens friqués, qui peuvent pas s'occuper de leurs enfants. Qui veulent pas ouais ! continuai-je à maugréer en m'approchant de la réception.

La secrétaire derrière le bureau adoucit quelque peu mes récentes peines. Dans la fleur de l'âge, j'entends par la, pas encore la trentaine, son métissage me donnait envie de prendre un allé sans retour pour la Barbade.

Voulant faire bonne impression, je sortis mon sourire de circonstance. Façonné par les années et la détermination de mon père à vouloir m'enseigner l'art et le paraître, c'était le sourire ravageur, celui qui fait fondre un iceberg au mois de janvier. "Un sourire fait 70% du job" me disait-il souvent. Comme j'aimais le contredire, je l'avais crée dans une optique de réussite totale. Ce sourire, totalement faux, transperçait les cuirasses les plus épaisses. Il allait bien réussir à convaincre ce beau 95C.

Outre sa détermination, j'avais hérité du châtain de ses cheveux, de son teint légèrement halé et de sa carrure d'homme avec qui on ne discute pas. Mes yeux clairs appartenaient cependant à la femme que je n'avais jamais eu la chance de connaître : ma mère.

Elle releva la tête à mon arrivée et je capturai ses yeux. Les jeux de regards c'était mon dada. Pourtant, elle ne sembla aucunement décontenancée par mon charme. Ce qui était rare. Très rare. Au point que cela rendait le jeu encore plus excitant.

- Mattéo de Carvalo ? me demanda t-elle de façon égale quand j'arrivai à sa hauteur.

- Oui...

- Ravie de te rencontrer, je suis Nahélie, reprit-elle en se levant pour me serrer la main, son bureau entre nous.

Non, 95D finalement. Ne m'attardant pas sur ce détail plutôt imposant, je me concentrai sur le brun noisette de ses yeux bien symétriques. Son assurance était plaisante.

- C'est un plaisir partagé Nahélie. Les belles apparitions me laissent rarement insensible. Ce bâtiment ainsi que ce qu'il contient sont de parfaites réussites.

Ce n'était pas faux. Construit dans un style victorien, la pierre polie par l'homme et le temps se mariait parfaitement à l'environnement paisible des alentours. Un sourire passa sur ses lèvres ourlées, me faisant comprendre qu'elle avait bien saisie l'allusion. Néanmoins elle ne relança pas la balle.

- Ton dossier n'est pas totalement terminé, du coup ta carte n'est pas encore prête. Mais ça nous donnera un prétexte pour nous revoir, dit-elle en souriant malicieusement.

A sa remarque, je relevai les yeux juste à temps pour apercevoir son regard en coin. Finalement, elle amorçait un flirt discret mais plutôt agréable. Même si j'étais assez mature intellectuellement et que de ce fait j'aimais les femmes plus âgées que moi, mon âge en freinait la plupart, ce qui était largement compréhensible. Nahélie, qui avait sûrement dû s'occuper de mon inscription devait le savoir. Donc soit elle se foutait de moi, soit elle se fichait de mon âge tant que j'avais ce qu'il fallait ou il fallait. Et secrètement, je priai pour la deuxième option.

- Le pensionnat fonctionne comme une collocation. Les appartements se situent dans la prolongation du sas qui est au bout du couloir.

Son discours, rôdé et répété, ne l'empêchait pas de me détailler sans gêne de haut en bas. Pour ne pas paraître trop intéressé, je suivais son parcours des yeux, feignant de m'attarder sur les deux statues encadrant l'arche découpée dans le mur qui menait au-dit sas.

- Ton pass est une carte magnétique. Chaque étage dessert un appartement donc quand tu l'insérera dans la fente prévue à cet effet dans l'ascenseur, il t'emmènera directement au bon niveau. Idem pour les autres espaces privés du pensionnat. Tu découvriras tout au fur et à mesure, le domaine est immense.  Reviens me voir demain, il sera prêt. Utilises le code 87-68-92 pour aujourd'hui.

Avait-elle réellement osé ? Elle aurait pu annoncer ces chiffres en utilisant deux centaines. Hors, elle l'avait décomposé en trois dizaines, ce qui laissait très peu de doutes sur la provenance de ses numéros. Quelqu'un d'autre avait-il pu le remarquer ? Ou alors, j'allais peut-être trop loin dans mon analyse. Quoi qu'il en soit, cette femme n'avait pas froid aux yeux.

- A demain Matteo.

Complètement ailleurs, je n'avais pas remarqué qu'elle me tendait à nouveau sa main, signe de la fin de notre entretien. A nouveau, je lui glissai mon petit sourire en la lui serrant, et prenait bien soin d'effleurer ses doigts en la lâchant, tout en observant sa réaction: respiration coupée, inspiration précipitée, yeux écarquillés. Je tenais le bon bout.

Après un dernier regard, je quittai le hall, et trouvai le sas, chef d'oeuvre en verre qui conduisait à un autre immeuble, totalement différent du premier. Fini la pierre brute et les gravures anciennes qui caractérisaient la réception et place à la modernité avec ce monstre de verre et d'acier qui s'élevait sur plusieurs étages. Il y en avait six. Six petites constructions alignées en deux rangées de trois immeubles. Comme un quartier résidentiel. Dans un immense pensionnat.

La Destinée des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant