L'équipe

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Dans l'ascenseur, c'est en vain que je me frottais vigoureusement la tête pour tenter de faire disparaître les marques de fatigue qu'avaient laissé ces derniers jours sur mon visage.

Au bout d'un moment j'avais finis par comprendre que d'accord ou pas, je finirais ici. Alors j'avais organisé une soirée, que dis-je, un weekend à la projet X. Evènement ouvert à tous sur facebook, relayé sur twitter, instagram et j'en passe, plus de 200 personnes avaient répondu présentes. Peut-être même plus.

Le jardin que mon père se suait à entretenir si savamment était devenu le terrain d'un camping sauvage où s'amoncelait cadavres de canettes et cul de joints entre les tentes qui avaient été montées anarchiquement entre les buissons et les arbres fruitiers.

L'alcool avait coulé à flots, les filles BCBG se trémoussant sans gêne autour de la piscine à moitié dénudées au rythme des platines qu'un ami, dj à ses heures perdues, faisait tourner à plein régime. Ouais, c'était cool. Pendant quelques heures, j'étais le roi.

Mes réflexions me firent sourire. J'aimais tout ce que je condamnais. Un "ping" et les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur un couloir lumineux, directement dans mon... appartement ?

A gauche, deux portes proches l'une de l'autre. "WC" et "SDB" étaient indiqués sur un petit panneau accroché à chacune d'elle. Le couloir s'ouvrait ensuite sur un salon où le soleil éclatait par les baies vitrées qui recouvraient la totalité des murs de celui-ci.

J'entendais des bruits d'eau provenir de la salle de bain, quelqu'un prenait sûrement une douche. J'avançai prudemment, mal à l'aise devant ce silence déstabilisant. Une fois dans le salon, j'aperçus un couloir à droite qui menait vers quatre autres portes, probablement des chambres. A gauche, contre le mur des toilettes se trouvait une cuisine ouverte délimitée par un îlot où une blonde, assise sur un tabouret était plongée dans la lecture d'un livre ancien.

Je me raclais doucement la gorge afin de signaler ma présence et elle releva la tête. Son regard me fit l'effet d'une claque. Vairons. Elle avait les yeux vairons. Le droit vert et le gauche marron.

Cette vision inattendue bloqua le speech que j'avais imaginé raconter lors de ma rencontre avec mes futurs colocs. C'était rare que je perde le contrôle d'une situation, mais là, c'était pire : je ne savais absolument pas par quel bout attraper le fil qui nous connecterait l'un à l'autre.

Car oui, les relations humaines sont des connexions. Parfois la wifi passe sans souci, parfois y'a des petits problèmes de raccordement. Parfois la 4G prend directement le relais, parfois la connexion se perd.

Allez Matteo dit quelque chose !
Mon cerveau, en alerte rouge m'ordonnait de me ressaisir.

- Salut, hasardai-je.

Elle baissa la tête d'un côté en m'observant tel un animal blessé, une mèche de ses longs et fins cheveux blonds tombant devant son œil brun.

Un éclat de rire provenant de la salle de bain mit fin à ce moment embarrassant.
La blonde me contourna sans un mot pour toquer à la porte de la salle de bain et un couple en sortit, enveloppé dans de longues serviettes.

Un nuage de vapeur brouilla quelques instants ce spectacle. J'en profitai pour inspirer profondément. Cette fois, te loupes pas !

Le mec qui était sortit de la salle de bain, s'approcha de moi, sa serviette nouée négligemment autour de sa taille. Plus aucun autre signe de vie autour. Que lui et moi.

Moi-même bien membré, la puissance de ses épaules était telle que ses muscles saillaient. Les deltoïdes parfaitement dessinés, il avait la carrure d'un footballeur américain. Sans parler de ses pectoraux. Ou de ses abdominaux. Ni du volume de ses bras. Si il n'avait pas été aussi grand, il aurait fait office du gorille de service, mais là je devais l'admettre : j'avais de la concurrence.

Ses cheveux noirs coupés courts faisaient ressortir ses yeux bruns foncés qui me fixaient nonchalamment.

- Benoît, lança-t'il en me tendant sa main.

- Mattéo, répondais-je en lui serrant.

Avec force, il me rendit la pareille.

S'il y a une chose dont j'avais horreur, c'était qu'on me serre mollement la main. Sa poigne me broya les doigts.

La confiance débordait de son corps par tous les pores de sa peau. D'un signe, il m'invita sur la terrasse où il prit place sur un des poufs installés là. J'optais pour le canapé.

Il attrapa un paquet de marlboro qui traînait sur la table de jardin, sortit une clope et l'alluma.

- Alors c'est toi, fit-il en recrachant une bouffée de fumée.

Qu'est ce qu'il voulait que je réponde à ça ? J'haussai légèrement les épaules les mains ouvertes dans un signe interprétable comme "ouais et ?"

- Destinée nous a beaucoup parlé de toi.

Qui c'était celle-là ? Devant mon air penaud, un petit sourire se dessina sur son visage, mangé par une barbe de quelques jours.

- Je me disais bien. Tu ne la connais pas hein ? Je sais pas comment elle fait pour être aussi... intuitive.

Une autre bouffée de cigarette puis il reprit.

- Quoi qu'il en soit, Destinée c'est la blonde qui t'as accueilli.

"Accueilli" ? "ACCUEILLI" ..? Mattéo... La ferme...

- Tu n'as pas encore vu Candice. Elle est allée s'habiller. On est arrivé ensemble elle et moi et on est ce qu'on peut appeler un couple.

Sa réflexion m'arracha un sourire. Comme je le comprenais. Même amour propre. Façon voilée d'expliquer qu'elle était à lui. Mais surtout que lui était à elle. Dur, dur pour un mec d'avouer ça. On allait peut-être bien s'entendre.

Il se releva, s'étira avant d'ouvrir ses bras comme une invitation à regarder la vue à 360 degrés qu'offrait la terrasse.

- Voilà l'équipe Mattéo. Toi, moi, Candice et Destinée.

La Destinée des ÉtoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant