Ici, on s'ennuyait. Ma famille habitait loin et cela faisait des années que nous ne nous étions pas vu, j'en avais presque oublié leurs visages ; alors ce n'était pas sûrement pas sur eux que je pouvais compter afin de me sortir de cet endroit. J'étais coincé là. Je me sentais comme emprisonné et il n'y avait aucun moyen de s'évader. À vrai dire, mon métier ne m'assurait pas grand salaire, ni grandes responsabilités d'ailleurs ; concierge ça payait peu. Malgré cela, il y avait Roy, mon ami qui me tenait compagnie fréquemment. On passait notre temps dans le bar de la ville. Peut-être le seul lieu où une activité sociale subsistait. En dépit de tout, dans le froid et dans l'ennui, on restait là.
Quoi qu'il en soit, j’étais chez moi ce matin. Je devais rester afin de remplacer la vitre brisée de ma fenêtre. La grêle de mars l’avait anéantie. Cela m’avait encore couté une fortune. Quoi qu’il en soit, je me penchai pour apercevoir la vue qui s’offrait à moi. À quelques mètres se trouvait le local ou étaient entreposés déchets et détritus. Les corbeaux avaient envahi la scène et semblaient s’être installés dans ce local. Les poubelles jonchaient le sol et débordaient aux pieds du bâtiment. Plus loin, flottait une grue visiblement inutilisée. On pouvait penser qu’elle enlaidissait le paysage mais, au contraire, elle habillait le décor.
Sous mes yeux se dressaient de grandes tours, immenses et délabrées. Il y avait cette femme aussi ; elle était plantée là, presque immobile. Elle semblait perdue, ailleurs. Elle laissait transparaître toute sa douleur comme chacun d’entre nous le faisait inconsciemment ici. La monotonie des jours ridait ses yeux et pâlissait son teint. Je m’étais demandé si mon sort était proche du sien, et, pour me changer les idées, je regardais l’étoile de l’est se lever.
Le soleil illuminait les ruines du vieux stade. Malgré son état déplorable, les enfants continuaient à y jouer au risque de se blesser. Les parents devaient être inconscients ou totalement désemparés.
Ce paysage respirait l’abandon, sentiment qui était chez nous, prolétaires, majeur dans notre vie. D’ordinaire, la plupart des gens ne restaient pas plus de deux semaines en ces lieux tandis que d’autres n’étaient pas là pour rien, s’ils restaient c’est qu’ils ne pouvaient pas partir ; mais moi, en voyant chaque jour l’état de mon quartier par la fenêtre, je m’étais rendu compte que je m’étais habitué à la misère sociale.
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Cinq minutes après minuit.
Mystery / Thriller"Nous avancions dans la ruelle péniblement. Elle semblait interminable. On pouvait apercevoir les résidents et leurs routines à travers les fenêtres illuminées qui guidaient nos pas, tandis que, là; dans la brume, tout demeurait mort et inanimé." ...