La porte vers la route.

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          Le goudron file, sans s'arrêter. Les graviers se répètent, se ressemblent, se créent et s'oublient. Comme les vrombissements du moteur, avec ce ronronnement régulier et menteur, cachant une apocalypse certaine dans ces quelques cylindres d'acier... La musique tourne, ma mère chante, ma sœur danse, et moi... J'oublie.

           J'oublie quoi ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je vois simplement goudron par la fenêtre filer... Et ma main, je la sens... Elle se tend, se tord, revient, repart, recule, avance, danse frénétiquement les envies de mon cerveau sans même bouger d'un poil... Tentée par cette poignée, tentée par cet acte, cette pulsion qui me bouffe, qui me dévore, me consume jusqu'à la moindre miette de mon âme...
           J'oublie... Que je suis en vie. Que derrière la porte, le goudron file, et que les graviers se frottent aux pneus lancés a une centaine de kilomètres heure...
          J'oublie leurs larges sourires en ma présence... Et j'imagine les pleurs si ma main réussissait... Mais la tension est telle, je ne ressens que ça... Je le vois, je l'imagine... Saisir la poignée, forcer, me libérer... Me libérer de ce cercueil pour m'en envoyer dans un autre... Je le sens, je le sais qu'elle le veut...
           Et j'oublie que cette main est la mienne. Pourtant elle me fait mal, elle est crispé, elle fait partie de moi... Mais je ne la contrôle pas, je la persuade, la maintiens bien en place.
           Mais ce que j'oublie, c'est que ma tête contrôle mon corps... Et si manifestement, je souhaite seulement dormir, qui veux ouvrir la porte ?

Tournants et tourments.Where stories live. Discover now