Chapitre un - Callipso.

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Notre histoire commence un certain vendredi dix-sept juin deux-mille seize, sous un magnifique soleil d'été. Une jolie blonde sortit par la porte principale d'un des hôtels les plus luxueux de Manhattan, le Lexington. Personne ne faisait réellement attention à elle, après tout une jeune femme de son âge n'avait rien à faire dans un endroit tel que celui là. Personne ne se posait de questions à propos de son empressement, personne ne voyait qu'elle était sur le point de pleurer, ni qu'elle éprouvait un profond dégoût envers elle-même. Il y avait des jours avec et des jours sans pour Katerina Azarov, et celui-ci était sans aucun doute un jour sans. Elle en avait marre, marre de faire la putain pour pouvoir manger à tous les repas. Marre de jouer la putain pour des hommes bourrés d'argent incapables de respecter leur engagement auprès de leur épouse. Marre de ces mêmes hommes qui, machos par-dessus tout la traitaient comme une moins que rien puisqu'elle ne faisait pas partie du même milieu qu'eux. Elle qui se destinait à une carrière d'avocate ou de grande policière quand elle avait douze ans, elle avait dû se déscolariser pour venir en aide à ses parents, abandonnés par le système et incapables de subvenir à leurs besoins. Elle avait été la première spectatrice de la descente en enfer de sa mère, devenue dépressive suite à leurs difficultés. Son père non plus n'allait pas très bien, il souffrait d'une arthrose sévère dont le traitement était lourd et coûteux. Sa Yougoslavie lui manquait terriblement et il en parlait presque tous les jours à Katerina, qui lui répondait toujours qu'il aurait mieux fait de rester là-bas.

La jolie blonde remit en place sa jupe noire et moulante avant de passer une main dans sa chevelure, effaçant ainsi les dernières traces d'une après-midi mouvementée. Un bref coup d'œil dans son portefeuille lui indiqua qu'elle avait gagné plus de quatre cent dollars. Bien que cela semble être une somme élevée, elle se devait de toujours en donner soixante-quinze pour cent à son patron, ce qui ne lui laissait plus qu'une centaine de dollars. Katerina souffla, estimant que ce n'était que trop peu par rapport au travail qu'elle faisait. Elle qui devait encore passer à la pharmacie située dans le Bronx pour renouveler le traitement de son père. La jeune femme sortit sa paire de Ray-Ban ; des fausses, bien évidemment, tout n'était qu'une question d'apparences de toutes manières ; qu'elle enfila sans plus attendre. Comme tous les jours, elle allait rentrer à pieds à son domicile, les taxis étant beaucoup trop chers pour qu'elle se permette ce luxe. Comme tous les jours, elle devrait supporter le regard dégoutant des passants qui la dévisageraient avec envie, comme si l'on ne jugeait plus que par la physique. Cette simple pensée lui donnait envie de vomir.

Après une bonne heure de marche, ses talons commençaient à lui faire mal, la douleur lui arrachait une faible grimace à chaque fois qu'elle posait un pied à terre. Elle songea plusieurs fois à retirer ses chaussures mais elle avait bien trop peur de s'abimer la peau sur le macadam. Cela nuirait à son travail, en même temps qui voudrait d'une femme aux pieds écorchés ? Sûrement pas ces bourgeois qu'elle côtoyait maintenant depuis plus de deux ans. Katerina remonta ses lunettes en haut de son front avant de tourner dans une rue plutôt sinistre dissimulée entre deux immeubles. C'était un détour qu'elle faisait automatiquement après chaque journée de travail, elle devait aller donner l'argent gagné à son patron, qui ne faisait rien d'autre qu'amasser le pactole. Le rythme cardiaque de la jeune femme s'accéléra inconsciemment, elle n'aimait pas du tout cet endroit bien qu'elle le connaissait désormais comme sa poche. Elle ne se sentait pas en sécurité, et elle avait bien raison. Les deux vigiles postés devant la porte principale s'écartèrent pour la laisser passer. Katerina ne prit même pas la peine de les regarder, elle ne voulait en aucun cas croiser leur regard narquois. Ici pire qu'ailleurs on traitait les femmes comme des moins-que-rien, ce n'était qu'un gagne pain comme un autre. Si l'on cherchait de la reconnaissance, on ne pouvait pas mal tomber. La blonde l'avait malheureusement appris bien trop tard, et elle ne pouvait pas se permettre de faire machine arrière.

The Lonely SoldierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant