Acte I - Scène V

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Alix et Benjamin

Benjamin retrouve Alix sur les marches à l'extérieur de l'immeuble. Il s'assoit avec elle, elle lui allume sa cigarette.

Benjamin : Drôle de soirée.

Alix : Drôle de vie.

Un silence s'installe pendant quelques secondes.

Alix : Pourquoi tu l'as pas quittée, Ben ?

Benjamin réfléchit : Je crois que je me suis attaché à elle, d'une certaine façon.

Alix : Tu lui fais du mal. Tu l'aimeras jamais comme elle t'aime...

Benjamin souffle la fumée de sa cigarette : Je sais. Elle n'était pas ainsi au début. C'est elle qui m'a séduit, avec ses discours de fille cultivée et son petit air supérieur. Elle menait la danse et cette situation me convenait parfaitement. Elle était forte, indépendante. Elle allait voir ailleurs autant que moi. Aujourd'hui elle me paraît si ... Fragile. Je ne comprends pas ce qui a changé.

Alix : Tu ne comprends jamais rien, Ben. Elle, elle est tombée amoureuse.

Benjamin : Et pas moi.

Alix : Et pas toi. Mais d'habitude, tu t'en vas dans ce genre de situation, non ?

Benjamin : Évidemment. Les femmes amoureuses sont encombrantes.

Alix : Alors pourquoi pas avec elle ?

Benjamin : Je ne sais pas.

Alix le regarde longuement : Sa faiblesse te plaît. Elle te fait penser à celle que tu aimais.

Benjamin soupire : Que j'aime.

Alix : C'est ridicule. Pourquoi tu passes pas à autre chose comme les gens normaux ?

Benjamin moqueur : Parce que je ne suis pas normal. La petite étudiante en psychologie que tu es pourrait cesser de m'analyser ? (Il sait qu'elle n'est pas étudiant en psychologie.) Peut-être que j'apprécie la fragilité de Rose, peut-être que cette sensation d'être adoré par une femme me rendait trop fier pour partir, ou peut-être que je n'ai tout simplement pas eu envie de quitter un aussi beau petit cul. Mais dans tous les cas, il est un peu tard maintenant.

Alix : J'étudie le droit, Ben. Mais c'est vrai. Je connais assez bien ma sœur pour savoir qu'elle se tuera si tu la quittes. Elle est forte, mais l'amour rend les gens stupides. Surtout quand il est offert à quelqu'un qui ne correspond pas à nos attentes.

Benjamin : Alors quoi ? Je reste jusqu'à la fin de mes jours et j'arrête de la tromper ?

Alix sourit, moqueuse : Ce serait l'idéal, et ce serait la punition que tu mérites.

Benjamin : Tu ne m'aides pas beaucoup.

Alix : Tu pourrais mourir.

Benjamin : Quoi ? C'est la solution que tu me proposes ?

Alix sourit : Je plaisante.

Benjamin : Je pourrais embrasser Mia sous ses yeux ?

Alix : Non, tout à l'heure, quand elle a découvert que tu la trompais, elle a réagi de manière excessive. Si on la brusque trop, elle se tuera. On va devoir opérer en douceur. Il faut parvenir à t'extraire de sa tête sans la perturber.

Benjamin : Comment tu comptes réussir cette prouesse ?

Alix : Tu ne lui as jamais parlé de tes sentiments amoureux ?

Benjamin sourit : Jamais.

Alix : Alors dis-lui que tu es tombé amoureux, mais d'une autre. Ou mieux, d'un autre. Peut-être que si tu fais écho à ce qu'elle ressent pour toi, en parlant d'une tierce personne, elle comprendra mieux que vous n'êtes pas faits l'un pour l'autre. Il faudra inventer une bonne histoire, facile à croire mais émouvante.

Benjamin : Je suis amoureux d'une autre, Alix. Ce ne sera pas difficile à expliquer.

Alix : Celle que tu aimes est morte depuis des années. Comment tu veux expliquer ça ?

Benjamin : Peut-être qu'elle trouvera cela touchant.

Alix : Ou qu'elle pensera que la compétition sera facile à remporter ?

Benjamin : Je peux oublier de préciser qu'elle ne respire plus. Mais je crois que Rose ne sera pas facile à convaincre. Je suis devenu son obsession, elle ne se laissera pas abattre par mes sentiments.

Alix : Je pense aussi, mais tu finiras forcément par partir et je ne veux pas devoir surveiller ma sœur toute ma vie. Alors on va tout essayer pour que tu sortes de sa tête.

Les lumières s'éteignent. 

Ne me Quitte pas - ThéâtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant