Madame la Maire [Réécriture]

Chapitre 6

Il était tard ce mardi soir, bien après 22 heures. Dans l'éclat tamisé des lampes de bureau, Mathilde et moi nous concentrions sur les derniers préparatifs pour la soirée de jeudi. Autour de nous, des piles de dossiers, des cartons de décoration et des plans griffonnés jonchaient les tables. Le lieu allait être méconnaissable pour l'événement.

À notre plus grande joie, les confirmations avaient afflué : nous attendions plus de 200 invités, un chiffre inespéré. Mais ce succès impliquait une réorganisation totale de l'étude pour accueillir tout ce beau monde. Nous devions penser à tout : traiteur, places assises, accueil... Chaque détail comptait.

Seule ombre au tableau, pour Mathilde du moins, l'absence présumée de Madame la Maire. Depuis l'envoi de l'invitation, elle n'avait donné aucun signe de vie. Pas un mot, pas un mail, rien, sinon un message laconique reçu plus tôt dans la journée : Rendez-vous fixé vendredi sur le chantier. Pas disponible avant.

Autant dire que je ne m'en formalisais pas. Si elle décidait de ne pas venir, cela m'allait très bien. Sa simple présence avait le don de me déstabiliser, et je détestais cette sensation. Mathilde, en revanche, s'obstinait à espérer, son argument implacable : Si elle vient, la presse locale sera là.

À 22 h 40, mon téléphone vibra sur la table, me tirant de ma concentration. Une nouvelle notification s'afficha.

Un mail.

Je cliquai, intriguée.

Bonsoir,

Je serai présente à votre soirée jeudi, accompagnée, pour 20 heures. Pas pour un long moment.

Louise.

Je relus le message trois fois, incrédule. La concision de son ton ne laissait aucun doute : c'était du pur Louise. Ce style direct et un brin sec, presque désarmant.

Mathilde, qui avait perçu ma stupeur, posa immédiatement ses affaires et me fixa avec curiosité.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu fais une tête bizarre. »

Je levai les yeux vers elle, encore sous le choc.

« Le dragon vient. Jeudi, 20 heures. »

Elle bondit de sa chaise, un cri de triomphe éclatant dans la pièce avant qu'elle ne se jette sur moi, m'enlaçant avec enthousiasme.

« Emma, tu es une championne ! On appelle la presse demain, c'est sûr ! »

Je levai une main pour tempérer son enthousiasme.

« Attends, attends... Je ne crois pas qu'elle vienne grâce à moi. Elle a précisé qu'elle serait accompagnée. »

Mathilde arqua un sourcil, toujours souriante.

« Ben quoi ? Elle vient sûrement avec son mari. Classique. »

Son mari... J'avais presque oublié ce détail. En réalité, je ne l'avais jamais rencontré, et Louise ne l'avait jamais mentionné dans nos échanges professionnels. Une part de moi trouvait ça étrange, une autre préférait ne pas trop y penser.

Puis, une réalisation soudaine me frappa.

« Mathilde, il y a un problème. Philou sera très probablement là. Elle n'est pas au courant. »

Philippe, alias Philou, l'ancien candidat malheureux face à Louise aux dernières élections municipales. La rivalité entre eux était célèbre, tout comme leur inimitié profonde. Le genre d'animosité qui faisait les choux gras des journalistes locaux.