Fin

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Faire la différence entre travail et plaisir... Cela a longtemps été au centre de mes priorités durant ma scolarité lorsque je cherchais l'utilité de certaines matières. Et encore maintenant que j'ai passé mon bac, que je me suis trouvée un appartement bien que difficilement, cette question ne cesse de me tourmenter.

Dois-je laisser passer ce que j'aime pour gagner ma vie ?

Dois-je gagner ma vie en faisant ce que j'aime ?

Cela ne me dégouterait-il pas ?

« C'est à n'y rien comprendre ! Pestai-je en prenant ma tête entre mes mains. »

Si seulement il était là...

Je chassai cette pensée d'un geste de la main comme si je pouvais ainsi la dissiper dans l'air.

Je sentais les larmes perlées sur mes joues.

« Mourir ? Répétai-je la voix blanche, le regard vide alors que je tremblais de tout mon corps. »

Il sourit d'un air rassurant, comme si je me méprenais sur le sens de ses paroles.

« Je ne suis pas malade ou quoique ce soit ! C'est juste que...comme toi, je vais grandir alors mon ancien moi va mourir et nous ne nous reverrons sûrement plus jamais. »

Je scruptai ses prunelles sans comprendre.

« Qu'est-ce que tu aies encore allé inventer toi ? Soupirai-je amusée en secouant la tête pour montrer mon désarroi malgré mes yeux trahissant l'inquiétude passée. »

J'étais tentée de le serrer une nouvelle fois contre moi mais je me ravisai aussitôt. Je ne voulais pas d'adieu déchirant. Juste un au revoir fondé sur un espoir bancal me suffirait. J'avais besoin d'y croire encore, du moins le temps que je fasse mon deuil.

C'était à s'en arracher les cheveux ! Dès que je cherchais à chasser les souvenirs de ma tête, ils revenaient à la charge ! J'aurais bien aimé que quelqu'un soit là pour me secouer un coup et me dire à quel point ressasser le passé ne servirait à rien, mais il n'y avait personne.

Comme quand j'avais dix-sept ans...

J'avais désormais 24 ans, j'enchaînais les petits boulots et lorsque les fins de mois étaient serrées, je m'endettais au près de mes parents avec la ferme intention de me rattraper à Noël, ce que je faisais plus ou moins bien à chaque fois.

Tout était plus fatiguant, comme une course incessante contre le temps. Toujours aller plus vite, respirer, avancer, réfléchir, tomber, se relever, respirer, avancer, réfléchir, tomber, se relever... Une boucle incessante qui ne faisait qu'accélérer au fur et à mesure que je voyais les secondes s'écouler, s'approchant un peu plus de la date fatidique.

Je secouai la tête, essayant de retrouver le sourire. Ma mort était encore loin, j'avais bien du temps à revendre à cette société que j'avais toujours haïe lors de mon adolescence.

« Alors comme ça, on ne peut pas s'échapper... Marmonnai-je en imitant la voix d'Azur. »

« Eh bien...je suppose que c'est mieux ainsi. Lâchai-je difficilement, comme si chaque mot me brûlait la gorge. »

Il frotta ma tête de sa main en souriant.

« Tu t'en sortiras très bien sans moi, Gaïa. »

Je maugréai quelques mots rancuniers dans mon écharpe alors que sa main s'était immobilisée sur le haut de mon crâne.

Il semblait pensif.

L'Homme qui peignait les nuages ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant