Chapitre 4

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Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, Jo marchait d'un pas déterminé jusqu'au vestiaire où elle se changea à la vitesse de la lumière après avoir salué à la va-vite les internes. Elle se jeta ensuite sur son sac à main, à la recherche de son téléphone, elle le déverrouilla les sourcils froncés et ouvrit sa boîte mail. Le message était marqué en important, ce message qu'elle ouvrait tous les jours depuis trois semaines avec une boule au ventre : le service dans lequel elle travaillerai aujourd'hui. Elle retint son souffle avant de cliquer dessus, mais lorsqu'elle l'ouvrit ce qu'elle appréhendait se réalisa sous ses yeux, elle était dans le service de Karev. Elle poussa un grognement de frustration.
- J'en connais une qui est de très bonne humeur. Dit Steph.
- Oh non ca va, je vais sauver des enfants aujourd'hui! Vive la pédiatrie!
Steph se moqua d'elle quelques minutes avant de s'en aller aux urgences, l'abandonnant aux remarques machistes d'Alex.

- Princesse, va vérifier l'état de mes patients, chambre 105,112 et 117. Oh et si tu pouvais me chercher un café. Sans sucre.
"C'est comme ça que les gens sans âmes le boivent" se dit Jo.
Après leur dernière discussion où elle avait perdue toute crédibilité, elle faisait extrêmement bonne figure à chaque fois qu'elle avait à travailler avec lui. Elle ne parlait pas si la remarque n'était pas indispensable, et faisait ce qu'il lui disait sans broncher. Le surnom "princesse" qu'elle avait reçue en échange l'énervait particulièrement. Mais ce matin voyez vous, Josephine avait reçue son cadeau menstruelle et sa patience devenait ridiculement petite, elle était au bord de la crise de nerfs.
Après avoir exécuté les ordres du Dr Karev comme un parfait petit soldat, elle s'autorisa une minute de pause. La jolie brune s'assit quelques instants et posa ses mains sur son ventre, à l'endroit où son utérus lui jouait de mauvais tours.
- Réveille toi princesse, c'est pas le moment pour la sieste. L'interrompit une voix bien trop familière.
Jo se leva en faisant un bond sur ses jambes et rompit la promesse qu'elle s'était faite:
- Pourquoi vous m'appelez princesse? Je n'arrive pas à comprendre en quoi est ce que j'ai l'air d'une princesse?!
- Tu rigoles j'espères? Tu t'es vue, t'es la fille à papa typique. Diplômée de Princetone et d'Harvard... habituée à réussir tout ce qu'elle fait... et la montre que tu portes elle coûte un bras.Ton père doit t'appeler princesse, c'est pour ça que ça t'énerves autant que je le fasse, à mon avis.
Jo n'en pouvait plus, elle fit quelque chose qu'elle ne se serait jamais autorisée à faire en temps normal, mais guidée par ses hormones et le manque de sommeil, elle prit Alex par le bras et l'entraîna dans une pièce à l'écart.
- Ma mère m'a abandonnée devant une caserne de pompier quand j'avais une semaine. Depuis ce jour, j'ai enchaîné les familles d'accueils mais à seize ans j'ai décidé d'arrêter pour vivre seule, dans ma voiture. Je devais prendre mes douches dans celles des vestiaires du lycée et Mme Schmidt, ma prof de maths m'aidait à faire ma lessive, c'est elle qui ma offert cette montre quand j'ai eu mon diplôme.
- Oh... hum... je suis... euh... désolé.
Alex s'éclipsa laissant une Jo déboussolée par tout ce qu'elle venait de révéler sur son passé à un presque inconnu. Ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'il était aussi troublé qu'elle, Alex avait eu un passé douloureux. Il n'aimait pas en parler, la vérité c'était qu'il n'en parlait presque jamais. Meredith, sa meilleure amie savait qu'il n'avait pas eu une enfance dorée mais il ne lui avait jamais raconter de détails.
Jo avait fait remonter beaucoup de souvenirs avec son petit discours.

Ce soir là, un Alex perturbé poussa les portes du bar en face de l'hôpital.
- Un Gin Tonique, s'il vous plaît.
- Et une téquila, il me l'offre.
Alex se retourna, Jo était accoudée au bar, elle était à moitié ivre. Il ne dit rien et la laissa lui soudoyer de l'argent, il lui devait bien ça.
- Écoute, je suis désolé pour tout à l'heure.
- Tu serais pas désolé, si tu jugeait pas les gens du premier coup d'œil. Lança-t-elle, aussi piquante qu'une lame bien aiguisée.
- Si ça peut te faire sentir mieux, je peux aussi te raconter quelque chose sur moi.
- Pourquoi quand tu dis ça, ça à l'air inapproprié? Elle lui jeta un regard noir et Alex remarqua que ses yeux marrons étaient tachés de gouttelettes vertes et jaunes.
- C'est pas ce que je voulais dire, enfaite, moi aussi j'ai eu une enfance tordue.
Il devait en parler, il en avait besoin et il savait que malgré elle et malgré leurs différents, elle faisait partie des rares personnes à pouvoir vraiment comprendre.
- Oh, laisse moi deviner! Dit elle en tapant des mains. Tu étais un bad boy incompris et après avoir écrit des poèmes sur le sens de la vie, tu te shootait.
Elle était décidée à se venger visiblement. Son ivresse n'arrangeait rien. Alex ne se laissait pas du tout impressionner par son ton acerbe. Après tout, elle avait beau avoir un passé compliqué, Jo ressemblait à une jolie princesse. Il sourit à l'idée qu'elle n'était pas crédible dans ce personnage de femme passive agressive.
- Tu es créative mais c'est loin du compte.
- Ton père te détestait parce que tu préférais te consacrer à ton groupe de musique au lieu de faire du football, il te l'a reproché toute ta vie. Je chauffe ?
- Pourquoi tu crois que t'es la seule à avoir vécu un truc vraiment dur.
Jo se mit sur la défensive:
- Pourquoi? T'as été dans combien de familles d'accueils ?
- Quatorze pour être exact.
- Oh, murmura-t-elle surprise, Mais t'as pas vécu seul à l'âge de seize ans.
- Non, mais j'ai vu ma mère schizophrène courir derrière mon frère avec un couteau.
- Pas mal. Dit-elle en haussant les épaules.
Ça faisait du bien de parler de ce genre de sujet de façon aussi légère, elle savait ce que c'était, elle n'éprouvait pas la peine de lui donner un regard de pitié.
C'était un soulagement pour Alex, comme si on lui passait une pommade apaisante sur une cicatrice.

Ils se mirent à boire, beaucoup.

A Perfect StormOù les histoires vivent. Découvrez maintenant