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Jour 1 : 00h11, le sujet numéro 786 vient d'être placé dans la salle d'expérimentation A9. La prise d'hypnotique a eu lieu à 22h15 entraînant l'endormissement complet du sujet à 23h02. Test du système de vidéo-surveillance dissimulé dans le faux plafond : correct.
Je me redresse, groggy. Ma bouche est pâteuse, mes muscles engourdis. Mes yeux mettent un moment à s'accoutumer à la blancheur immaculée de la pièce. Où suis-je ? Il me faut un instant pour assembler les morceaux du puzzle. Je me souviens avoir pénétré dans un bâtiment froid, perdu en rase campagne, l'hôtesse d'accueil m'invitant à patienter, la charmante scientifique m'expliquant qu'elle ne pouvait pas décrire l'expérience à laquelle j'allais participer mais m'assurant que je recevrai bien mes 5000 dollars à l'issue de celle-ci, les papiers truffés de termes juridiques qu'on me demanda de signer, puis plus rien. Plus rien jusqu'à ce que je me réveille dans cette pièce.
Quel jour sommes-nous ? Quelle heure est-il ? Je n'en ai pas la moindre idée. Cette pièce est complètement vide à l'exception de quelques feuilles et crayons disposés au sol. Il n'y a ni porte, ni fenêtre.
Je sens une pointe d'angoisse enserrer ma poitrine, j'ai peur de suffoquer, je me mets à arpenter la salle de long en large en tâtant les murs à la recherche d'une issue, d'une porte cachée. En vain. Je tape de toutes mes forces contre les murs en criant pour que quelqu'un me laisse sortir de cette boîte. Aucune réponse, aucun bruit ne parvient jusqu'à mes oreilles. Je me laisse glisser le long du mur et j'attends.
Jour 2 : Constatons qu'à son réveil le sujet numéro 786 a cherché une issue. Notons que le sujet reste prostré depuis plusieurs heures et qu'il n'a pas encore utilisé le matériel d'étude mis à sa disposition.
Je ne comprends pas ce que je suis censé faire, je ne comprends pas pourquoi je suis enfermé là. Combien de temps cela va-t-il durer ? Je n'ai aucune idée du temps qui s'est déjà écoulé : des heures, un jour, deux jours ? La faim et la soif commencent à se faire sentir. Je me dirige vers l'autre bout de la pièce et saisis les feuilles à la recherche d'une consigne, d'une information qui me permettrait de savoir ce que l'on attend de moi. A ma grande déception les feuilles sont aussi blanches que les murs de cette pièce. J'attrape l'un des feutres et hésite : dois-je écrire, dois-je dessiner ? Je choisis cette deuxième option et gribouille la première chose qui me vient à l'esprit : le jardin de mes grands-parents avec ses fleurs magnifiques et la balancelle accrochée au vieux marronnier.
Soudain la pièce se met à trembler, la feuille et le feutre disparaissent entre mes doigts pour laisser place à la version grandeur nature de mon esquisse. Je me redresse, me dirige vers le rosier ancien dont l'odeur me plonge dans mes souvenirs d'enfance.
Je finis par m'asseoir sur la balancelle et réfléchis à ce qu'il vient de se produire. Mon dessin s'est matérialisé, cette expérience a donc pour but de tester nos réactions et certainement le temps que nous mettons à trouver la solution. Je me sens bête d'avoir attendu autant avant de m'intéresser à ces feuilles. La solution est pourtant évidente, je sais ce qu'il faut que je dessine à présent : une porte !
Je m'applique à détailler une porte immense avec sa serrure et sa clé, histoire d'être certain de pouvoir l'ouvrir. Une fois mon œuvre achevée, la feuille et le feutre laissent place à une gigantesque porte en bois qui occupe presque tout un pan de mur. Fier de moi j'attrape la clé, l'introduit dans la serrure et ouvre la porte.
Les larmes viennent perler au coin de mes yeux lorsque je me rends compte que derrière la porte il n'y a que le mur de la pièce. De nouveau je tape de toutes mes forces sur la cloison, hurle à m'en faire exploser les poumons puis m'effondre impuissant. Je sanglote comme un enfant perdu, je n'ai plus qu'un seul essai, qu'attend-on de moi exactement ? Comment faire pour sortir d'ici ? Je n'en ai pas la moindre idée alors je décide de m'allonger sur la balancelle en attendant d'avoir un éclair de génie.
Jour 3 : Evolution dans la salle A9. Le sujet a entamé l'utilisation de son matériel. Le premier lot a été destiné à réaliser un jardin fleuri et arboré. Après une courte réflexion, le sujet s'est servi du second lot pour réaliser une porte. Le sujet demeure immobile depuis qu'il a découvert que cette porte ne permettait pas sa sortie. Il semble abattu et peu réactif. Précisons qu'une partie de son énergie a été dépensée en testant la résistance des murs.
Une seule feuille, un seul feutre voilà ce qu'il me reste. Je suis de plus en plus convaincu que toute cette expérience n'était qu'un piège. Jamais je ne toucherai cette somme qui m'aurait permis de continuer à vivre correctement le temps de retrouver un emploi. Jamais je ne sortirai d'ici, jamais on ne saura ce qu'il est advenu de moi. Je me suis fait piéger, enfermer comme le rat que je suis. Se faire enfermer de sa propre initiative, cela ne manque pas de sel.
Je n'en peux plus de cette pièce, ce silence, cette solitude. Cette horrible expérience prendra-t-elle fin un jour ou vais-je mourir à petit feu dans ce cube ? Je dois sortir de là, il faut qu'on me laisse sortir, je sens que je vais devenir fou. Ou alors le suis-je déjà ? Tout ceci n'est peut-être que le fruit de mon imagination, de mon esprit tordu qui s'amuse encore à me jouer des tours. Je n'en sais rien, je n'arrive plus à distinguer le vrai du faux. Ces feuilles et ces feutres existent-ils vraiment ? Comment peuvent-ils être réels, jamais jusqu'alors je n'ai entendu parler d'objets ayant la capacité de matérialiser un dessin.
Ceci est une farce, on m'a bel et bien tendu un piège, on veut me faire douter de moi, de ma santé mentale. Mais ils ne m'auront pas, ils ne m'ont jamais eu et je ne suis pas près de les laisser faire. Je suis plus fort qu'eux, plus malin et je refuse d'être leur jouet. Ceux qui ont voulu m'atteindre sont mal tombés, il me reste une feuille et un feutre et je ne compte pas les gaspiller, ils sont ma porte de sortie, ma dernière chance.
Une feuille, un feutre, une dernière chance, une dernière possibilité d'être maître de mon destin. Je refuse de laisser quiconque diriger ma vie, je refuse d'être un pion dans leur monde. Je sais comment utiliser ma dernière chance, ma dernière chance, ma dernière chance...
J'attrape le matériel à dessin tout en riant à gorge déployée. Je me moque d'eux, je les nargue en criant que cette fois non plus personne ne réussira à m'avoir. Je m'applique à dessiner comme si ma vie en dépendait, et au final c'est bien le cas. Mon dernier dessin, ma dernière chance, ma porte de sortie.
L'objet de mon dessin apparaît sous mes yeux et mon rire gagne en intensité. Ca va fonctionner, ça va fonctionner, ça va fonctionner. Je le saisis et me répète que la liberté est au bout du chemin, juste au bout du chemin.
Jour 4 : Rapportons l'intervention en urgence dans la nuit du Jour 3 au Jour 4 auprès du sujet numéro 786. Ce dernier n'a pu être réanimé par l'équipe médicale de garde. Ne pouvons que déplorer le décès du sujet. Le compte-rendu de l'expérience sera présenté lors de l'audit prévu semaine 22 mais constatons dans une large mesure l'échec de cette expérimentation sur les sujets présentant un léger trouble du comportement.
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Voici ma participation à ces 19ème Joutes.
Petites précisions :
J'ai vraiment essayé de me mettre à la place d'une personne qui se retrouverait dans cette pièce sans aucune information.
J'ai volontairement passé sous silence l'objet du dernier dessin afin de vous laisser libre d'imaginer cet objet en tant que lecteur (si certains sont vraiment curieux je veux bien leur dire de quel objet il s'agit mais ne vous attendez pas à quelque chose de rocambolesque !).
J'ai tenté de conserver le côté froid et clinique du scientifique qui rapporte l'évolution de l'expérience.
Bref, j'espère que cette nouvelle vous aura plu !
