INTRODUCTION: "Born to run"

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8 Novembre 1985.
Memphis, Tennessee.

Un bourdonnement, les hurlements de la foule qui surgissaient chaque fois qu'un coup partait d'un côté ou d'un autre, qu'on le rate ou qu'il s'écrase sur la joue de l'autre adversaire. Un jeune blond au fond des gradins semblait contrarié en regardant le spectacle se dérouler sous ses yeux, il se penchait sur la droite, puis sur la gauche quand la foule lui gâchait la vue pour se lever en hurlant encore dans une cacophonie qui perçait presque les oreilles. Au sifflement de la fin du match, il frappa la paume de sa main contre son visage d'un air encore plus dépité, à la vue du résultat, il pouvait. Quand il se leva pour rejoindre la sortie, c'était en s'élançant sur les longues jambes de son corps svelte et souple de jeune adulte en fuite. Son jeans épousait complètement sa silhouette tandis que son t-shirt blanc ample flottait presque sur ses épaules maigres. Il retirait sa casquette rouge de la poche arrière de son jeans pour la placer sur le haut de son crâne, elle cachait à peine ses cheveux ondulés en bataille.

— Fixez ce socle, bon sang ! Trouvez moi un clou et vrillez le ! On passe bientôt l'image à l'antenne, passez la caméra sur le vainceur.
« ...plutôt le silence de la défaite, dirais-je.» entendait-il vaguement sortir de la bouche du vainceur en riant. Bruce assistait peu avant de sortir à une scène qui lui fit secouer la tête par exaspération alors qu'autour du vainceur, tout le monde riait dans une pluie d'applaudissements. Les projecteurs l'aveuglait, il avait hâte de rentrer enfin chez lui, mais encore fallait-il qu'il réussisse à échapper aux ennuis qui risquaient de l'attendre à l'extérieur.

— Ne passez pas devant la caméra ! hurla t-on à plusieurs reprises dans la salle. Ne passez pas devant la caméra ni les projecteurs !
— Fichtre, où voulez-vous qu'on se fraye un passage ?
« Pas si vite, petit ! » s'écriait un vieil “ami” de Bruce. Il s'appelait Carl, la quarantaine au moins, petit et épais comme une masse de briques. Le blondinet se mit à courir devant lui en étant persuadé qu'il n'essaierait pas de le poursuivre dans les rues de Memphis qui étaient totalement bondées à l'instant précis où il sortait. Mais Carl était assez malin pour se faufiler aisément dans la foule, slalomer entre les corps, éviter les obstacles, il avait l'habitude et beaucoup d'expérience. Malgré tout, il finit rapidement par s'essoufler et ça laissait à Bruce le temps de lui échapper et lui être hors de portée.

— C'est ça, s'écriait Carl, cours mon petit. Tu sais bien que tu ne pourras pas m'éviter pendant encore longtemps !

Enfin rentré à son appartement, il enleva sa casquette et la jeta sur la table basse en s'affalant à bout de souffle sur son vieux canapé miteux presque bon pour la déchetterie. Il soupirait en passant la main dans ses cheveux et respirait un instant avant de se lever pour allumer la télévision. En voulant se rasseoir, il entendit soudainement frapper à maintes reprises et rapidement sur la porte.

— Bruce ! C'est moi, c'est Wendy, ouvre moi ! Tu me dois des explications... Écoutes, je viens d'avoir cet abruti de Carl au téléphone, parle moi, qu'est-ce que t'as encore fait ? Brucie ?

Bruce restait muet devant la porte sur laquelle il venait s'adosser tout doucement et soupirait un bon coup au bout d'une minute en se redressant. Ça avait probablement un rapport avec son dernier pari, celui qu'il venait de faire pour le match de lutte de ce soir, encore un stupide pari qu'il allait regretter d'avoir fait.

— Je sais que t'es là. Tu vois, moi aussi j'ai des super-pouvoirs. Je sais voir à travers les portes et je peux clairement te voir derrière celle-ci en train d'essayer d'esquiver cette conversation.
— C'est pas le moment... Wendy, lançait-il d'un ton un peu amer.
— Tu lui dois combien, dis-moi ?

Wendy était une jeune fille de dix-neuf ans, à peu près un an de moins que Bruce. Elle vivait dans l'appartement juste au dessus du siens avec son petit frère et sa mère, une gentille famille qui se faisait toute petite et qui tâchait de ne pas attirer l'attention mais ça n'était pas gagner avec le caractère agité de la jeune fille. Tout le monde ne s'entendait pas dans cet immeuble, un boucan pas possible dans les étages encore au dessus laissait largement sous entendre que c'était plutôt la guerre des voisins là-haut, mais Bruce et Wendy étaient comme des meilleurs amis.

Les paroles de la présentatrice télé finissait par gagner toute son attention, « ...après les terribles événements ayant survenus au courant de l'année dernière, il semblerait que les habitants de Hawkins soient... » quand Bruce entendit le nom de “Hawkins” il lui fallu un rien de temps pour réapparaître devant l'écran avec des yeux écarquillés.

« Hawkins...» souffla Bruce, son esprit s'inondait tout à coup de mauvais souvenirs. Cela faisait presque une décennie qu'il n'avait pas entendu le nom de cette ville là. Une étrange sensation se mit à l'envahir.

— Bon, tu l'auras voulu. Je vais défoncer cette porte.

Le garçon se leva en prenant son sac à dos et les quelques premières affaires qui tombaient de son placard en fouillant un peu, puis il fourra tout ce qu'il pouvait à l'intérieur ainsi qu'une liasse de billets verts. Wendy, qui attendait encore devant la porte fut surprise et lui tomba presque dans les bras quand il ouvrit la porte. Il avait quasiment oublié sa présence. Maintenant qu'il avait autre chose en tête, plus rien ne pouvait l'arrêter d'agir et de poursuivre son chemin, si bien qu'il passait devant la jeune brune sans un regard et bien même sans se soucier de l'appartement qu'il laissait derrière lui à porte grande ouverte. Wendy le suivait en sautillant à côté de lui pour suivre ses pas de géants jusqu'à ce qu'il finisse par craquer et enfin se retourner.

Il se tenait à trois têtes au dessus d'elle, devant la porte de sortie entre ouverte. La main coincée derrière la bretelle de son sac, Bruce le ramenait un peu plus haut sur son épaule et pinçait les lèvres en roulant des yeux pour regarder ensuite Wendy intensément, droit dans les siens.

— Tu vas rentrer chez toi, fermez à clé...
« Bruce, fais pas ça... s'il te plaît. » dit la jeune fille en lançant à la suite deux ou trois injures en japonais, sa langue maternelle. Bruce grimaça un instant puis il reprit.
— Tu vas faire comme si tu ne m'avais jamais vu ce soir, tu es sortie pour trouver mon appartement vide et t'es remonter chez toi sans aucun soucis. Comme si rien ne s'était passé.

Le regard de la brune clignotait avant de devenir vide et qu'elle ne se retourne brusquement comme si quelque chose l'appelait ailleurs, comme si le hall était vide et qu'elle n'avait plus rien à y faire. Bruce s'en allait tout simplement, en lassant la porte se refermer toute seule derrière lui alors qu'il guettait encore à travers la porte vitrée les pas de son ami d'un regard plutôt restreint en visibilité. Ça lui fendait le cœur en deux d'avoir à rentrer dans son esprit, c'était dur mais nécessaire. Wendy était sacrément... têtue. S'il lui avait parler, elle aurait forcément voulu le suivre et l'aider. Et il n'avait pas le droit de l'embarquer dans ses histoires, pas elle, pas maintenant. Il ne s'en donnait pas le droit.

Blottit dans un immense pull en laine bleu nuit et vert, et sous sa casquette entièrement rouge, il attendait d'entendre le bruit de moteur d'un bus qui approche pour relever la tête. Le son spécifique d'un coup de frein qui fait crisser les pneus du véhicule presque invisible dans le noir. Sans précipitation et en évitant au mieux les regards, même celui du chauffeur, Bruce montait à l'intérieur du bus et passait rapidement devant les sièges en enjambant tout ce qui pouvait trainer parterre: des sachets plastiques, des sacs à dos, mouchoirs en papier... Même si c'était pas trop la joie, et que ça ressemblait à un dépotoir, ça lui convenait pour le temps d'un voyage.

Le regard fixé sur les fines gouttes de pluie qui commençaient à s'installer petit à petit sur la vitre à l'extérieur, il pouvait enfin remettre son casque sur ses oreilles. Le crâne calé contre la vitre fraîche et légèrement humide, il était prêt à s'immerger dans la musique pendant des heures durant.

Even Stranger (Stranger Things fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant