Chapitre 9

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Ces deux derniers jours ont été d'une lenteur extrême. J'ai peu parlé à Lahela et Théo ; l'une n'ose pas s'attarder auprès de moi, s'en voulant sans doute de ses propos tenus dernièrement à l'encontre des démons, et l'autre est tout simplement trop occupé. Le nouveau roi reçoit des nouvelles plusieurs fois par jour via des lettres transmises par les tunnels magiques. Pour l'instant tout se passe bien, Paolo Malatesta est retranché dans son manoir et aucun de ses hommes n'a été aperçu dans les alentours. Les élus semblent rassurés pourtant il est clair que les choses ne vont pas s'arrêter là. On ne règle pas un conflit datant de plusieurs siècles au moyen d'un simple avertissement. Quand je pense que j'étais à deux doigts de convaincre Théo de me laisser m'entretenir avec les démons pour négocier une alliance... si j'avais pesé mes mots je n'aurais pas eu besoin de faire toute seule mes petites affaires. J'ignore où va mener mon plan, je n'ai pas réfléchi à toutes les éventualités et les situations auxquelles je pourrais faire face. Je vais peut-être être prise au dépourvu par la réponse du représentant des démons – ou pire, il se peut qu'il ne daigne même pas lire ma lettre. Je vais passer une énième journée dans ma chambre, attendant qu'un miracle se produise. Je me souviens du 21 juin dernier, de ma lecture de Victor Hugo pour patienter puis de ma préparation pour le bal. Je n'ai plus la même bonne depuis mon retour, elle a été arrêtée suite à ma fugue, accusée de complicité. Malheureusement, en l'attrapant, un garde trop brusque lui a infligé une blessure à la tête dont elle ne s'est pas remise, elle est décédée quelques heures plus tard dans la tour, d'après les dires. Les horreurs engendrées par la Couronne ne livrent aucun échappatoire, le mieux est encore de fermer les yeux pour tenter de ne plus y penser, même si des flashs reviennent régulièrement. Tous ces décombres... Lahela a mis du temps avant de remettre les pieds au Palais. A présent la guerre va éclater dans mon village et je sais d'avance qu'il ne sera jamais complètement guéri d'avoir assisté à un conflit entre créatures surnaturelles.

Quelqu'un frappe à la porte.

- Entrez.

C'est ma nouvelle bonne qui pénètre dans ma suite. Elle est dodue et pas très sympathique.

- Du courrier pour vous, annonce-t-elle en me tendant une enveloppe avant de s'en aller.

- Je vous remercie...

Trop tard ; elle a déjà refermée la porte.

J'analyse rapidement l'écriture, celle-ci est assez grossière mais néanmoins visible.


Ambroisie Borély, quel honneur...

Je vous donne rendez-vous à la tombée de la nuit tout à fait en-dessous du Portail. Vous verrez, c'est un parc désert.

Ps : couvrez-vous bien et venez seule


- Waouh ! laissé-je échapper.

Quatre phrases. Et je n'ai donc qu'un jour pour trouver quelqu'un susceptible de me conduire sur Terre. Merveilleux.


Dehors l'air est frais et pas mal de monde se promène dans les rues de la Cité, ces rues qui m'ont souvent inspirées lorsque je me laissais guider par les murs de pierres, les pavés et le lierre. Théo et Lahela ne doivent en aucun cas savoir ce que je prépare, ils s'opposeraient catégoriquement à mon plan pour diverses raisons. Evelyne n'est plus là pour me porter conseil et je ne connais personne d'autre susceptible d'accéder à ma requête. Vais-je devoir payer quelqu'un ? et avec quel argent ? Je ne sais même pas où se trouvent les caisses du Palais et de toute façon je ne veux pas endetter le Paradis plus qu'il ne l'est déjà. Quel service je pourrais rendre à quelqu'un pour qu'il accepte de me conduire sur Terre en gardant le silence ? à qui puis-je faire confiance ? Tant de questions qui me trottent dans la tête pendant que j'arpente une petite ruelle que je me souviens avoir emprunté il y a peu de temps. Oui, ça me revient, c'est ici que je m'étais confectionné une arme à l'aide des débris d'un pot en argile reposant sur le rebord d'une fenêtre, le soir de la Révolte. Sans ce petit objet tranchant qui m'avait donné de l'assurance je n'aurais peut-être jamais réussi à effrayer le chien isolé d'un garde, il s'en aurait fallu de rien pour qu'il me saute dessus et que je finisse égorgée dans cette ruelle salle. Egorgée par un chien, par une bête... c'est la mort qu'on a attribué à Loana. Or son assassin n'était autre qu'un vampire, Paolo Malatesta, prenant plaisir à voir les gens souffrir, jouissant des pleurs et des cris.

Ombre & Lumière Tome 3 - Les Cascades de SangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant