Mélina ... Mélina ... Ne m'abandonne pas ... Je t'en supplie! fais pas ça! Non! Lâchez moi! Mélina! Aide moi!
Une larme s'échappa maladroitement sous le regard surpris de l'adolescente.
- Ça va? Demanda la jeune fille inquiète.
- Je ... Euh ... Oui, Mélina s'essuya rapidement la joue en esquissant un bref sourire à Helena.
La jeune brune fronça les sourcils sans pour autant chercher à comprendre. Elle ne devait pas se donner le droit d'en savoir d'avantage sur cette jeune fille mystérieuse. Elle la connaissait depuis peu après tout. Mais elle savait que sous le masque de la fille joyeuse se cachait une douleur profonde, il valait mieux ne pas le réveiller. Cependant, son envie d'aider prit le dessus et d'un geste doux et affectueux elle serra son amie dans ses bras. Quelques larmes dévalèrent les courbes du visage de la jeune fille, provoquant une compression dans sa cage thoracique. Toutes ses pensées étaient dirigées vers cet être qui lui était si cher. Sa vision devenait trouble. Aucun mot ne sortait. Comme paralysée. Elle souhaitait crier à la puissance de son mal, mais c'était humainement impossible. Elle se devait de faire comme d'habitude, vivre avec, surmonter avec agilité et remonter à la surface sans se retourner. Tout semblait irréel à présent. il s'agissait peut être d'un cauchemar. Se réveillerait-elle de ce sommeil perturbé? Elle savait au fond d'elle qu'elle ne rêvait pas, mais c'est toujours plus simple de se persuader d'une réalité imaginaire plutôt que d'affronter la vérité de la vie.
Elle se redressa, laissant virevolter un délicat tissus violacé et usé par le temps. Les yeux de la jeune brune suivirent la danse gracieuse du textile coloré bientôt rejoint par les doigts fins de sa propriétaire. Elle vu un attachement profond dans les yeux de Mélina, c'était fort, comme si il avait une importance capitale pour la jeune adolescente. Elle qui paraissait pourtant si peu matérielle comment pouvait-elle tenir à ce point à un vulgaire chiffon sans forme et dont la couleur était salie par les années? Encore une question à laquelle elle n'aura pas de réponse pour l'instant. Elle les gardait toutes précieusement dans une partie de sa tête, espérant trouver un jour les réponses.
Helena était une fille très sociable et très aimée des autres. Sa volonté à bien faire les choses dépassait tous autres efforts humainement possible. Ayant perdu sa mère très jeune elle se devait de montrer la plus belle part d'elle même afin de s'occuper de son père malade. Elle n'a pas eu la chance d'avoir une enfance comme tous les jeunes de son âge. Elle ne savait pas ce que pouvait procurer un saut dans un tas de feuilles mortes bien regroupé dans un coin du jardin, ou même sauter dans une flaque d'eau sans se préoccuper des éclaboussures pouvant gêner les passants. Non, elle, elle s'occupait de la maison, des courses, mais surtout de la seule famille qui lui restait: son père.
Jean-Claude était atteint d'un handicap depuis 5ans, causé par une profonde perte de contrôle lors du décès de sa femme. En effet, il apprit la mort de Nathalie alors qu'il rentrait d'une journée de travail épuisante et peu envieuse. Il faisait nuit et la route très humide fit virer violemment la vieille Mercedes contre un arbre, écrasant les membres inférieur du père de famille. Il aurait pu retrouver sa motricité mais il choisit le chemin irréversible de la dépression. Sa fille ressemblait tant à sa femme qu'il ne pouvait poser son regard ravagé par les larmes sur le doux visage de son enfant. Chaque jour elle lui déposait un plateau avec son repas devant sa porte de chambre close qu'elle retrouvait vide le soir, elle lui racontait sa journée à travers cette maudite porte abîmée qu'elle aurait tant aimé briser, elle glissait quelques dessins et mots doux inscrits sur une page fraîchement déchirée de son cahier d'exercices. Parfois elle s'accordait une petite pause dans le jardin non entretenu, elle s'y sentait bien. Elle pouvait s'imaginer dans une terre inconnue où le moindre mètre carré était source de découverte, elle y créaient une multitude d'aventures sans fin car pour elle c'est ce qu'il y a de plus triste dans une histoire. Puis elle grandit, fini les rêves elle décida de vivre pour elle même. Elle n'avait que 12ans mais le bonheur des autres était pour elle la base de sa vie. Ne pouvant pas rendre son père heureux, elle voulait voir les gens souriants et pleins de vie; ce qui lui valut d'être très appréciée par ses camarades.
Maintenant, elle en avait 14 mais rien n'avait réellement changé. Elle avait oublié le visage et la voix de son père qu'elle continuait d'entretenir du mieux possible. Elle s'efforçait de ramener de bonnes notes afin qu'un jour il la félicite. La maison était toujours ordonnée et très propre et elle avait appris à mentir aux adultes en prétextant que son père travaillait constamment, afin de justifier son absence.
Etant une adulte avant l'âge, elle avait pu comprendre que poser des questions n'était pas toujours la bonne solution pour comprendre un problème, alors elle se mit à analyser chaque situation s'offrant à elle. Au début, elle le prenait comme un jeu dont seule elle était le maître, puis elle apprit à ses dépens les quelques règles incontournables. Elle savait donc que ses quelques questions concernant Mélina ne resteraient pas longtemps dans l'ombre de l'inconnu.
- Les filles, il est interdit de rester dans les couloirs. Veuillez sortir s'il vous plaît.
Une femme, les cheveux teintés de noir tirés en un chignon et vêtue d'un tailleur grisâtre, les bras croisés, se dressait devant les jeunes adolescentes.
- Excusez nous madame la directrice, répondit respectueusement Helena.
La directrice, portant une profonde admiration pour son élève au passé peu agréable, se résolut à les laisser partir sans tenir rigueur aux raisons qui les ont poussées à contourner légèrement le règlement pour la première fois.
La dernière heure de cours passa sans encombre, Mélina rêvassait contre le mur jaunâtre de la salle de français sous le regard inquiet de son professeur malheureusement obligé de poursuivre son cours.Il avait déjà tenté de parler à l'adolescente, mais en vain. Elle n'avait pas besoin d'aide. Elle souhaitait juste être seule dans sa bulle, loin du monde.
La sonnerie retentit, générant un sentiment de liberté dans les entrailles de sa carapace, Elle se sentait revivre, mais pour combien de temps.
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Emmène moi...
FantasyUne jeune fille rêveuse et passionnée souhaite un changement radical. Mais à quel prix? Sera-t-elle prête à tout pour y parvenir?