Camarades

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Une femme se dressait droite, devant moi. Elle portait sur le côté, en bandoulière, une Bâtarde plutôt bien entretenue. Elle possédait également un holster d'où dépassait un silencieux fixé sur le bout d'un makarov. Elle exposait une chevelure brune aux reflets châtains et m'observait de ses yeux couleur émeraude.

Elle est venue s'asseoir en face de moi, en prenant soin de garder son arme sur ses genoux. Nous avons discuté toute la nuit. Je n'étais même pas conscient de la discussion. J'entretenais simplement celle-ci à l'aide de réponse évasives et de hochement de tête. La femme présente en face n'éveillait en moi aucune forme de méfiance. Elle possédait un timbre de voix plutôt apaisant à vrai dire. J'étais dans un état second, comme hypnotisé par la peur qui s'était accumulé dans mon esprit. Elle m'a parlé d'elle, de sa vie, mais tout en restant discrète et mystérieuse.

J'étais désarmé de manière matérielle, mais également de manière psychologique. Et elle restait planté là, à me regarder. Nous sommes restés ensemble trois heures au total. A vaguement évoquer nos passés distincts et à discuter de choses inutiles mais pas totalement barbantes. 

Tous les souvenirs m'envahissent. Des hordes entières qui souhaitent percer mon esprit pour pouvoir s'attaquer à mes remords. Des montagnes de regrets s'abattant en même temps sur mon esprit qui se fragilise de plus en plus à chaque seconde. J'essaie de me concentrer sur un seul, mais je n'y arrive pas. Les souvenirs sont horribles quand on tente de les contrer. des petits passages de ma vie qui me glissent entre les doigts et s'abattent dans une chute très lente sur mes bottes de combat dans un bruyant silence. Une petite vibration a chaque fois que l'un d'entre eux atteint son but. Ma main est transparente. je vois à travers. Comme un écran, une télévision dont l'unique film serait ma vie. comme si c'était la dernière fois que je le voyais, des larmes coulèrent. Très fines et rapides, elle longèrent mes pommettes pour venir se loger, au même titre que ses congénères, sur mes bottes. Ma main se ferma doucement et emprisonna l'un des artefact dématérialisé sur ma paume. La pression devient de plus en plus intense et je ne peut arrêter le mécanisme enclenché sous aucun prétexte. Tout se déclencha et mon esprit subit la friction de cet objet immatériel avec une violence inhumaine.

Je prend conscience peu à peu que je ne suis pas dans mon état normal. Cette femme, elle aurait pu m'exécuter d'un seul coup de feu. Je n'aurais pas pu me défendre, mon corps et mon esprit sont tellement faible. Mais lorsque j'ai relevé la tête, la femme n'était plus là et mes camarades se sont installés autour du feu du cordon. 

Les dalles rongées par les années mais encore accordées absorbent la lueur obscure qui plongent la station dans un aura lumineux incomparable. Trois hommes sont face à moi. Le premier, maigrichon et aigri, me rappela ce fameux Dimitri. Il avait un casque Gorka orné de plusieurs griffures, le fruit de dizaines d'années de combats dans l'enfer sous terre. Il possédait aussi une tenue de camouflage kaki surplombée d'une parka déposée soigneusement sur ses épaules. Son holster retenais un pistolet fabriqué par les habitants du métro et équipé d'un dispositif retenant le maximum de bruit à l'intérieur de cet engin, La raclure silencieuse était très connue dans le métro. Dans sa main pendait une Kalachnikov, un vieux modèle ou était monté un viseur qui me faisait penser au C79 mais dans sa version délabrée et fait maison. Plusieurs rangées de 7.62 sont disposées sur la partie droite du torse de l'homme et deux chargeurs sont présent a l'opposé. Les yeux de l'individu étaient posés sur le foyer brûlant qui dégageait une odeur qui ravivait le sentiment de sécurité que le déluge apocalyptique avait subtilisé.

Le deuxième, plus musclé et un petit peu plus grand que son prédécesseur, possédait une tenue de camouflage hivernale où le temps y marquait son passage en déteignant l'accoutrement militaire d'une couleur grisée. Il affichait un large sourire et tenait dans ses mains un instrument qu'il maîtrisait particulièrement, une vieille guitare très propre où était gravé trois lettres : "PAV". Il jouait un morceau très connu, mais mon esprit ne pu se résigner à en chercher le nom. Il était assis sur un petit tabouret et au pied de celui-ci se trouva une bâtarde, sale et mal entretenue. Le paradoxe de mon camarade Pavel était celui-ci: Il possédait deux instrument. Il se résignait à astiquer tous les jours sa guitare, à la nettoyer de fond en comble et la faire briller, il l'utilisait dès que le temps et sa capacité physique le permettait. il la maîtrisait parfaitement et pouvait reprendre des airs très connus encore mieux qu'à la radio. Sa bâtarde était toujours sale et il ne vérifiait jamais l'état de son bien. Son attention n'était porté vers elle qu'au moment de quitter le cordon de sécurité. Tout le monde le mettait en garde quant à la dangerosité de son attitude envers son arme. Il s'en foutait. De ces deux objets, un seul le gardait en vie. Sa guitare lui procurait des sensations incomparables, il frémissait à chaque refrain et ne le niait pas. Sa bâtarde ne lui était d'aucune utilité dans ce monde. Il était prêt à mourir avec sa guitare, c'était son grand amour.

Le troisième et dernier homme, le plus discret, avait le regard fixé sur moi et un sourire joyeux. Sa visière relevée laissait apparaître sa barbe mal rasée. Sa tenue bleue surmontée de plusieurs plaques métalliques renforcées et rouillées était plutôt bien entretenue. Il possédait un petit collier avec, en guise de pendentif, un crâne fendu ou y était logé une balle gravée du surnom de la manoeuvre de tir la plus connue du métro. Rafale était juste là, il me regardais en m'expliquant encore l'une de ses péripéties où il avait fait périr quelques fachos à coups de RPK et de Magnum. Le bonheur m'envahissait en croisant ses yeux, comme un gamin qui retrouve son meilleur ami après un long voyage. Ça me rappelle ces longues discussions autour du feu, avec mes camarades. Mais les meilleures se passaient avec Nikolaï. On avait toujours des sujets de conversations que l'on abordait avec une certaine appréhension mais qui disparaissait aussitôt dans notre flots de paroles continus.

On pouvait très bien débattre sur la place de l'humain dans l'univers ou de la taille d'un Nosalis, on ne s'ennuyait jamais. Il gardait toujours une part de mystère en lui, des heures entières ont été nécessaire pour ne connaître que partiellement son identité. Même faire le lien entre son prénom et son pseudo est très difficile. 

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⏰ Last updated: Nov 20, 2017 ⏰

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