Une feuille pour un oiseau-Partie 1:

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L'automne...songea-t-il en regardant les feuilles d'ocre et de feu tomber en virevoltant sous les à-coups froids et humides humides du vent, venant à les envier et les jalouser, puis dirigeant brusquement son regard de droite à gauche agressé il accéléra vivement le pas, enfoncer sa tête dans son manteau.

Les klaxonnes résonnaient secs et brefs dans le vent glacial tandis que les voitures défilaient inlassablement à côté de lui, il était en pleine ville, seul, sous son manteau noir, soufflant dans son col pour essayer de se réchauffer un tant soit peu malgré les températures polaires de ce début de mois.
Autour de lui, les éclats de voix, la pollution, le bruit incessant bourdonnaient et résonnaient en lui comme un cancer, il avait l'impression de se sentir fondre dans la masse et s'y noyer sans pouvoir mourir, agonisant en permanence, impuissant.
Progressivement il réussit à se faufiler avec frénésie entre les gens, tout ça lui était parfois si insupportable, perdant pieds à plusieurs reprises, il fallait qu'il parte, fuit vers un lieu où ce vacarme et cette agitation n'avaient pas cours.

Enfin, égaré et épuisé psychologiquement, au bout de quelques minutes qui lui parures passer comme un mur cinglant de folie, une vague en pleine figure qui lui inspira un profond sentiment de malaise.
Cependant se qui lui succède vaut parfois le coup d'attendre et de subir; le calme...
Ralentissant l'allure, se calmant petit à petit enfin... Il arriva pour retrouver son vieil ami.
Devant lui se déroulait le parque, vert, sans honte et sans ce brouhaha qui résonne toujours dans ces grandes villes; pour lui c'était une zone à part, en marge du reste du monde.

Et doucement il vint s'y glisser, se laissant choire sur un banc entouré de chênes et de buissons aux allures dorées. Soufflant tranquillement pour reprendre ses esprits; il observa autour de lui seulement de rares joggeurs ou de petits rouge-gorges curieux qui à vrai dire ne comprenaient pas grand chose au monde qui les entourait.
Doucement, il sortit de sa poche une cigarette froissée qu'il alluma délicatement.
Il regardait les volutes monter lentement puis se dissoudre sous la brise maintenant presque éteinte.
Jetant la tête en arrière, se délectant de ce moment.
Son esprit vagabonda car il savait qu'il avait toute la journée pour en profiter, un vrai nectar.
Avec inquiétude et angoisse il se remémora ces dernières vingt-quatre heures:
Trois crises, c'était plus que ce qui pouvait être acceptable, il sentait qu'il allait glisser bientôt, tôt ou tard, c'était forcé, sûr et à la fois tout aussi incertain...
Fréquemment il lui arrivait de perdre pieds de la réalité, de subir des sortes d'absences ou de faire des choses sans logique sans pour autant les contrôler, de faire n'importe quoi, de faire des choses décalées.
Sans conscience et en s'en rappelant après, détails pour détails, voilà en quoi consistaient ces crises qui le décomposait petit-à-petit.
Il se détestait lui-même, il vivait reclus des autres, il ne voulait pas participer à cette société, même s'il adorait a regarder et s'en extasier en décryptant le mental des gens qu'il voyait en analysant leurs rictus, regards, gestes, tout. Il était comme une feuille qui s'accroche désespérément à sa branche finalement.

Soudain à demi-conscient de ce qui se passait, il sortit de sa somnolence et prit conscience de l'avancée du soleil.
Quand il vit avec tristesse et envie le soleil décliner, il retourna dormir dans son appartement miteux mais agréablement chaud en pensant au parque et à ces moments agréables, en mettant de côté le reste pour sombrer, le sourire au lèvres.

Ainsi les jours passèrent, lentement, inssassiables, épuisants, le train des choses allait en se détériorant de plus en plus entrecoupés des quelques plus rares moments au parque.
Les signes de sa faiblesse étaient évidents et visibles aux yeux de tous, les cernes pendantes et bleutées, la peau sale et pâle, les oublis de douche, de manger même parfois se faisaient toujours plus couramment.
Tout s'empirait au fil du temps, comme le reflet des feuilles qui s'envolent, s'entassaient détrempées, puis se décomposaient sur le bord des routes...

Une feuille pour un oiseauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant