Une feuille pour un oiseau-Partie 2:

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Au bout de quelques jours, assis au parque en pleine après-midi, vagabondant dans ses pensées, le temps semblait ne plus avoir de prise sur le moment, totalement déconnecté des choses, l'air frais passait comme une vague sur sa peau et ses vêtements sans effet.
Mais d'un coup qu'il n'attendait pris sur le fait quelqu'un l'interpella.
Sursautant d'un coup quand elle lui toucha l'épaule de sa main glacée, après de longues secondes il la regarda avec étonnement, avec ce regard rond et surpris d'un enfant qui aurait fait quelque chose de mal et qui se serait prendre.

Petite et fine, les cheveux brun en bataille sur ses épaules, habillée d'un long manteau noir en laine tombant nonchalamment jusqu'aux genoux.
Bouille ronde et joues rosies par le froid mordant. Plutôt mignonne, il la reconnue bien mais prit du temps, la dévisageant comme sortie d'une hallucination d'un drogué. Sa bouche s'ouvrait et se fermait comme un poisson cherchant de l'air dans un nuage de vapeur.
Elle le regarda faire et éclata de rire à cause de son incompétence totale, il se sentie gêné et lui sourire avec débilité, ce qu'il n'avait pas fait depuis un temps immémorial.

Il la reconnaissait car elle travaillait dans les mêmes bureaux que lui, dans les assurances du côté des finances.
Puis avec elle s'assit à côté de lui tranquillement, gentille et polie, amicale et joviale, ils passèrent du temps ensemble.
Les jours suivant paraissèrent s'allonger sous son influence comme par envoûtement, son odeur, sa présence, sa façon de penser, de faire les choses, tout ce qui faisaient d'elle ce qu'elle était, il ne pouvait s'empêcher d'en être intrigué. Découvrant un univers neuf de nouvelles perspectives à deux, elle habitait non loin de chez lui à deux croisements de rues, et cette proximité n'était pas pour rien dans leur rapprochement spontané.
En vérité, elle le connaissait de vue depuis un bout de temps, joggeuse durant ses week-end, elle le voyait souvent assis seul au parque, toujours le même banc délabré qui semblait être né avec lui. De temps en temps elle lui jetait des coups d'œil qu'il ne remarquait jamais, absorbé tel qu'il était dans sa dépression.
Chaque fois elle le voyait, tête en arrière, fumant négligemment, comme un dormeur.
Ses sentiments pour lui étaient singuliers menés par une envie de se rapprocher de quelqu'un, surtout lui, s'était un mystère pour elle, il l'obnubilait sans pouvoir s'en détacher. Tout comme lui elle était en marge de tout et passait son temps quasiment seule dans les alentours et aimait la vie et les grands espaces. Parfois les choses n'ont pas besoin d'être expliquées pour sembler magique et irréelles, nous enveloppant comme un cocon.

De temps en temps ils leur prenait avec le temps de vivre quelques temps à deux, tantôt chez elle, tantôt chez lui, s'aimant avec une affection non feinte, avec cette touche d'innocence exotique.
Ce fut les plus beaux mois de sa vie et encore aujourd'hui ils lui revenaient en mémoire, agréables et chaleureux souvenirs...

Un beau jour de Juillet, rentrant à sin appartement rejoindre Iris, qu'il trouva assise devant la télé, les rayons perçant par la grande fenêtre ouverte, les cheveux statiques reflétaient une belle couleur brume magnifique qui faisait rayonner ses cheveux toujours autant enroulés dans cette pagaille de boucles rebelles. Il se prit à rêvasser deux minutes, juste deux petites minutes à l'entrée de l'appartement, simples et brèves, juste un frisson de joie le traversant en la voyant ainsi; d'un geste gracieux elle tourna la tête et fixa ses yeux sombres sur lui, sa lui un choque, il en resta le souffle coupé tant il lui sembla que son regard était mécanique et inhabituel, quelque chose lui cria des mots qu'il ne compris pas. La façon de regarder, de transpercer les choses aveuglément...
À partir de là tout dérapa de nouveau encore une fois.
Les échos incessants de la télé lui parvinrent par ondes rapides résonnant en lui, le soleil qui l'éblouissait, le brûlant de son feu agressif, sa colère monta d'elle-même de l'intérieur, son regard toujours fixé sur lui, le forçant à se retrancher sur lui-même, il ne ressentit aucun amour dans celui-ci qui commença à le balayer avec un dédain répulsif.
Il lui demanda d'arrêter, marchant vers la cuisine derrière le canapé au fond de la pièce, partie plus sombre et plein de fouillis.

Aucune réponse ne vint de sa part, il lui redemanda, toujours rien, la colère monta plus forte, pourquoi l'avait-il invitée ??!! Il se senti mal à l'aise et menacé comme un chien en cage.
-"Pourquoi tu me regardes comme ça?? Qu'est-ce qui t'arrive ??"
Aucune réponse...
Il sentait son regard peser sur lui, dos à elle déversant ses boîtes de nourriture du boulot sur le plan de travail de la cuisine avec mépris, il ne comprenait pas ce qui arrivait.
Soufflant un bon coup et se retournant il la pointa du doigt:
-"Arrêtes merde à quoi tu joues !!!??"
Rien n'y fit, de colère il s'approcha le coeur battant la chamade, à cause du soleil il ne voyait rien, éblouissant et trop fort, il plissa les yeux, il voyait ses deux pupilles briller, fixes et d'un regard perçant qui le repoussait, droit et sans appel, inexpressif.
Le bruit des voitures, celui de la télé de plus en plus fort lui donnaient mal à la tête, il se massa les tempes en crispant ses mains.
Il ferma ses yeux et sentit son monde vaciller, il faillit tomber sur le sol en vinil, rouvrant soudainement les yeux, perdu.

Elle n'était plus là, ne la voyant plus ses deux charbons brûler, avec frénésie il se précipita vers le rido et le fermant d'un grand geste.
Balayant d'un grand revers de main le vase qu'elle lui avait offert, complètement à bout de nerfs.
-"Viens ici, expliques-toi! À quoi tu joues??!!!"
Dit-il se retournant furieux, le grésillement emplissait toute sa tête comme un concert, n'arrivant plus à garder les idées claires, balayant tous les objets qui s'opposaient à lui, et cette migraine incessante qui revenait pulser dans son cerveau comme un marteau réglé sur son coeur effréné.
D'un coup en se retournant vers la cuisine il la vit, lui donnant une grande baffe qui fit valser son corps sur le sol d'un bruit sourd.
Restant à terre elle le regarda, le jugea avec un air e pitié mêlé d'un rire grotesque et moqueur, son regard toujours braqué comme un phare dans la nuit.
-"Rends-moi ton coeur!!" dit-il levant le point, tremblant, la rage au lèvre s déformant de rictus impossibles son visage tordu de haine.
Elle lui tendit les mains toujours en rigolant, ouvrant ses mains laissant apercevoir un papillon couleur cendre, il s'arrêta net, surpris, baissant le regard, son point aussi.

Mais le marteau fou continuait de frapper, encore et encore comme une horloge déréglée.
Tic-tac-tica-tac-tac-tac-titc-tac-tac

C'est alors que le papillon se mit à frissonner, ouvrant ses grandes ailes dans ses mains, elles se mirent à vibrer frénétiquement, d'un coup il s'envola dans un vacarme assourdissant.
Criant de douleur en regardant le papillon s'envoler en tourbillonnant dans la pièce comme un torturé.
Émettant un cri rauque qui se transforma en cri strident il se boucha les oreilles de ses pauvres mains, des papillons se mirent à naître des mains d'Iris, sortant de partout et de nulle part à la fois, battant ensemble fans des mouvements désordonnés.
Il cria encore et encore courant pour les arracher, les broyer, frapper les murs, défoulant sa douleur, sa rage!
Encore!Encore Frappant sans relâche, fermant les yeux, titubant, trébuchant, heurtant tous les meubles, ne sachant plus la disposition exacte de son propre logement.
Et les papillons crièrent de concert tous ensemble, folie incessante , prenante, virulente, il voyait son regard partout, elle, agressive, méprisante, son horrible son modulé, tourbillonnant, se déformant, montant un peu plus à chaque seconde comme une radio dont le contrôle nous échapperait.
Papillons, cris, larmes, euphorie, folie douce....

Cette crise incessante n'en finit pas, et comme un enfant il se mit à pleurer des torrents de larmes, ne pouvant plus s'arrêter, tremblant, compulsant comme une feuille, comme un fou, transpirant, en hyperventilation.
Et quand ouvrant de nouveau ses yeux meurtris, il vit du sang partout sur les murs, le cadavre de la fille déchiqueté gisant au milieu de la pièce, dans des courbes impossibles, un tas de papillons écrasés partout, d'autres virevoltant encore dans un vacarme de tous les diables, il supplia, implorant, hurlant à la mort.
Elle gisait, par terre, ventre contre sol, les vêtements en lambeau, en plein milieu du salon encore tiède.
Tandis que lui, convulsant, la bave aux lèvres, agonisant, son regard se ferma, se troubla de noir, il n'arrivait plus à réfléchir ; la dernière image qu'il sentit fut la chaleur d'un rayon de soleil qu'il ne vit pas, au-delà d'un arbre mort.

Le soleil pointa le bout de ses rayons, chatouillant son nez, il se réveilla en s'étirant. Il était en sueur, trempé, il avait rêver visiblement, son coeur battait vite, il ne se souvenait plus très bien, embrumé par son réveille.
Il sentit le bras d'Iris qui se retourna dans son sommeil, dans un râle affectif ets colla contre lui en boule.
Il se demanda si il n'avait pas réveillé leur enfants, mais eux avaient le temps de dormir...
Juste avant de replonger dans ce monde trouble, il vit sur le mur le papillon qu'il avait peint, dégoulinant de peinture noir sur le mur volontairement, les ailes éclatées.
Il l'avait peint hier, par instinct, quelque chose d'inarrêtable en lui avait crié de le faire, sa l'apaisait, il le sentait faire partie de lui, comme un vague souvenir, un oiseau qui finit par s'envoler,qu'on finit par oublier, seulement nous humains....

Une feuille pour un oiseauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant