Chapitre 2

24 0 0
                                    

Une fois la porte passée, le froid matinal m'enveloppe tout à fait et je souris car rien ne remplacera jamais cette sensation de fraîcheur temporaire. Cape vissée sur les épaules, je rabats ma capuche sur ma tête. Je devais faire le tour de plusieurs boutiques avant de pouvoir m'éclipser à l'extérieur de la ville.

Tout d'abord, la plus proche, l'antre du forgeron. La veille, ce dernier m'avait promis de réparer ma besace et mes couteaux de lancer. Je pousse la porte et la chaleur me frappe d'un coup, les fourneaux étaient déjà en train de flamber comme des incendies qu'on maîtriserait mais pas tout à fait. Derrière ces brasiers imposants, le forgeron fait son apparition et me fait signe de le rejoindre. Je suis en train de fondre de l'intérieur quand il me tend mon sac de cuir renforcé de quelques ornements métalliques. Quand je dépose les quelques pièces d'or dans la paume de sa main, je ne peux m'empêcher de comparer nos mains. Les miennes sont fines, presque féminines tandis que les siennes sont imposantes, immenses et abîmées par la forge.

Je ressors avec soulagement, le sac désormais à l'épaule. L'envie me prend de discuter, mais personne n'est avec moi.. Le temps où quelqu'un m'accompagnait me semble si lointain.. Des souvenirs remontent à la surface de ma mémoire. Je revois le magicien, son nom m'échappe, je voulais tout oublier de lui. Mais pourquoi ? Une image me revient, cet homme était bon, petit, enfin petit par rapport à moi, il faisait un bon mètre quatre-vingts tout de même, il avait également des cheveux poivres et sels et portait tout le temps une longue tunique rouge et dorée.

Mes pensées se stoppent nettes lorsqu'un jeune garçon me heurte. Il ne prend même pas la peine de s'excuser qu'il est déjà hors de portée pour que je lui dise quelque chose. Ah, ces enfants. Pourtant je suis content qu'il m'ait tiré de ma rêverie, j'étais à deux pas de la boutique de l'épicier. Enfin, il se prétendait épicier, alors qu'il fournissait tout le quartier en pains et viandes, et ensuite seulement en épices. La porte tinte à mon entrée, l'épicier me regarde avec son habituel sourire vendeur.

- Ce n'est pas souvent que mes clients matinaux soient aussi réguliers que toi ! Sers toi petit, je compte sur toi pour, il baisse le ton, "tu sais quoi".
- Merci, et oui je n'oublierai pas.

Je pioche dans les miches de pain la plus grosse de toutes, puis part me servir dans un coin que les gens ne voient pas la plupart du temps, là où se trouvent les fromages. J'en manquais ces derniers temps, ça tombe bien. J'avais conclu un pacte avec le bonhomme, qui me souriait derrière son comptoir trop petit pour cacher son ventre bedonnant, en échange d'un certain service, il me laissait prendre de quoi me nourrir sans abuser sur la quantité.

La cloche de la porte salue mon départ, il me reste juste assez de pièces pour mon petit digestif de ce soir, je les entends s'entrechoquer dans la petite bourse à l'intérieur de ma poche.

Mes petites emplettes étaient terminées, je me dirigeais donc vers l'extérieur de la ville. C'est sûrement une impression, mais les rues m'ont l'air bien moins remplies que d'habitude. C'était peut-être l'arrivée de l'hiver qui faisait que les personnes restaient au chaud plutôt que de grelotter dans les rues. Plus je m'approche des portes de la ville, moins il y a de passants à croiser. Étrange. Même les postes de sentinelles sont vides ! Malgré tout, je passe mon chemin et vais directement vers la forêt. Mon chemin était tout tracé, la forêt était mon premier endroit de vie avant la petite chambre obscure du Pic D'Or.

Les gazouillis des oiseaux retentissaient de tous les côtés, l'air sentait la mousse et l'écorce mouillée. Mes pieds se posaient doucement sur le sol, de peur de briser cette tranquillité divine qui régnait en quasi permanence dans ce coin là du bois. J'arrive à un croisement, un chemin à droite, l'autre à gauche. Je ne prends ni l'un ni l'autre et vais tout droit. Après une traversée de ronces, buissons et autres obstacles que je connais par cœur, j'arrive dans ma clairière.

L'endroit était empli de magie, l'herbe était claire et trempée par la rosée qui s'y était déposée dans la nuit. Le vent faisait danser les feuilles dans un doux bruissement. Cette harmonie de la nature m'apaise instantanément, elle l'a toujours fait. Je marche tranquillement jusqu'à l'arbre trônant au milieu de ce disque verdoyant. C'était un chêne gigantesque, entouré de lianes passives qui semblaient avoir été posées là par des doigts habiles, de petites boules de lumières voletaient autour de ce géant des bois et lorsqu'on regardait l'écorce de près, on pouvait observer des arabesques fines et raffinées.

C'est ici que je passe le plus clair de mon temps, quand je ne chasse pas.. Je grimpe à la manière d'un félin dans l'arbre. Les branches me sont toutes familières, en particulier certaines qui ont déjà amorti mes chutes. Arrivé au milieu de l'arbre, là où les feuilles font comme un abri, je m'arrête et m'assois sur une branche assez épaisse. Je m'adosse au tronc dont l'écorce m'a toujours fait pensé à de la peau, tant elle est douce. Mes yeux se ferment tout seul et le sommeil m'emporte.

Aep Order Arkésia - Le commencementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant