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Mes souvenirs étaient flous, comme une vitre peinte de buée, et mon doigt, désespéré, tentant à chaque souffle s'échappant de mes narines, chaque battement de mon organe vital, piégé entre la prison qu'est ma cage thoracique, d'en effacer ne serait-ce qu'un vulgaire rond.

Quelques fois, il effleurait cette paroi glaciale, et, dans un frisson, je fermais les yeux, m'aventurais dans mes entrailles, touriste. Les souvenirs, bien que médiocres, ou encore inutiles, fusaient, et j'étais rapidement noyé.

Le dernier dont je me souviens était ce petit matin, à la vielle demeure de mes aïeux, maintenant abandonnée, devenue poussière suite à la demande de mon géniteur. Je me rappelle de mon sourire, cette exhibition si enfantine de mes dents, exposant aux orbes de tous ma bonne humeur, alors que je jouais avec mon petit cousin.

Au beau milieu d'une partie folle de carte, mes sourcils froncés et mes yeux rivés vers les bouts de papier, tout comme le noireaud en face, une femme aux joues creusées et aux jambes semblables à deux fins morceaux de ficelle, entra à la hâte dans le salon par la porte menant vers le grand jardin, ses lippes étirées en voyant son enfant s'amuser.

«Yunki, viens, on passe à table!»
dit-elle joyeusement, avant de dériver ses pupilles vers moi, sa mine joyeuse se dilluant, pour laisser place à une jugeante. «Pas toi, petit garnement.»

Elle tourna les talons et quitta la pièce, suivie du petit garçon qui me lançait un regard débordant de tristesse. Tante Min ne m'avait jamais apprécié, et partageait donc l'avis de mes proches; qui pourrait bien épouser jeune homme si pottelé?

Malgré tout, je gardais ma joie, bien précieux qui risquait à tout moment de s'enfuir sous le venin qu'on lui versait dessus.

b o n h e u r m o y e n

「gaugetoy」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant