Lisa (One Shot) // Version JMDBLE.

Cette journée.

    Une sensation de froid léger parcourut Lisa, mais elle fit tout pour l'ignorer. Elle ne voulait pas se plaindre. Elle ne voulait plus. Sa vie était déjà assez fade. Plus la peine de s'arrêter sur des détails tel que la froid ou la faim. Le pull déchiré à certains endroits qu'elle portait était de taille 6 ans, alors qu'elle avait 9 ans ? Et alors ? Il y avait dans le Refuge des enfants qui n'avaient pas de sandales pour se mettre aux pieds. Afin d'éviter qu'ils n'attrapent quelque maladie inutilement, on les empêchait de sortir, mais la curiosité aidant, ils le faisaient quand même. De ce fait, elle n'allait pas se plaindre du froid alors qu'elle avait un pull, un t-shirt en-dessous, un short délavé, une paire de chausses en cuir, et, comble du luxe pour une enfant du refuge, des chaussettes.

    Elle se concentra sur le "trésor" qu'elle avait trouvé dans l'une des chambres. Un paquet de cigarettes de la marque Olnera. Satokyou lui avait dit qu'elle devait à tout prix se tenir à l'écart des drogues, et que le tabac faisait partie des pires. Qu'est-ce qu'il en savait de toutes les façons ? Il était gentil mais bon. Sa bonne humeur constante était dérangeante. Avec ses conseils sur quasiment tout, cela constituait un combo bien embêtant. Il se comportait comme s'il était son grand frère. Cependant, des fois, elle se disait qu'elle s'en garderait bien. Sa solitude lui convenait. La petite brune observa le briquet rouge un léger instant. Elle avait vu des personnes s'en servir, ça n'avait pas l'air difficile. Elle tira une cigarette, reposa le paquet à côté d'elle. Elle porta la cigarette à sa bouche, et fit le geste qu'elle avait retenu. Comme ses mains tremblèrent, elle n'y arriva pas du premier coup. C'est à la 4ème fois que la cigarette prit étincelle.

   Une toux sèche secoua son torse. C'était horrible. Comment faisaient les gens pour supporter cela ? Elle eut envie de cracher, pour rejeter ce goût présent sur sa langue. Elle ne parvint qu'à baver désespérément sur le sol du balcon où elle se trouvait. Elle entendit un rire moqueur et sursauta. Elle se retourna et vit la Rousse, assise sur la rambarde du balcon. Elle ne connaissait ni son prénom, ni son âge. Mais elle avait l'air plus grande que Satokyou, beaucoup plus, donc elle devait déjà être une adulte. C'était la 3ème fois que Lisa la croisait. À chaque fois, elle était apparue, sans bruit, rien, au même endroit. Lisa ne savait pas à quoi c'était dû, mais elle n'essayait pas de comprendre. Elle l'ignora, saisit le paquet de cigarettes, et le secoua. 

" Tu ne devrais pas tester ce genre de choses, je penses. T'es trop jeune déjà, et cela ne t'apportera rien de bon". 

La voix grave de la Rousse avait cet air dans lequel vibrait à la fois une forme d'amusement et un air...amical ? Lisa regarda la nouvelle venue à nouveau. Elle était tout de cuir noir vêtue, aussi bien au niveau de son pantalon, sa veste, que son bustier, ou encore ses gants. Ses cheveux couleur braise flottaient délicatement au vent, comme animés d'une volonté propre. Lisa ne savait pas quoi penser d'elle. C'était immensément s'avancer de dire qu'elle était une amie. Une connaissance qui semblait apprécier la voir dans son univers sans couleurs, à priori. La Rousse mit les pied sur le balcon, plongea la main dans sa veste, et en sortit une petit boîte, ainsi qu'un téléphone portable. Lisa reconnu l'objet, car un des responsables du Refuge se baladait souvent avec. 

" Cela te dirait de me rendre un service ? " 

La petit brune plissa les yeux. Elle ? Un service ? Jusqu'à présent, elle s'était contenter d'exister. Personne ne lui avait rien demandé. Elle-même ne demandait quasiment rien à personne, à part le strict nécessaire. Ce qu'elle portait, on lui avait offert au Refuge. Le paquet de cigarettes, elle s'était servie. Alors, rendre un service...Elle pesa le pour, le contre, mais elle n'avait aucun élément à mettre dans la balance. Si elle pouvait à servir à quelque chose dans sa vie...

" Oui. Je veux bien " 

Cela la surprenait toujours d'entendre sa voix, tant elle l'utilisait rarement. La Rousse écarquilla les yeux. Toutes les fois qu'elle avait parlé à cette petite, cela avait été de parfaits monologues. Et là, pour la 1ère fois, elle lui répondait. Cela tombait vraiment à pic. 

" Ben c'est cool ça. Je voudrais que tu déposes ce paquet à l'adresse que je vais te donner. Tu sais prendre le métro ? " 

Lisa acquiesça. Satokyou lui avait montré, un jour de pluie.  Ce n'était pas trop compliqué. La Rousse lui tendit un bout de papier, et un ticket de métro. 

" Je t'ai fait l'itinéraire. Voilà le ticket. Une fois que tu arrives à la dernière station, tu suis le petit plan que je t'ai tracé au bout de la feuille. Et quand tu sera devant la grande maison aux portes rouges, tu composera ce numéro sur le téléphone. T'as tout compris ? "

Lisa fit "oui" de la tête, se leva, et pris les différents objets. Elle allait donc être utile à quelqu'un, pour une fois dans son existence. Elle sentit une forme de chaleur dans sa poitrine, mais elle ne sut pas l'identifier. Elle leva la tête, comme pour remercier la Rousse, mais elle avait déjà disparu. Comme à chaque fois. 

      Trouver l'endroit avait été plus compliqué que prévu. Mais elle avait réussi. Cela faisait un moment qu'elle se tenait debout sur ces marches à observer la porte. Elle ne savait pas si elle devait ou non frapper. Elle finit par se décider, résolue et frappa à cette grande porte rouge.

     Quand la porte s'ouvrit, le quadragénaire fut surpris de voir cette petit brune devant sa porte. Elle ne ressemblait à aucun des enfants du quartier. Elle devait sûrement venir des quartiers pauvres. Etait-elle perdue ? Il se pencha à sa hauteur, et l'interrogea. 

" Qui es-tu ? D'où viens-tu ? "

Lisa ne sut pas quoi répondre à ce vieil homme debout devant elle. La Rousse ne lui avait rien dit à son propos. Elle regarda le téléphone portable qu'elle avait dans la main droite et composa le numéro inscrit sur le bout de papier, sans répondre. 3.6.2.9. Qu'est-ce qu'elle devait faire après ? Elle ne le savait pas. Un bruit strident se fit entendre. Lisa jeta un coup d'oeil à la boite qu'elle tenait. Le bruit venait de là.

" Qu'est-ce que c'..."

Une lueur s'échappa du gros paquet présent dans la main gauche de Lisa. Elle sentit alors des frissons parcourir son corps tout entier. Elle leva la tête, et voulut regarder le vieil homme, mais...elle avait l'impression que sa vue avait changé. Elle voyait à présent tout en bleu, et des chiffres flottaient à la verticale autour d'elle. Elle regarda la boîte à nouveau. Celle-ci était, petit à petit, décomposée, en plusieurs petits morceaux, tandis qu'une forme aux couleurs vives commençait à s'en échapper. Cela ressemblait à...une explosion ? Mais, tout semblait aller très lentement...Elle tourna la tête, et vit qu'une paroi translucide l'entourait, tandis que son environnement disparaissait petit à petit. Elle voyait toujours tout en bleu. Elle commença à paniquer. Tout s'accéléra. Elle disparut de l'endroit là où se trouvait. 

     C'était un très grand hémicycle. Bien que d'habitude, il était peu fréquenté, une bonne centaine de personnalités politiques s'y trouvaient en ce jour. Un sénateur, occupé à dessiner un pendu sur son carnet de notes, leva la tête, intrigué par un bruit insolite. Une sphère dorée était en train de se matérialiser au milieu de l'hémicycle, en face de la chaire. Un murmure parcourut l'assemblée. La sphère grossit, puis devint translucide. Dans cette sphère se trouvait une enfant brune, aux cheveux longs. Dans ses mains, des lueurs brillaient, et commençaient à irradier la salle. Une onde de choc suivit les lueurs, traversa l'installation, puis une gigantesque déflagration retentit.

     Lisa ne sentait plus rien. Elle semblait figée dans l'espace, figée dans le temps. Des lueurs s'étaient échappé de la boîte, mais elle n'avait rien ressenti. Une pellicule dorée recouvrait son corps tout entier, et semblait l'empêcher d'avoir des sensations. Elle regarda autour d'elle, et vit la déflagration déchiqueter les personnes présentes dans la grande pièce, sans abîmer un centimètre de son être. La petite brune avait l'impression d'être là, sans l'être vraiment. Le flash de l'explosion l'aveugla, et elle perdit l'ouïe au même instant. Une nappe de lumière blanche fut la dernière chose qu'elle vit.