Chapitre I- Le retour en république

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Un million de fois j'ai raconté cette histoire. Je l'ai tellement répété que je savais toujours où mettre l'intonation, où mettre un petit silence de suspens et faire monter les rêves vers les étoiles.

Cependant, j''avais toujours une hésitation vers la fin. A chaque fois, je croisais le regard de mes auditeurs effrayés et animés par des rayons d'espoir que je n'ai jamais trouvé ailleurs. Devais-je éteindre ces lumières d'espérance et raconter la vérité ? Mais toujours le courage me manquait et, après un soupir discret, lentement je racontais la fin telle que j'aurai voulu qu'elle se termine...

C'est pourquoi, c'est armé d'une plume que je vais vous conter l'histoire telle qu'elle s'est déroulée, page après page pour qu'enfin la vérité éclate dans l'espoir qu'elle soulage mon esprit assoiffé de vérité, lui qui a longtemps été asséché par le doux mensonge auquel je voulais croire.

Je n'aurai pas l'audace de commencer cette histoire autrement qu'un conte de fée car c'en était un à quelques détails près.

Ainsi, il était une fois, un roi et une reine qui vivaient dans un merveilleux royaume. Leurs sujets les adoraient et étaient prêts à donner leur vie pour sauver la leur. 

Je serai malhonnête de laisser ce début ainsi car, en fait, mes parents n'étaient ni roi ni reine (quoiqu'on puisse penser qu'ils fussent monarques d'Hollywood à l'époque). Et s'ils étaient rois du cinéma, leur royaume ne s'étendaient pas qu'à Los Angeles mais bien dans le monde entier. En un sens, en ayant conquis les gens par l'écran, ils avaient un peu conquis le monde. Leurs admirateurs étaient proches d'être appelés "sujets" d'ailleurs, car ils traitaient mes parents comme des rois. Mais s'il y a bien quelque chose que je ne pourrai rayer dans le début du conte de fée, c'est bien que tous ces gens auraient été prêts à se sacrifier pour notre famille. En effet, leur admiration ne s'arrêtait pas à mes parents mais à tous leurs proches et en particuliers à nous, leurs enfants.

Ce fut une merveilleuse époque -peut-être trop brève ?- où aucun nuage ne ternit notre vie idyllique.

Nous étions des enfants choyés. Jamais nous n'avons manqué de quelque chose ; malgré le travail prenant de nos parents, ils arrivaient à nous consacrer du temps. Et surtout, nous nous savions aimés. C'était sûrement la source de notre épanouissement. Car dans un palais comme dans une chaumière, ce qui est le plus important pour un enfant, c'est de se savoir aimé.

L'amour que nous avons reçu, mon frère, ma sœur et moi, nous a donné la force de croire en nous. Et même des années plus tard, ayant oublié palais et conte de fée, mon unique lien avec mon passé et ma famille resta cette force qui nous unissait les uns aux autres...

Mais hélas ! en un claquement de doigt, il en était fini pour moi des soirées sur la plage, des berceuses parentales le soir, des portraits de famille, des flashs... J'avais tout perdu d'un coup: ma maison, ma famille, mon identité. C'est comme ça qu'on repart à zéro, laissé à soi-même et éprouvé par la vie, en devenant personne. Peut-être que c'est en devenant personne que l'on devient quelqu'un ? Privés de ceux qui avaient fait de moi ce que j'étais, je me reconstruisis tant bien que mal. 

Après la séparation brutale, j'étais encore trop jeune pour me rappeler de la douleur des premiers temps. Mais je me souviens cependant avoir grandi dans l'incertitude et la crainte de tout reperdre de nouveau. Et chaque larme que j'ai versé par solitude n'était pas signe de faiblesse mais la preuve que mon courage ne me rendait pas insensible. Et sensible, je l'étais ! Mais je le dissimulais par la rage. J'étais victime de ce que la vie m'avait offert et par l'incompréhension, je répondais par la violence.

Ma nouvelle famille avait beau essayer de combler le vide qui me hantait, je savais, au fond, que jamais je ne retrouverai l'équilibre parfait que j'avais connu en venant au monde. 

VeritasWhere stories live. Discover now