Internal Flight

Internal Flight : le vieux et l'enfant

Bien le bonsoir âme égarée. Le terme est bien choisi, car je doute que quiconque tombe sur ce récit un jour. Cependant, sait on jamais, je m'efforce à continuer son invention, pour le plaisir que les lettres m'apportent. Cela fait depuis avril dernier que je n'avais rien publié, je suis maintenant revenu. Quand ? Où ? Pourquoi ? Moi même je n'en ai pas la moindre idée.

"Mais dans l'éternité, tu vois, le temps n'existe pas ; l'éternité n'est qu'un instant, assez pour une plaisanterie." -Hermann Hesse, Le loup des steppes

Toujours muet, la gorge abîmée par le froid matinal, le guitariste parcourait le sentier forestier dans l'espoir de tomber sur quelque chose, un murmure, un signe, une indication qui le menerait vers un être qui le hantait de plus en plus. Il avait passé trois jours dans les grottes de calcaire sans pouvoir en ressortir à cause de la météo. Vent glacial, neige, éboulements, il avait presque été pétrifié sur place. Seules les mélodies de sa guitare lui avait permis de passer les heures, les jours, qui paraissaient une éternité. Tout ce chemin, il l'avait parcouru en vain. Aucune trace de la chose, ni d'un quelconque passage permettant de se diriger vers elle.

*

Les pas machinaux du barbu furent brutalement arrêtés par une vision. Une hallucination ? Un mirage ? Probablement pas, il n'était ni affamé ni déshydraté. Au loin se dessinaient les courbes délicates d'un village noyé dans la brume. Le point culminant de celui-ci était un clocher, autour duquel était échafaudé plusieurs quartiers de petites chaumières. Au fur et à mesure qu'il approchait, le rôdeur sentit la fumée émanant des cheminées, l'odeur de la nourriture, les bruits de l'eau, des fontaines. Il était si longtemps resté dans le silence, dans l'ignorance. Dans sa tête comme dans la réalité, dans sa réalité.

Ses chaussures claquaient à présent contre les pavés des ruelles. A sa grande surprise, il ne vit nul autre être vivant dans les alentours. Comme si la vie s'était arrêtée subitement, pour l'éternité. L'éternité d'un instant, qui fût interrompu par la vision de deux silhouettes. L'une était grande, mais courbée par le poids des années. La seconde paraissait plus jeune, dressée sur ses deux petites jambes. Le vieux et l'enfant se tenaient par la main, et sillonnaient les rues étroites. Figé par ce spectacle, le jeune guitariste n'avait pas remarqué que la neige chutait de nouveau, mais cette fois sans vent. L'atmosphère était calme.

Il décida donc de s'asseoir sur le bord d'une ruelle et de jouer avec l'instrument qu'il maîtrisait depuis que le monde était monde. Au son de ses notes, les deux silhouettes s'arrêtèrent devant lui. Le vieux pleurait, l'enfant souriait. Plus il jouait, plus les silhouettes devenaient claires, jusqu'au moment où leurs visages était visible. Les deux spectateurs tremblaient, les yeux fermés, comme hypnotisés. Soudain, le plus âgé murmura quelque chose que les vibrations de la guitare cachait, avant que les deux ombres ne s'évaporent dans l'air. La neige s'arrêta, et un pendentif était maintenant à la portait du jeune musicien. C'était de l'or massif, seul une pierre précieuse brilla en son centre dès qu'il saisit l'objet. Il était de nouveau seul, comme il l'a été toute sa vie. Cependant, cette fois-ci, il ressentit un vide indescriptible, incontrôlable.