Février 1761
Des bruits de pas se firent entendre dans tout le bâtiment. Mme Gasnier longeait le long corridor du couvent avec son habituel air sévère. Une jeune fille la bouscula en courant.
-Léonarde! En voilà des manières! Revenez immédiatement me présenter vos excuses! pesta la femme
La jeune fille revint, ses boucles brunes cachant son joli minois. Elle s'arrêta face à sa mère. Etre la fille du directeur d'un couvent n'était pas si simple.
-Je m'excuse de vous avoir effleurée..
-Bousculer. la reprit-t-elle
-Bousculer. répéta bêtement Léonarde, résignée
-Bien. Maintenant, suivez-moi. Votre père et moi avons pris une décision importante pour vous. clama Mme Gasnier sans aucun sourire
Elle ne souriait jamais. Mais bien pour une raison précise que sa fille trouvait naturellement ridicule. Sachant que sourire engendre quelques rides, elle avait toujours gardé une expression neutre. Ainsi son visage resterait parfait, sans aucune imperfection. En somme, Léonarde désapprouvait cette méthode. Seulement, à l'instant présent elle songeait à bien autre chose.
-Quelle décision? s'alarma-t-elle
-Vous verrez bientôt...
Enfin les deux femmes atteignirent le bout du couloir qui donnait sur le bureau de M. Sylvère Gasnier. Sa femme toqua froidement à la porte. Une voix masculine lui permit d'entrer. Un homme au visage usé par le temps, d'apparence sympathique siégeait devant un grand bureau.
-Bonjour, Léonarde. la salua-t-il
-Bonjour, père. répondit-elle, De quoi souhaitiez vous me parler?
-Je vois que vous l'avez prévenue, Constance... dit-il à son épouse qui acquiesça
Léonarde n'aimait pas les surprises, c'était une petite fouine. Et toutes ces cachotteries ne lui plaisaient pas le moins du monde. Cependant, elle garda son sang froid et patienta.
-Revenons-en au sujet. Ecoutez, si vous ne l'avez pas remarqué, le couvent est en piteux état et nous manquons d'argent pour le rénover...
-En quoi cela me concerne-t-il? le coupa-t-elle
-Justement. Il est bien triste de le dire, mais vous nous coûtez bien cher. C'est pour cette raison que nous avons décidé de vous marier.
-C...Comment? bégaya la jeune fille qui osait à peine y croire
-Oui, vous avez bien entendu Léonarde. Jeudi nous nous organiserons une fête où nous convierons les jeunes hommes du meilleure partit pour vous. Il faudra bien vous tenir afin de donner une bonne image de vous aux invités. Si jamais vous refusez, c'est un couvent qui vous attends. Et pas celui-ci!
Léonarde grimaça en s'imaginant en train de fabriquer de la confiture entre deux prières, embarrassée par son habit de religieuse. Mais d'un autre côté, se marier ne la tentait pas tant que ça. Les mariages n'étaient plus une question d'amour, mais d'argent et les maris trompaient leur femme. Elle, elle ne pourrait pas supporter de se marier avec un vieux croûton qui veut qu'elle lui fasse des enfants rapidement. Ou bien un jeune homme qui la tromperait avec la première venue. Mais après réflexion, un bel éphèbe pourrait bien se présenter à la réception de jeudi.
-Bien...Je constate que je n'ai pas vraiment le choix. fit Léonarde avec une moue de dépit
-Vous constatez bien... répondit M. Gasnier
-Attendez! Comment allez vous me trouvez un mari fastueux avec notre petite mise? Je ne sais si je possède encore une robe en bon état! réaslisa-t-elle
-Ça c'est parce que vous les souiller toutes! râla Mme Gasnier, À force de gambader dans les bois, même les jours de pluie, cela ne m'étonne point. Dieu quelle honte!
-Que me chantez vous là? Notre mise n'est pas si petite que ça! s'indigna le père de la jeune fille
-Et puis nous n'aurons qu'a a embauché vos amies et les résidentes les plus miséreuses du couvent comme soubrettes! ajouta la femme
Les paroles de sa mère la blessaient au plus haut point. Comment pouvait-elle dire une telle ignominie ?!
Elle considérait ses amies comme des jeunes filles probes et bien inoffensives. Quand aux pauvres jouvencelles de ce couvent, elles vivaient presque toutes modestement et ne méritaient pas de servir de faire-valoir. Certaines avaient déjà eue du mal à être acceptée au couvent de Sainte-Désirée, pourtant si appauvri. Mais Léonarde ne pouvait se permettre de protester. Sans quoi elle recevrait une bonne correction de la part d'Héloïse, la domestique de Mme Gasnier, une vieille dame de 66 ans qui paraissait en faire 80. La pauvre miséricordieuse, ne possédait presque plus assez de force pour frapper Léonarde. Mais c'est que sa mère s'impatientait pendant qu'elle songeait! Avant que celle-ci ne la réprimande, Léonarde s'empressa de répondre:-Oui-da, mère ! Je suis presque persuadée que Flore, Bertille et Guillemette seront ravies de jouer les domestiques.
-Laissez-moi moi rire! Guillemette Carlier, Flore Deschamps et cette gourgandine de Bertille Fournier ne font que ça de leur journée. Ce sont des s-o-u-b-r-e-t-t-e-s! articula Constance Gasnier comme si elle s'adressait à une attardéeLéonarde toisa discrètement sa mère. Sa coiffe est une modeste fontange qui n'est plus au goût du jour, son maquillage: négligé! Quand à son anglaise toute rapiécée, elle ne faisait nulle ombre sur les robes que les amies de sa fille pouvaient porter. Et ces pieds fins, nageaient dans de petits escarpins en satin, le seul détail irréprochable dans sa tenue. Non, c'était bien ce que la jolie Léonarde sous-entendait: sa mère affirmait que ses amies n'étaient que de misérables servantes, alors qu'elle même ne pouvait se donner les moyens d'arborer une tenue plus respectable.
-Des soubrettes, peut-être... mais des soubrettes fort bien mises et respectables ! fit Léonarde avec nombre de sous-entendus
-Si vous le dîtes ! Allez donc! Filez dans votre chambre et cousez. Pour qu'un homme veuille de vous, il vous faudra savoir coudre, ma fille. affirma Mme Gasnier, sûre d'elle
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Tell me, Ancestors
Historical FictionUn jour, mon père m'a donné le carnet de bord d'un ancêtre. Peut-être que certains auraient été intéressés mais pas moi. Pourtant un jour, je l'ai feuilleté et je me suis penchée sur un arbre généalogique de la famille de ma grand-mère. Et les plus...