Chapitre 2

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La lumière perçait à travers les fenêtres immenses de la bibliothèque, baignant les étagères de livres dans une lumière dorée. C'était une très belle journée, et Edmund était plutôt content de sortir. Il flânait à travers les rayonnages depuis déjà une vingtaine de minutes, attendant la venue de Bianca pour lui donner tous ses cours. Il avait mis la totalité de ses leçons dans une sacoche en cuir brun, qui lui pesait lourdement sur les épaules.

Le jeune brun avait récupéré quelques livres, des romans et des essais, des nouvelles, tout ce qui lui semblait plaisant à lire. Il s'était ensuite assis à une table assez éloignée mais visible depuis l'entrée, pour que sa camarade de classe puisse le repérer assez rapidement.

Il commença la lecture des aventures de Sherlock Holmes, mais s'arrêta au bout de quelques minutes, impatienté. D'un autre côté, il n'avait rien à reprocher à Bianca. Lorsqu'il avait accepté sa proposition, il n'avait pas pensé à lui indiquer d'heure précise. Cette dernière pouvait aussi bien arriver dans trois heures, ou dans dix minutes. Il récupéra son carnet dans son sac ainsi qu'un crayon, et commença à dessiner pour patienter.

Certes, il ne dessinait pas aussi bien que sa sœur Susan, mais il ne se débrouillait pas si mal. De mémoire, il reproduisit la première chose qui lui vint à l'esprit : sous ses traits de crayon apparut un bouclier, celui de son frère Peter, qui était presque aussi haut que lui lorsqu'il l'avait vu pour la première fois. A l'époque, il n'avait que dix ans, et tout lui paraissait immensément grand. A ce jour, Edmund dépassait presque son frère aîné, et aurait donc trouvé ce bouclier ridiculement plus petit qu'auparavant. Mais malgré tout, les détails lui revinrent en mémoire aussi clairement que s'il l'avait en face de lui : les arabesques du métal, le grand lion rouge qui occupait tout le centre du bouclier, effrayant les ennemis au premier coup d'œil. Pas de doute, Peter avait eu bien de la chance de gagner cette arme. Edmund, lui, n'y avait pas eu droit. A cet instant, il était avec la Sorcière blanche, prisonnier, car il avait commis la pire trahison imaginable. Une sensation désagréable lui traversa tout le corps, comme à chaque fois qu'il se remémorait ses erreurs passées.

Son amertume fut interrompue par un raclement de gorge au-dessus de lui, et il croisa le regard perçant de Bianca :

« Bonjour !

-Bonjour, répondit-il encore pensif.

-J'espère que je n'ai pas été trop longue ! Ma mère m'a retenue pendant au moins dix minutes pour s'assurer que tu n'étais pas un garçon bizarre et dangereux. » expliqua-t-elle en souriant.

Ses cheveux blonds étaient retenus sur le côté de sa tête par une tresse lâche et un serre-tête. Elle lui adressait un grand sourire, et semblait d'assez bonne humeur. Une bonne humeur qui avait l'air plutôt contagieuse, puisqu'Edmund lui adressa un grand sourire en retour. Il cacha discrètement son esquisse sous son bras, et lui tendit la grosse sacoche remplie de feuilles de cours.

« Et voilà, il y a tout ce que l'on a fait depuis le début de l'année, expliqua-t-il. Sciences, mathématiques, littérature, français, enfin voilà quoi... »

Il se gratta la nuque, plutôt mal à l'aise : il ne la connaissait pas vraiment, et ne savait vraiment pas quoi lui dire pour engager la conversation.

« Merci beaucoup, répondit-elle tout en feuilletant le contenu de leurs études. Je suis désolée de t'avoir dérangé dans ton après-midi, tu avais sans doute mieux à faire. »

Oh ça oui, il avait des tonnes de choses à faire ! Bien sûr, il aurait aimé lui dire cela. Seulement, ça aurait été un mensonge. Ses week-end étaient vides, et il s'ennuyait beaucoup. Eustache sortait souvent avec Jill ou avec des amis à lui, Lucy avait ses copines, et Edmund était incapable de supporter les gloussements de ces filles durant ne serait-ce que dix minutes. En y réfléchissant bien, il était content d'être sorti un peu de son quotidien monotone.

La vie d'un roiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant