Prologue

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         Par cette terrible nuit d'hiver, un vent glacial hurlait dans les hauts sommets enneigés, accompagné d'une violente pluie de flocons gelés. Le sol était tapissé d'une épaisse couche de glace.

Au centre de ce déchaînement naturel des éléments, faiblement éclairées par un simple rayon de lune, deux femmes serpentaient tant bien que mal au pied des montagnes. L'une soutenant l'autre, elles bravaient la tempête à la recherche d'un abri.

Un cri de triomphe et de soulagement se fit entendre à travers le déluge :

- Nous y sommes, Leïla ! Elle n'est plus qu'à quelques pas d'ici.

- Je n'en peux plus, articula faiblement une seconde voix, tremblante de froid et de peur.

La plus grande des deux femmes, âgée d'une cinquantaine d'années, portait un manteau de fourrure usé qui ne fournissait qu'une mince protection contre le froid ardent des montagnes. Ses cheveux bruns et emmêlés étaient noués en une large tresse qui lui tombait lourdement sur les épaules. Cette dernière portait à présent son amie sur ses épaules, sûrement une Elfe, à en juger d'après sa longue chevelure d'un blond brillant, presque doré, et ses traits affinés. Même si son corps, souillé de sang, de blessures et d'hématomes dus à son périlleux voyage ainsi qu'à sa grossesse bien avancée, n'avait plus grand chose d'elfique.

L'entrée d'une petite grotte aux contours incertains, creusée à même la montagne, se dessina enfin. L'humaine se déchargea avec soulagement de son fardeau et entreprit de réchauffer la grotte circulaire. La pièce souterraine les isoleraient au moins des intempéries extérieures.

- Tara ! retentit une voix, envahie par la terreur. Il arrive !

La dénommée Tara accourut auprès de la malade, qui semblait pétrifiée de douleur et d'appréhension, puis l'aida à faire sortir l'enfant de son mieux.

Cette difficile tâche accomplie, elle prit le nouveau né dans ses bras, et faillit le lâcher en retenant un cri. Le corps du petit était glacial.

De longues secondes s'écoulèrent, qui parurent interminable à la pauvre femme.

- Il est gelé, réussit-elle enfin à articuler, abattue, à la mère de l'enfant.

La bouche de l'Elfe s'ouvrit dans un cri sourd, empli de désespoir et d'impuissance. Pire qu'un hurlement de colère, aucun son ne pouvait plus exprimer sa tristesse. Puis vinrent les larmes, ruisselantes, inondant le beau visage elfique de la mère.

- Attends !

Le visage de la sage-femme s'illumina. Elle n'en revenait pas :

- Il respire.

La mère se redressa avec une rapidité surprenante au vu de son état, prit son fils dans les bras et constata par elle-même que son cœur battait régulièrement. Lorsqu'elle posa sur elle son enfant, son visage s'éclaira témoin d'une immense joie et d'un soulagement inégalable.

Son fils unique, reposait à présent paisiblement sur son sein, comme si rien de tout cela ne s'était passé. Comme si la quête insensée qui avait conduit sa mère dans les profondeurs de ces montagnes n'avait jamais échouée.

La jeune Elfe pris le temps de contempler avec attention et fierté son magnifique petit. C'était un humain de petite taille aux oreilles arrondies. Deux magnifiques yeux bleus perçants – comme ceux de sa mère – éclairaient son visage juvénile et une petite touffe de cheveux, d'un blond éclatant, garnissait déjà le haut de son crâne. Sa peau, quant à elle, paraissait presque translucide tant elle était claire et ses premiers pleurs ne tardèrent pas à se répercuter sur les murs luisants de la caverne.

La jeune Elfe aurait pu rester ainsi des heures. Cependant, elle savait chaque minute de son existence menacée par une maladie, n'ayant fait que s'aggraver au contact de ces températures extrêmes. La panique l'envahit de nouveau : aurait-elle le temps de mettre son fils en sécurité ? Elle avait tant de choses à dire à ceux qui devraient l'élever. Pourtant elle sentait la vie la quitter, impuissante.

- Tara... , gémit-elle.

- Je sais ce que j'ai à faire, Leïla. N'aie crainte, nous l'élèverons comme notre propre fils. Je t'en fais la promesse.

- Je suis sincèrement désolée de devoir t'imposer ce fardeau, balbutia-elle avec peine.

Leïla sentait ses forces faiblir de plus en plus et sa douleur augmentait.

- Donne lui la lettre à ses 12 ans, articula-t-elle avec peine, il est l'un des cinq. Personne ne sait ce qu'il deviendra mais ce qui est sûr, c'est que rien ni personne ne pourra changer son destin, nous ne pourrons que le retarder.

Il y avait dans ces paroles un sentiment indescriptible comme seul peut en avoir une mère en détresse. La fatalité et les regrets se lisaient dans ses yeux.

- Repose en paix, Leïla. Si son nom est destiné à traverser les siècles, alors nous l'y aiderons jusqu'au bout, tu as ma parole.

Dans les yeux de la mourante, était visible une gratitude sans nom, derrière la douleur et la résignation qui obstruaient son visage.

Alors que la vie finissait de la quitter, sa bouche s'ouvrit une dernière fois, ne laissant échapper qu'un seul mot. Un mot qui trahissait tout l'amour que portait la mère à son enfant :

« Wissam ».

Wissam - Le dernier LuminxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant