- CONNECTÉES -

CHAPITRE DEUX

]EMILIA COLIČ[

Ça faisait trois mois que j'étais arrivée en sixième.
Dans une ville à plus de vingt kilomètres de cette où j'habitais avant. C'est très peu, me direz-vous. Mais j'avais déménagé (dans un village à côté de la ville de mon collège) et du coup, je n'ai plus revu mes camarades de primaire. Je me sentait très mal à cause de cela. Mais le pire, c'était au collège.
Tout le monde se connaissait, et moi je n'avais personne. Absolument personne. Enfin, je pensais...
J'ai rencontré Inouk. Une fille qui était dans le village où j'avais déménagé. Quand je l'ai appris, on s'est rapprochées. Enfin, je croyais...

- T'es qu'une pauvre conne, en fait ! T'a pas ta place ici.

- Elle est conne celle-là...

- Genre t'étais notre pote ? Ça marche pas comme ça.

- Laissez, dit Inouk.

J'ai espéré, mais mon instinct m'avait déjà avertie. J'étais seule.

- T'es pathétique, tu te cache et tu cause jamais. Pis t'a aucun style, pouffiasse...

J'ai tourné les talons et j'ai filé très vite. Je ne pleurait pas. D'ailleurs depuis ce jour-là, je n'ai pleuré deux fois. Je ne voulait pas qu'on me voit faible. C'était insupportable, moi qui pensait que la haine n'existait pas, qu'on pouvait vivre sans soucis, libre... Ô combien j'étais naïve et stupide, elles avaient raison. J'avais peur de tout ce que pensaient les autres de moi à partir de ce jour-là.
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Chez moi, rentrée, ça ne s'est pas arrangé. Tiens, on était le 2 octobre, 2014... Quoique ça ne m'a pas perturbée plus que ça. Quelle importance ? C'était un jour qui nous rapprochait de la mort, rien de réjouissant...
Je fut surprise de penser une chose pareille, mais finalement... C'était un peu vrai. Je n'ai rien dit d'Inouk à mes parents. Mais le soir, dans mon lit, je les entendait se disputer. Ça arrivait de plus en plus souvent. J'entendais tout. Ils voulaient se séparer, et ça criait et ça pleurait... Et moi, une nouvelle fois j'étais toute seule. Je me suis sentie atrocement mal. J'ai voulu faire des choses interdites... Le téléphone de nuit, par exemple. J'ai trouvé un réseau social pré-installé. Et je me suis inscrite. W. Kirstein. Ça me plaisait comme nom.
Le soir même, @Jenn Steps s'est abonnée. C'était une fille pas très nette, à en juger sa page... Mais après tout, on ne jugeait pas sur les apparences, je venais de le comprendre... Je me sentais pathétique, inférieure, je n'avais sûrement pas ma place sur Terre... J'ai ajouté Jenn Steps en retour, et elle m'a envoyé un poste privé :

[ Salut ! ]

Je n'ai pas répondu.

Au fait, je m'appelle Emilia, Emilia Colič. C'est serbe. Je suis plutôt grande pour une sixième, avec des cheveux mi longs, ongulés, brun foncé et des yeux presque noirs. Enfin, aucun intérêt...
Il était une heure du matin quand j'ai lâché le téléphone.