Joséphine Montilyet, l'ambassadrice de la puissante Inquisition, était comme à son habitude plongée dans la lecture des lettres qu'elle réceptionnait. Depuis la victoire sur Corypheus, un mois plus tôt, l'Inquisition recevait des dizaines et des dizaines de missives de félicitations, de questionnements, de demandes de faveurs... Bien entendu, Joséphine se faisait un devoir de répondre à chaque courrier, ou presque. Cela demandait énormément de temps, or l'ambassadrice en manquait : il y avait aussi les correspondances avec la Chantrie - primordiales - pour l'ascension de la nouvelle Divine incessamment sous peu. Il y avait d'autres tâches à accomplir, et toute cette charge de travail était considérable pour l'Antivane et ses délégués. L'inquisitrice veillait à ce qu'elle prenne le temps de dormir, sans cela Joséphine passerait ses nuits le nez dans les parchemins. Même si cette dernière répétait qu'elle avait besoin de peu de sommeil pour être en pleine forme.
« Bonjour, ambassadrice ! »
Joséphine sursauta violemment, renversant son encrier sur le billet qu'elle lisait. Elle s'empressa de redresser le contenant et épongea tant bien que mal le liquide noir, mais le mal était fait : les mots étaient illisibles. Elle releva la tête vers la personne qui venait de la saluer avec enthousiasme et découvrit qu'il s'agissait de Sera, la voleuse un peu perchée recrutée par Aelia. Cette dernière arborait un grand sourire, ce qui inquiéta la diplomate.
« Il paraît que vous passez vos journées entières à lire et écrire. Et on dirait bien que c'est vrai. Quelle tristesse... Vous devriez vous aérer l'esprit un peu, sinon vous allez finir comme cette pile de parchemins : ennuyeuse. » Avertit Sera en s'approchant de son interlocutrice.
« Pour vous c'est ennuyeux, mais pas pour moi. Merci pour votre attention Sera, mais je vais bien, et j'ai du travail. » Rétorqua-t-elle en reportant son attention sur son courrier.
L'amie de Jenny la Rousse posa ses mains sur le bureau, interrompant l'ambassadrice.
« Vous serez plus efficace si vous prenez une pause. Allez, juste une petite ! Il y a quelque chose qui va vous plaire. » Encouragea Sera.
Joséphine soupira. Elle se doutait bien qu'elle n'arriverait pas à se débarrasser de la jeune femme, aussi finit-elle par consentir à la suivre. Sera l'entraîna aussitôt dans la cour de Fort Céleste. Joséphine admit, en son for intérieur, que la brise fraîche qui caressa son visage lui fit du bien. Le soleil l'aveugla quelques instants avant qu'elle ne s'habitue à la luminosité diurne. Le palais regorgeait de vie et d'activité ; les soldats s'entraînaient dans l'arène, les serviteurs allaient et venaient en vaquant à leurs occupations, des marchands commerçaient avec des clients, les ouvriers s'adonnaient à leurs activités... Une certaine effervescence régnait dans la cour. Sera se mit à pouffer de rire, sans que Joséphine n'en comprenne la raison. Elle l'attira vers les écuries du château, devant laquelle se massait une petite foule.
« Alors, comment je vais faire, moi, maintenant ?! » Hurlait une femme d'une voix stridente.
Sera joua des coudes pour se frayer un chemin parmi les badauds. Joséphine aperçut enfin ce qui absorbait tout le monde : Dennet, le maître palefrenier, était aux prises avec une Orlésienne vêtue d'un curieux accoutrement. Elle portait une longue robe bleue nuit à volants dorés et des chaussures ornées de dorures et d'un énorme ruban de velours marine, mais ce qui la distinguait, c'était son couvre-chef. Joséphine resta interdite devant l'oeuvre. Elle avait l'impression que la dame portait une corbeille de fruits sur la tête ; des grappes de raisins, des pommes, des fraises, des bananes... Mais une corbeille de fruits à moitié dévorée, semblait-il. Dennet essayait de calmer le jeu, en vain.
« Mais enfin, comprenez-les. Vous vous pavanez dans la cour avec votre machin sur la tête, évidemment que mes chevaux ont envie de les manger ! »
L'Orlésienne le foudroya du regard.
« Mon machin ? Comment osez-vous, misérable ? Savez-vous combien de temps cela a exigé à mon chapelier pour me confectionner ce couvre-chef ? Bien sûr que non, vous passez vos journées les mains dans les déjections de vos bêtes ! » Cracha-t-elle de sa voix nasillarde.
Sera, qui gloussait depuis le début de la scène, jeta un coup d'œil à Joséphine. Cette dernière demeurait immobile, le teint blême. Elle ressemblait à une statue. Ce qui fit rire encore plus la jeune farceuse.
« Je ne vous permets pas, garce ! Ces chevaux sont bien plus majestueux que vous ne le serez jamais. Je vais en toucher deux mots à l'inquisitrice, vous allez voir... » Siffla-t-il.
« Excellente idée, elle sera certainement furieuse de votre incapacité à tenir ces sales bêtes ! »
Joséphine sembla reprendre vie. Un incident diplomatique ! Elle devait à tout prix éviter un incident diplomatique. Il en allait de son honneur d'ambassadrice, il en allait de la réputation de l'Inquisition, il en allait aussi de la dignité de Fort Céleste... Son cœur se mit à palpiter furieusement à l'idée de voir tout son travail de diplomate ruiné par une histoire de chapeau et de chevaux. Elle respira un grand coup et, sous l'œil attentif de Sera, elle se dirigea d'un pas décidé entre les deux protagonistes qui se querellaient.
« Il suffit ! Dennet, surveillez mieux vos chevaux, qu'ils n'importunent pas nos visiteurs. Quant à vous, dame Le Royan, l'Inquisition ne vous permet nullement de manquer de respect à l'un de nos membres. S'il y a un problème, vous devez en référer à un agent en charge de la surveillance de Fort Céleste. L'Inquisitrice Trevelyan est très occupée, d'autant plus qu'elle est rentrée tout juste ce matin, il n'est donc pas possible de la déranger sauf en cas d'urgence. » Dit-elle avec fermeté.
Dennet grommela quelque chose d'inaudible dans sa moustache et alla continuer ses tâches comme si de rien n'était. La noble Orlésienne fixa Joséphine avec colère, mais cette dernière soutint son regard sans faillir. Dame Le Royan finit par baisser les yeux, d'un air penaud.
« Il est vrai que je n'aurais pas dû m'emporter de la sorte, ce n'était pas digne de mon rang. Loin de moi l'idée de vouloir manquer de respect à la Sainte Inquisition. Excusez-moi... » Souffla-t-elle du bout des lèvres avant de se diriger vers le hall du château.
L'ambassadrice chercha ensuite Sera des yeux alors que la foule se dispersait. Si elle n'avait pas été là, elle n'aurait pas pu intervenir pour résoudre ce conflit, trop absorbée qu'elle était dans ses lettres. Cela dit, quand elle vit Sera à genoux en train de pleurer de rire, son élan de gratitude se refroidit aussi vite qu'il était apparu.
En rentrant dans son office, Joséphine poussa un long soupir en constatant qu'un nouveau parchemin roulé trônait sur son bureau, posé bien en évidence. Une nouvelle lettre à laquelle il lui faudra répondre, fort probablement. L'ambassadrice s'installa dans son fauteuil et déroula la missive pour la lire :
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Dragon Age Inquisition : Damnés de corps et d'âme
FanfictionQuelques semaines après la victoire sur Corypheus, l'Inquisition continue d'œuvrer pour rétablir l'ordre. Mais, dans l'ombre, une nouvelle menace s'enracine au sein même de Fort Céleste, et frappe au cœur l'Inquisition. La Messagère d'Andrasté et s...