Le monsieur du banc

Balade le long des chemins

Un pied devant l'autre si tu peux encore, me dit-je à moi même en marchant pour aller je ne sais ou. Les rues défilent et mes pensées s'entremêlent entre les voitures. Je m'y perds. Avances, de toute façon, tu n'as rien d'autre à faire. J'ai l'impression d'être seul mais les gens débordent presque du trottoir. Soudain, au tournant d'une rue, je redécouvre le parc dans lequel je jouais plus petit. Les branches des vieux arbres ploient sous le poids des feuilles gorgés d'eau. En entrant dans le parc, j'ai un flash.

Un petit garçon blond entre en courant dans le parc. Il laisse derrière lui une dame souriante habillée de noir. Le gosse slalome entre les nombreux passants. La dame-surement sa mère- le suit en riant. Il arrive devant une aire de jeux toute en couleurs. Du bleu, du rouge et du vert jaillissent dans sa vision. Sa mère le rejoint et lui fait signe d'y aller. Le petit y va, il grimpe sur le toit de la maisonnette en plastique. Une fois en haut, il lève les deux mains et il se met à rire. Puis, d'un coup, on ne sait pas pourquoi, ses jambes se mettent a trembler et il glisse. Avant de tomber, il aperçois le visage décomposé de sa mère. A peine une seconde plus tard, son crâne se fracasse contre le sol grisâtre. Il ne contrôle plus rien, autour de lui tout le monde s'agite. Soudain, il se sent fatigué, très fatigué, alors il ferme les yeux. Avant de s'endormir, il chuchotes:

-Même pas mal...

Ce gamin c'est moi. Je touche la cicatrice derrière ma tête en soupirant. Te voilà dans le parc, tes chaussures noyées dans la boue, et maintenant ? Les chemins du parc sont vides, je commences a me dire que je n'aurais pas du entrer. Je vais me rappeler des choses désagréables et je vais finir par chialer tout seul sur un banc comme un con. Au détour d'un sentier, je reconnais l'aire de jeux de mon enfance. C'était mon préféré. Il était beau et semblait me sourire. Maintenant, il est gris et fait la grimace. Pourquoi les choses changent ? La pluie vient s'écraser contre ma casquette et ruisselle devant mes yeux. J'adore la pluie. Surtout quand elle chasse les autres des rues et des parcs. Quand il pleut, je peux me retrouver seul avec mes pensées. Et elles sont nombreuses. Je remonte mon col pour avoir plus chaud. Je ne tiens pas a tomber malade, j'ai des obligations à présent. Un flash.

Un adolescent à l'air idiot marche en titubant dans une forêt. Non, dans un parc. Seulement, au lieu de suivre les chemins, il se fraye un passage à travers les arbres et les énormes buissons verdoyants. Il fait nuit noire. Un lampadaire, un seul, l'éclaire. Ses yeux reflètent sa fausse joie avec hypocrisie. Il porte des vêtements trop grand pour lui et des baskets trouées. Dans sa main encore petite, une bouteille. Vide. Brusquement, il s'arrête et s'assoit par terre. La bouteille heurte le sol avec fracas. Le gars rigole bêtement. Il est fier d'être trop jeune pour boire et d'avoir bu. 

C'est moi, cet ancien gosse et ce futur adulte, perdu entre deux mondes. Je parcours les chemins étroits. Le parc est vraiment plus grand qu'il n'y parait. Je ne sais plus ou je suis, ou est la sortie, ou est l'entrée, je ne sais plus du tout. Bravo, mon gars, tu as un dîner avec tes clients dans une demi-heure et tu traînes dans un parc désert ! J'écarte mes pensées d'un battements de cils. Ce petit mouvement ridicule chasse la masse de mes ennuis, ça marche toujours. Autour des chemins de terre, des buissons presque nus sont alignés de façon géométrique. C'est moche. Je m'avance entre les arbrisseaux. La végétation luxuriante de mes souvenirs a disparue. Lève bien haut tes pieds, sinon, adieu les pompes à trois-cents balles. Mes pieds se cognent contre un objet verdâtre recouvert de mousse, je baisse la tête et je découvre une bouteille en verre. Les gens sont vraiment sales...