Pendant deux ans, difficile d'accuser les jours sombres de la basse saison pour le coup, j'ai eu des idées d'histoires, des rêves à partager et des déceptions à exprimer. Je parvenais à rendre vivant mes personnages, je visualisais des scènes dans ma tête, mais nuls mots ne parvenaient à leur rendre justice.
Dans les moments les plus moroses, je me disais que peut-être que je ne suis pas faite pour jouer avec les mots et que je ne serais pas une grande perte dans le monde des apprentis écrivains.
Je me sentais mal, j'avais le cœur et l'âme en piteux états - mais cela n'était pas nouveau. J'avais tout donné par amour, je me suis retrouvée vide et oppressée par un chagrin qui occultait tout le reste. Comment était-je censée raconter l'histoire de cette adolescence vivant un été de rêve alors que le mien était aussi obscur que les jours d'hiver en Laponie ? Et comment lui faire vivre tout un tas de choses que je n'avais jamais vécues ?
"Un écrivain est la somme de ces expériences. Va en vivre."
Il y a approximativement deux ans de cela, je narrais cette histoire d'un homme perdu sans l'amour de sa muse. Je suis cet homme. Pourquoi n'existe-t-il pas de masculin pour le mot muse ? C'est à croire que les hommes ne peuvent pas inspirer, se réduiraient-ils qu'à une source de souffrance ? Je ne compte plus les cris d'amour éparpillés sur des feuilles.
J'ai perdu mon musée,
les collections de tableaux envolées.
A cette période, je sentais que ma source d'inspiration se faufilait et tout comme cet homme j'en ai perdu mes mots. Ils sont revenus, un temps, de même que ma muse. Seulement mes mots n'avaient guère pu servir une autre cause que celle de mon cœur meurtri. Alors que les premiers beaux jours apparaissaient, j'avais replongé tête la première dans l'obscurité de mes souvenirs afin de revivre ces merveilleux instants qui me faisaient vibrer ; cette danse, ces fou rires, ces jours heureux.
Je savais que me remémorer ainsi le passé ne pouvait pas avoir d'autre effet que celui de remuer le couteau dans la plaie. Je savais que je devais "passer à autre chose" comme disent les sites internet. Tourner la page serait revenu à admettre que cette personne si fortement aimée faisait désormais partie de mon passé et à l'époque je ne pouvais pas m'y résoudre.
J'ai longuement feint être guérie du venin qu'est l'amour,
je disais ne plus t'aimer car c'était d'un autre toi que j'étais éprise.
J'avais tort, je n'étais pas guérie. Tout comme j'ai eu tort de m'accrocher à toi car au final c'est ce que j'ai fais, je me suis agrafée.
De nombreuses fois, j'ai tenté de mettre en mots notre histoire. J'avais mis le cœur à l'ouvrage et pourtant les mots sonnaient faux. Je voulais t'écrire pour garder une trace de ton passage dans ma vie, je voulais pouvoir te revivre en lisant. Je n'ai pas réussis, même sur papier tu m'échappais.
« When you love someone but it goes to waste.
When you're too in love to let it go. »
Depuis l'enfance, nous sommes bercés par l'illusion de l'amour. On nous présente des idéaux à atteindre, des princes à rechercher. D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours cru à l'amour et accordé une place importante à ce sentiment. Certains diront que l'absence d'une figure paternelle m'a poussée à combler le vide que je ressentais - navrée messieurs, mais je n'ai pas eu besoin d'un père pour grandir. Je me disais que le but de ma vie était de trouver la moitié qui me compléterais, et ce par la faute de Blanche Neige et de Cendrillon. Du moins, je le croyais jusqu'à très récemment.
Pendant ces deux années, je me suis littéralement perdue dans l'amour. Je n'avais qu'un but : l'amour. Mais c'est quoi l'amour ? C'est ce que nous a demandé un de mes professeurs lors de ma première année universitaire.
« - C'est quoi l'amour ? Comment on sait qu'une personne nous aime ? Je vous écoute, dites-le moi ! Comment savez-vous que vos parents, votre petit(e) ami(e) vous aime(nt) ?
- Par les preuves.
- Les preuves... mais quelles preuves ?! Parce qu'il vous offre des fleurs tous les jours il vous aime ? Vous savez, j'ai connu quelqu'un c'était un bon père de famille - il donnait constamment des preuves comme vous dite ; il s'occupait correctement de ses enfants, les emmenaient à l'école, jouait avec eux, leur faisait des cadeaux. Les preuves étaient là et pourtant un beau jour, il a pris ses affaires et il n'est jamais revenu. Je vous le dis, les preuves ne veulent rien dire car sinon pourquoi serait-il parti ? Si ces preuves voulaient dire qu'il aimait ses enfants, comment a-t-il pu partir du jour au lendemain ? Comment peut-on aimer lundi et puis mardi ne plus aimer ? Non, les preuves ne prouvent en aucun cas l'amour que les gens vous porte. Alors comment savons-nous qu'on nous aime ? Comment ?
- On nous le dis.
- On vous le dis ? Vos parents vous disent qu'ils vous aiment ? Non ! et moi non plus ! mais j'espère que mes enfants savent que je les aime ! Parce qu'il va vous dire "je t'aime" à longueur de temps, cela veut dire qu'il vous aime mademoiselle ? Un conseil, méfiez-vous de ces gars là ! quand ils le disent trop souvent, ça cache anguille sous roche ! Donc je me répète comment on le sait ? Pourquoi le soir vous vous endormez en souriant et des papillons dans le ventre ? Qu'est-ce qui vous rend dans cet état ? Qu'est-ce qui vous fait vous dire que vous êtes aimés ?
- On le sent.
- On le sent... oui, en effet, on le sent. C'est notre subjectivité qui nous le dit ! Les preuves, encore une fois, ne veulent rien dire car ce qui peut être perçu par une personne comme une preuve peut être vu différemment par une autre. C'est nous, c'est en nous qu'on le sait. On sait qu'on nous aime parce qu'au fond de nous on le sent ! On le sait même s'il n'y a pas forcément de preuves, même si on ne nous le dit pas, on le sait et c'est tout. C'est bien pour cela qu'il vous arrive d'être perdu, vous sentez que la personne vous aime, mais elle ne le montre pas - dans ces cas-là, vus vous demandez si vous fantasmez ou bien si votre ressentit est réel. »
C'était ma subjectivité le problème de cette histoire. J'avais l'intime conviction, que même si tu ne le montrais pas, que même si tu ne le disais, les sentiments étaient enfouis au fond de ton cœur - alors combien même on me disait de prendre mes distances, je restais à tes côtés et tu demeurais l'étoile de ma vie.
![](https://img.wattpad.com/cover/131989613-288-k727602.jpg)
VOUS LISEZ
ô heart
Short Storyparce que l'amour n'est parfois qu'un symptôme parce qu'il faut prendre soin de vous