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art. 4 de la loi du meurtre : les cibles sont choisies totalement aléatoirement. Chaque individu peut-être ciblé à partir de son dix-huitième anniversaire.

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14 jours avant la fin du délai.

L'enterrement de Rémus est aujourd'hui. Il me rappelle celui de ma mère : tout le monde est triste, tout le monde s'accorde que le défunt était un être fabuleux, mais personne ne parle de comment il est mort. Alexander, Cléolys et Persée sont là. Mon père et mon frère aussi. Ca fait longtemps que je n'avais pas vu Hugo. Il a l'air préoccupé et regarde les gens d'un drôle d'air. Si je ne le connaissais pas aussi bien, je dirais qu'il est inquiet.

Il me reste deux semaines pour tuer mon frère. J'ai espéré pendant un moment que j'aurais droit à une nouvelle année pour exécuter ma seconde mission, mais non. J'ai appris que lorsque la cible initiale meure sans que la personne convoquée n'ait rien fait, on lui désigne une nouvelle cible qu'elle devra tuer avec le temps qu'il lui reste. Mais comment ont-il pu savoir qu'il s'était suicidé ? Comment ? Je n'ai pas la réponse. Et c'est le cadet de mes soucis, parce que j'ai mon frère à tuer avant la fin du mois. Et pourquoi mon frère ? Pourquoi pas quelqu'un d'autre ? Il y a des millions de gens sur Terre et c'est tombé sur lui. Je commence à douter que ce soit vraiment le fruit du hasard, bien que je ne voie pas pourquoi c'est si important que je tue mon frère.

Ce que je vais faire, je ne l'ai pas encore décidé. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si le vieil homme ne m'avait pas pris le piqueur. Je l'aurais tué ? Ou est-ce que j'en aurais été incapable ? Et que ce soit mon frère n'arrange pas les choses. Si j'étais à sa place et lui à la mienne, est-ce qu'il me tuerais ?

Le soir, après l'enterrement, je vais au bar où je retrouve Persée, Cléolys et Alexander. L'ambiance est plutôt morose. Difficile de faire la fête juste après avoir vu un cercueil avec un ami dedans. Persée est triste, mais fixe un point d'honneur à ne jamais perdre son sourire. Cléolys ne laisse pas transparaître ses émotions, comme à son habitude. Alexander lui, boit. Beaucoup.

Après avoir porter un toast en souvenir de Rémus, les filles partent. Moi et Alexander restons. Je n'ai pas très envie de rentrer chez moi et lui non plus je pense. Il continue à enchaîner verre après verre. Je n'ai pas le cœur de lui dire d'arrêter.

Et puis il se met à pleurer.

- Ca va ? je dis.

- C'est moi qui... Il arrête sa phrase.

- Qui quoi ?

- Putain... C'est... C'est Rémus.

- Comment ça Rémus ?

Il ne répond pas et continue à pleurer.

- Comment ça Rémus ? j'insiste.

- Je...

- Qu'est-ce qui c'est passé avec Rémus ?

- C'est moi qui... l'ais tué.

C'est comme si je recevais une décharge de 10 000 volts. Je reste sans voix.

- J'avais pas le choix, il était ma cible... Putain, je m'en veux tellement... tente de s'excuser Alexander.

J'ai envie de le frapper, de le tuer même. Mais ça ne sert à rien. Ce n'est pas lui le responsable. C'est tout le monde. Tout le monde. Et je refuse d'être comme tout le monde. C'est décidé, je ne tuerais pas mon frère.

Je quitte le bar en laissant Alexander seul avec ses remords. Je marche quelques minutes sans penser à rien comme un automate, puis j'arrive chez moi. J'ouvre la porte. Mon frère est là, sur un fauteuil.

- J'ai trouvé la lettre, dit-il sans autre forme de préambule. Depuis quelque temps, enchaîne-t-il, je fais partie d'un réseau révolutionnaire. Nous sommes contre ce monde. Contre la loi du meurtre. Contre ce gouvernement corrompu qui est prêt à tout pour garder le pouvoir. Car tu sais, quand tout le monde est trop occuper à s'entretuer et à se demander si son voisin ne compte pas l'assassiner, les gens n'ont pas le temps de réfléchir. De se demander s'il n'y a pas d'autres moyens que de massacrer n'importe qui pour protéger le monde. De se dire que le gouvernement est en fait une dictature. Que tout le monde est observé et contrôlé. Que la liberté n'est plus qu'un mirage. Que le monde doit changer.

Notre père rentre à ce moment.

- Que se passe-t-il ici ? demande-t-il.

- Tu le savais, toi, papa, dit Hugo, tu le savais que ton fils devait tuer ton autre fils. Tu dois bien le savoir, non ? C'est ton boulot au ministère, hein ?

- C'est la loi. Je ne peux rien y faire.

- La loi ! La loi ! Laisse-moi rire. On m'avait prévenu qu'il y avait de fortes chances que « par hasard » quelqu'un ou même plusieurs personnes reçoivent l'ordre de me tuer. Je m'étais préparé à ça. Mais Ergo ! Bien joué, papa, bien joué. Tu auras ce que vous voulez. Je vais mourir. Mais la révolte gronde. Votre monde va disparaître pour laisser place à un meilleur. Vous ne pourrez pas l'empêcher. Ce n'est qu'une question de temps.

Mon frère sort le piqueur de sa poche et me le tends.

- Prends le et tire.

Je prends l'arme. Je vise la poitrine de mon frère.

- Tu dois le faire. C'est la loi, me dit mon père.

- Pour une fois on est d'accord, dit mon frère, il faut que tu vives. Tu verras la fin de la loi du meurtre. Tu n'auras plus jamais à tuer quelqu'un d'autre. Je suis condamné de toute façon ; Si ce n'est pas toi ce sera un autre qui me tuera. Et je veux que tu vives.

Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que je ne suis pas un tueur. Je le sais maintenant. J'appuie sur la gâchette, mais en me visant moi.

FIN

la loi du meurtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant