On dit que le cœur à ses raisons que la raison ignore. Je vis une de ces histoires qui, au premier abord, paraît si dénuée de sens. C'est peut-être ce qu'elle est, objectivement. Mais elle a au moins donné un sens à ma vie...
Avant de vous la raconter, je dois vous parler un peu de moi. Je suis née il y a de ça 20 ans et j'ai grandi dans un petit village de campagne. Depuis ma plus tendre enfance, je suis entourée d'une famille aimante et bienveillante. On dit souvent que l'on ne choisit pas sa famille mais si j'avais eu à choisir, j'aurai voulu exactement la même. J'ai toujours été douée à l'école, en fait mes parents veillaient surtout à ce que je le sois. Je n'avais pas énormément d'amis mais j'étais sûre de pouvoir compter sur ceux que j'avais et ça me suffisait amplement. Si tout se passait bien dans ma petite vie jusque là, ce ne fût plus le cas pour très longtemps.
J'ai déménagé l'été avant mon entrée en sixième. J'aurai pu être ravie d'avoir la chance de repartir à zéro seulement voilà, je n'en avais pas la moindre envie. Allez expliquer à une enfant de 10 ans que tout ce qu'elle a construit avant allait partir en fumée... Ce fût un énorme coup dur, à l'époque. La rentrée scolaire arriva et j'avais l'intime conviction que j'allais vivre des moments difficiles. Mon instinct ne me trompait pas. Ce premier jour avait été l'un des plus difficiles de toute ma vie. Je n'avais adressé la parole à personne et j'avais passé la journée à pleurer. C'est d'ailleurs ce que j'avais continué à faire les jours suivants. Mais il faut dire que je n'y mettais pas non plus du mien pour m'intégrer. Je n'ai jamais été très douée pour ces choses là. Les relations sociales m'ont toujours parues compliquées. Voir tous mes camarades s'entendre si bien me rappelait à quel point ma vie d'avant me manquait tout en sachant que je ne pouvais rien faire contre ça. Chaque soir, lorsque je m'endormais, j'espérais me réveiller le lendemain en me rendant compte que tout ça n'était qu'un mauvais rêve. Parfois, j'espérais même ne pas me réveiller du tout.
J'ai été « la nouvelle » pendant encore quelques semaines puis j'ai fini par me faire une amie. Elle avait l'air de se sentir aussi seule que moi et pourtant, elle connaissait tout le monde. Nous avons eu une belle histoire d'amitié qui se termina lorsque cette fille, que nous appellerons Océane, rejoignit le groupe de personnes qui faisaient de ma vie un enfer. Comme beaucoup de jeunes, je me faisais harceler sans aucune raison particulière, par des gens à qui je n'avais même jamais parlé. Ils avaient simplement décidé de jeter leur dévolu sur moi et j'ai passé mes années collège à me faire insulter, bousculer, à subir des moqueries ou des remarques incessantes. J'avais la chance d'avoir une bande d'amis et un petit copain qui m'ont permis de traverser tout ça sans trop de dommages mais ça n'a pas toujours été facile. Je suis tombée dans la mutilation et j'ai fait plusieurs phases de légère dépression qui, si elles ne m'ont laissé aucune trace physique, m'ont laissé une capacité encore plus faible à appréhender les relations sociales. Je ne dis pas qu'aujourd'hui, j'ai pardonné à ces personnes ce qu'elles m'ont fait vivre mais c'est un épisode que je préfère laisser appartenir au passé car je me dis qu'un jour peut-être, j'ai été le bourreau de quelqu'un sans forcément le vouloir. L'adolescence peut inévitablement rendre idiot.
J'ai eu mon examen de fin de collège avec mention très bien. Je faisais la fierté de mon entourage en continuant à prouver que j'étais capable de quelque chose. Puis une fois encore, j'ai dû dire au revoir à la plupart des gens qui partageaient ma vie. Mes camarades et moi prenions des chemins différents et je ne pouvais leur en vouloir. C'était ce que faisait la vie ; elle mettait des gens sur la route d'autres pour en partager un bout mais à la fin, les routes se séparaient toujours. Au fond de moi, je n'étais pas prête à subir à nouveau ce que j'avais vécu quelques années auparavant même si cette fois, j'avais une amie pour m'accompagner. Pendant l'été, j'avais teint mes cheveux en roux, plus pour marquer un autre commencement que par plaisir de changer de tête. Parce qu'à vrai dire, ça ne m'allait pas du tout. Enfin, c'est ce que je me dis aujourd'hui lorsqu'il m'arrive de retomber sur de vieilles photos.
J'ai mis beaucoup de temps à m'adapter durant mes premières semaines de cours de seconde. Je ne savais pas bien ce que je voulais faire de ma vie, j'avais perdu toute ambition, toute envie de devenir quelqu'un. Je ne cherchais pas non plus à m'intégrer car j'avais peur de remplacer à nouveau mes anciens amis si je m'en faisais de nouveaux. Demandez à ce garçon, qui est aujourd'hui un de mes meilleurs amis, comment je l'ai accueilli lorsqu'il a voulu sympathiser avec moi. Il s'en souvient très bien et parfois, on en rigole encore. Il m'arrive de m'en vouloir de ne pas avoir été très tendre, mais j'avais une réelle excuse: la perte m'effrayait grandement. C'est pourquoi je me concentrais à renforcer ce côté volatile et sans attache qui me caractérise beaucoup aujourd'hui. Mon premier réconfort a été de tomber sur un enseignant qui avait l'air de croire en moi malgré le fait qu'il ne me connaissait pas du tout. Et c'est ici que commence vraiment cette histoire...
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N'espère rien, commence à vivre maintenant
RomansOn dit que le cœur à ses raisons que la raison ignore. Je vis une de ces histoires qui, au premier abord, paraît si dénouée de sens. C'est peut-être ce qu'elle est, objectivement. Mais elle a au moins donné un sens à ma vie...