Le jour où tout a basculé

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Le jour de mes dix-sept ans. C'est là que tout a commencé.

Si j'avais su alors jusqu'où tout ça irait, jamais je ne me serais laissée embarquer dans les délires de Thibault.

Thibault, c'était mon meilleur ami depuis que nous étions en âge de savoir parler. Il avait emménagé depuis peu dans son propre appartement et avait décidé dans la foulée de m'organiser une fête surprise pour mon anniversaire...

Les fêtes de ce genre ça n'a jamais été trop mon truc. Mais Thibault tenait particulièrement à celle-ci. Il savait que j'avais besoin de me changer les idées.

Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Ce début d'année de terminale s'annonçait particulièrement intense. Mais ce n'était pas la raison de mon mal-être.

Pour tout dire, je venais de me faire lamentablement larguer par mon petit ami, Ludo. Il avait été mon grand amour, celui dont on pense qu'il durera pour toujours... Apparemment, il n'en pensait pas autant.

Outre la douleur de la rupture elle-même, c'était surtout la forme qu'il lui avait donnée qui m'avait complètement brisée...

Après des mois de passion, après que je me sois offerte à lui comme je ne l'avais jamais fait pour aucun autre, il n'avait même pas eu le courage de m'annoncer ses intentions face à face... Il avait préféré la méthode puérile du texto.

Et encore, si seulement ça s'était arrêté là ! Un pauvre texto froid et sans âme, j'aurais pu m'en remettre et lui pardonner. Difficilement, mais j'aurais pu. Mais il ne s'est pas contenté de si peu de lâcheté, non. Il a poussé le vice jusqu'à faire envoyer ce texto par l'un de ses amis, Jordan.

Je n'ai jamais compris ce qui avait pu se passer, ce que j'avais bien pu faire pour qu'il me traite de cette façon.

Du jour où il a pris cette décision, il n'a plus jamais voulu me voir. Je me suis retrouvée seule, sans comprendre pourquoi, du jour au lendemain.

Je savais que Thibault culpabilisait de ce que je vivais, puisqu'il était celui qui nous avait présentés. C'était, clairement, ce qui l'avait motivé à organiser cette soirée, alors qu'il n'avait même pas fini de s'installer dans son nouvel appartement. Quand on connaissait un minimum Thibault et son côté geek associable exacerbé, on ne pouvait qu'imaginer à quelle point une soirée comme celle-ci devait lui coûter.

Alors malgré mon désir de rester prostrée au fond de mon lit la journée entière, j'ai pris sur moi et me suis finalement rendu au domicile de mon ami en cette fin de journée automnale.

Si j'avais été heureuse qu'il emménage quelques mètres à peine du lycée, je l'avais nettement moins été en réalisant que plus de trois quarts d'heure de bus nous séparait désormais. Depuis notre plus tendre enfance, nous avions toujours vécu à tout juste un pâté de maison l'un de l'autre. Mon quotidien semblait bien vide sans ses visites quotidienne...

Quelque part, cette petite fête aurait au moins l'avantage de me permettre de passer du temps avec lui.

Arrivée devant la porte de son appartement, en retard comme à mon habitude, je frappais trois légers coups en tentant de ravaler mon appréhension à l'idée de me retrouver au centre de toutes les attentions.

—C'est ouvert, me répondit la voix de mon ami depuis l'intérieur.

J'inspirais profondément et entrais.

—SURPRISE, me crièrent en cœur la foule de visages souriants.

Je leur souris en retour, un peu gênée, sentant le rouge me monter aux joues.

—Euh... Vous savez que j'étais au courant de votre présence, pas vrai... ?

—Ouais, s'exclama Thibault, mais ça donne un effet coup de théâtre, c'est classe !

Je pouffais de rire avant d'aller embrasser chacun de mes amis.

Nous n'étions qu'une petite dizaine, et déjà bien à l'étroit dans le petit deux pièces de Thibault.

Je grimaçais légèrement en remarquant la présence de Virginie. Mon Dieu, pourquoi Thibault avait-il cru bon de l'inviter ? Il savait pertinemment que nos relations étaient tendues.

Évidemment, j'étais parfaitement au fait des sentiments qu'il éprouvait pour elle ce qui expliquait sa volonté farouche de vouloir à tout prix nous réconcilier... Mais je ne supportais plus son comportement envers moi.

Depuis des mois, elle agissait comme si nous étions dans une sorte de compétition malsaine. Elle imitait chacune de mes activités en tentant de me surpasser, n'hésitant pas à me rabaisser pour y parvenir. J'avais remarqué que cette soudaine compétitivité coïncidait avec le début de ma relation avec Ludo. Et toute cette situation m'agaçait particulièrement.

Je ne savais pas ce qu'elle cherchait à se prouver, mais je n'avais aucune envie qu'elle passe par moi pour tenter de se trouver.

Quoi qu'il en soit, je n'avais pas l'intention de lui laisser le beau rôle en pourrissant la soirée organisée par mes amis avec ma mauvaise humeur.

Je scotchais un sourire factice sur mon visage et l'embrassait comme les autres sous le regard soulagé de Thibault.

C'est à cet instant que je l'ai remarqué. Debout, derrière le groupe de mes amis les plus proches, cet inconnu au regard pénétrant qui ne me quittait pas des yeux.

J'avalais ma salive avec difficulté en affrontant ce regard étranger qui me semblait pourtant si familier, comme paralysée par une force inexplicable.

Il dénotait complètement dans cette pièce remplie d'adolescents aux préoccupations juvéniles et insignifiantes.

Il n'avait rien en commun avec les garçons qui composaient ma bande d'amis. Grand, brun, une carrure athlétique, une barbe naissante recouvrant sa mâchoire carrée, je lui donnais au moins une bonne trentaine d'année.

Alors que ses iris d'un vert profond ne cessaient de me sonder je cru apercevoir un fin sourire étirer ses lèvres.

Bon sang, mais qui était ce type ? Et qu'est-ce qu'il foutait là ?

Le sang oubliéWhere stories live. Discover now