Chapitre 1

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L'aube se levais sur la petite ville de Painfield, et je restais planté devant la fenêtre de ma chambre, les yeux trempés de larmes. Je regardais le soleil commencer son ascension, derrière les montagnes couvertes de pins, projetant des raies lumineuses dans toutes les directions. Ce paysage, malgré le fait que je vivais ici depuis maintenant dix-sept ans, m'émerveillais toujours. Mes yeux étaient hypnotisés par le spectacle. Cela pouvait durer des heures. Enfin, après ce qui me parut une éternité, je me détachais de cette magnifique vue, et je jetais un regard furtif vers mon réveil sur la table de chevet. Cinq heure quarante-cinq. C'était tôt mais j'y étais habituée, je faisais souvent des cauchemars, et ces cauchemars provoquaient, chez moi, des insomnies. Ils étaient d'une violence rare, ce qui me tirais du sommeil la plupart du temps soit avec des cris, soit avec des larmes, et parfois même les deux. Alors y repenser me semblais totalement absurde, je séchais donc mes larmes. Je me remis dans mon lit, ramena la couverture sur mes jambes et pris un livre dans mon chevet. C'était l'un de mes préférés : « Cœur d'Océan », l'histoire fantastique d'un homme ayant perdu sa fille dans un naufrage, et tentant à tout prix de la retrouvé. Je ne sais pas pourquoi, mais cette œuvre m'apaisait. Quand je la lisais, je m'imaginais le bruit des vagues sur la grève, l'odeur iodé de l'eau salée, le sable fin qui chauffe sous vos pieds, je ressentais le désespoir du personnage principale, ainsi que son désire farouche de retrouver ce qui compte le plus pour lui, sa fille. Cette nuit-là, ou plutôt devrais-je dire ce matin-là, ma lecture fût tellement apaisante que je me rendormie.

Mon réveil sonna au petit matin, vers les sept heures. Je me levais difficilement et m'assis sur mon lit, les yeux lourds de sommeil, épuisé par mes cauchemars et mes songes de la veille. Enfin, après quelques minutes passées à fixer mon parquet, je pris la direction de la salle de bain. Je sortie de ma chambre sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller ma tante et me dirigea jusqu'à la porte au fond du couloir. Une fois dans la pièce, je fermai la porte à clés et ouvrit le robinet d'eau froide. Sans me laisser le temps de la réflexion, je pris de l'eau dans mes mains et m'aspergea la figure pour me réveiller. Je m'épongeai ensuite le visage et repris la direction de ma chambre pour me changer. Comme tous les matins depuis un certain nombre d'année déjà, j'enfilais un jogging et des baskets dans l'idée d'aller faire un footing. Je descendis les escaliers qui menait au rez-de-chaussée toujours en silence et sortie sans faire aucun bruit. En refermant la porte d'entrée, je constatais à quel point il faisait froid dehors. A chaque fois que j'expirais, cela provoquait de petites volutes blanches. On était en plein mois de Novembre, l'un des mois le plus glaciale que j'eus connût. Je pris la direction du bois qui bordais mon lotissement, et établissait les limites de la ville.

Cette forêt était l'une des choses que je préférais dans cette bourgade, et j'aimais y passer beaucoup de temps. A son orée, je mis mes écouteurs, lança la musique, et me mis à courir. Mes pas faisaient crisser les feuilles mortes et les branches à chacune de mes foulées. Mon souffle, ainsi que les battements de mon cœur, s'accélérèrent de plus en plus. J'observais la nature pleine de vie : les oiseaux qui slalomais entre les arbres, les furets qui se battaient dans les buissons, les hiboux qui commençaient leurs nuits. Mes jambes me portèrent vers mon endroit favori : la clairière. Elle n'était qu'à quatre kilomètre de la lisière, là où j'ai commencé de courir. C'était vraiment un lieu magnifique, presque magique même. Je m'y sentais bien, moins triste, comme si elle avait le pouvoir d'apaiser les âmes des gens qui s'y trouvait. Après encore une dizaine de minute, j'arrivais dans le lieu-dit. J'avançais jusqu'au centre et m'allongea sur le dos. Le sol froid me fit frissonner. J'expirais un grand coup, lâchant un nuage de vapeur, et je retirais mes écouteurs. Je fermai les yeux pendant quelques minutes et me concentra sur les bruits alentours, la légère brise matinale, l'odeur des pins. J'inspirais de grandes goulées d'air, et cela me fis du bien. Je me forçais à faire le vide dans mon esprit, à ne penser à rien d'autre qu'à ce qui m'entourais. Je m'étonnais toujours de la familiarité que j'avais avec ces lieux. Cette capacité à courir même dans les terrains plus ardus, le refuge qu'elle créait, ses bruits si communs à mon cœur... Je me relevais enfin au bout d'un petit moment, et jeta un bref coup d'œil à ma montre. Je vis avec horreur que j'étais en retard d'un quart d'heure. J'épousseta rapidement mon jogging et me remis à courir en direction de mon lotissement. En sortant de la clairière, je m'arrêtai net et me retourna lentement, mon œil ayant capter du mouvement dans mon champ périphérique. J'eus crus voir une ombre, mais quoique ce puisse être, ça avait disparu. Alors je me remis en route, me persuadant que c'était mon imagination qui me jouais des tours. Ça m'arrivait parfois, quand je me rendais ici. A force, j'en avais conclu que c'était dû à la fatigue ou à d'autres facteurs concernant mon état psychologique.

En à peine une demie heure, je fus de retour chez moi. J'avais mis le turbo, et étais par conséquent essoufflée. Arrivée devant ma porte d'entrée, je tournais la poignée, et je sentie une délicieuse odeur : Georgia avait fait des pancakes. Je retirai mes chaussures et alla embrasser ma tante, en la remerciant pour cette petite attention. J'avais pour elle un amour profond, presque maternel. C'est elle qui m'a recueilli lorsque mes parents sont morts, d'un accident de voiture. J'avais alors trois ans. Elle m'a élevée comme sa propre fille, et je ne peux lui en être que reconnaissante. Mon père, son frère, était très proche d'elle, et ils avaient beaucoup en commun. D'une certaine façon, pour moi du moins, il vit à travers elle. D'ailleurs, elle lui ressemble beaucoup : même cheveux noirs et frisés, longs (mon père lui les avait court), même yeux sombres, presque noirs, mêmes pommettes saillantes et lèvres pulpeuses. Seule leurs nez différaient. Georgia a un nez en trompette, et mon père avait un nez plutôt aquilin. J'avais vue des photos d'eux, lorsqu'ils étaient enfants, ils étaient quasiment indifférenciables. Après notre longue étreinte, je lui signalais que j'allais prendre une douche consciente d'être moite suite à mon effort, et monta à la salle de bain.

J'enlevais mes vêtements trempés de sueur, et jeta un rapide coup d'œil dans le miroir. Mes longs cheveux blonds étaient tout ébouriffés et collais à ma peau blanchâtre, presque livide. Mes yeux verts, tirants sur le gris, étaient grand et surmonté par de longs cils noirs. Je remarquais à peine les immenses cernes violettes en dessous de ceux-ci, par habitude je pense. J'avais les joues rosies par l'effort, mais en temps normales, elles étaient tout de même légèrement teintées, et je possédais des pommettes pleines, avec une petite fossette sur la joue droite. Mes lèvres fines s'étiraient en un petit sourire espiègle à une pensée : si Georgia ressemblait à mon père, moi en revanche, j'étais la réplique identique de ma mère, en beaucoup moins jolie. Mon nom, Anahera, bien que peu commun, avait d'ailleurs été choisie par celle-ci. Je détachais mon regard de mon reflet et sautais dans la douche. Je fis couler de l'eau brulante sur ma peau et frotta énergiquement avec du savon à la vanille, une senteur que j'affectionnais tout particulièrement. Je prenais plaisir à rester sous le jet d'eau chaude, ce qui déplu fortement à Georgia. Lorsqu'elle s'énerva pour de bon, en menaçant de coupé l'eau chaude, je sortie de la douche avec regrets, ainsi qu'une petite pointe d'amusement. J'aimais beaucoup pousser ma tante dans ses retranchements. Je filais dans ma chambre et pris un sweat, un jeans et une paire de tennis, et m'habillais à la hâte. Je ne comprenais pas les filles qui mettent plus d'une heure à se préparer. Pour moi, le tout était expédié en moins de trente minutes. Je descendis en mode tornade, faisant un boucan qui aurait réveiller un mort, et m'assis en face de ma tante, sur la table de la cuisine.

- Ana Fincher, dois-je te rappeler que l'eau n'est pas gratuite ?

- Désolé tante Jo, j'étais très très sale !

- C'est ça moque toi, en attendant c'est à toi de faire la vaisselle ce matin, et sans négociation mademoiselle.

- Tu dis ça parce que tu es nulle en négociation, dis-je en rigolant

- Exactement oui !

C'est ça que j'aime chez ma tante, elle est un soleil à elle toute seule. C'est mon soleil en tout cas. De plus, elle se démène au travail et veille à ce que je ne manque de rien, malgré son petit salaire d'infirmière. Je me rends compte que ce doit être difficile pour elle de vivre avec moi. D'une part parce que je suis une jeune fille de dix-sept ans extrêmement pénible, mais en plus ça je lui rappelle constamment qu'elle a perdu son frère.

DARKNESSWhere stories live. Discover now