Le 31 des cœurs brisés

3. Le 31 des cœurs recollés

Ce qu'il y a de beau et de génial à la fois, c'est le sourire qu'offre Candice lorsqu'elle est n'est plus aussi triste qu'à 22 heures. Elle a la mine d'un petit chaton dans ces moments-là.

— Je suis contente d'avoir pleuré, débute-t-elle en enlevant les miettes de gaufres de sa veste.

Yun et moi, nous sommes attentifs à tout ce qu'elle dit. En fait, décider de rester avec elle pour la réconforter est en train de porter ses fruits. Candice a un sourire timide mais naturel. Rien des faux sourires qu'on serait tenté de montrer dans le monde réel.

— J'ai pas pleuré pour lui ou moi. Juste pour l'histoire de notre couple. Ça prouve que cette relation est importante pour moi et qu'elle m'a vraiment marquée. En y réfléchissant maintenant, peut-être que rompre est une bonne chose. Ça ne sert à rien de poursuivre et s'accrocher à quelque chose qui rend malheureux. J'aurais quand même préféré qu'il tente de s'accrocher à nous encore un petit bout de temps, pour lui montrer que je pouvais le rendre heureux. Mais c'est son choix, il ne m'aimait plus et je dois le respecter.

Yun applaudit. De mon côté, j'en reste estomaqué. C'est beau ce qu'elle dit.

— Ça fait bizarre d'avoir un cœur brisé. On a l'impression que le monde est devenu moins beau alors que c'est juste notre cœur qui veut nous faire voir l'impact de la déchirure sur ce qui nous entoure, poursuit la brune en regardant le ciel.

Ce soir, il n'y a rien de plus apaisant que l'écouter parler de la vie.

— En général, je ne suis pas sensible à ce qu'il y a autour de moi. Il y a des étoiles mais elles ne touchent pas mon cœur. Il y a des brises légères mais je m'en contrefous. Mais, ce soir, j'ai reçu une tempête et bizarrement, j'ai vraiment envie de voir le monde et ses couleurs.

Yun a posé la bouteille de vodka par terre.

— Wow. Écris sérieusement un bouquin Candice, conseille-t-il en lui souriant de son côté.

J'ai appuyé l'arrière de mon crâne contre la vitre, en espérant entendre une voix douce me bercer à travers mes soucis. Ce soir, tout a l'air plus calme désormais. Il n'y a que trois adolescents qui ont envie de se confier des secrets. Je pose par terre le deuxième flash, serein pour une fois d'ouvrir la bouche et faire entendre le timbre de ma voix.

— Parfois, je me demande si ce à quoi je me cramponne est une bonne chose ou pas. Une tempête. C'est ça l'adolescence, la transition entre l'enfance et le futur. Mais, moi... je ne sais jamais si ce que je vis aujourd'hui est valable dans le futur. Est-ce que ça vaut vraiment le coup de se lancer maintenant en me disant que tout ce que j'ai construit pendant l'enfance s'est évaporé aujourd'hui ? Les trucs éphémères, ça me stresse. Parce que je ne sais pas profiter des choses.

Yun a lancé :

— Donc tu ne sais pas profiter de l'amour ?

J'ai senti mon cœur battre à nouveau. Lentement. Petit à petit. Progressivement. Jusqu'à retrouver le rythme d'un cœur qui bat lorsqu'on entend la voix d'une personne qu'on affectionne tout particulièrement.

— Par moments, de la vie tout court.

J'aurais voulu me réfugier dans les bras de quelqu'un. Peut-être que c'est l'alcool triste qui me donne cet esprit de poète de minuit... mais je me sens étrangement seul et accompagné à la fois. C'est peut-être ça l'adolescence, être seul en étant pas si seul que ça dans un monde trop grand.

— Et toi Yun, qu'est-ce qui te taraude l'esprit ? interroge Candice en repliant ses jambes.

Le brun baisse les yeux et soupire longuement.