Final Memory

1K 112 42
                                    

"Hey, Damien ?"

Je lève les yeux de mon rangement, soudainement démoralisé.
Ce n'est pas la voix de Thomas qui me démoralise.

C'est le fait qu'il parte de chez moi.

Il est dans l'entrée de la chambre, un énorme carton dans les bras. Je me demande comment il fait pour ne pas s'écrouler sous son poids, d'ailleurs.

Je me précipite sur lui pour lui prendre la boite pleine des mains.

"Putain, Thomas ! Ils t'ont dit de pas porter de trucs lourds !"

Il soupire et me laisse soulever le carton.
Ça l'agace peut-être, mais je prends au pied de la lettre tout ce que les médecins ont dit.

Autant au niveau de sa rééducation que de sa mémoire.
Il ne l'a toujours pas retrouvée. J'ai eu beau l'emmener dans des endroits où on avait l'habitude d'aller, mais...

Rien de plus qu'un sourire qui me parait vide de sens apparaît sur ses lèvres à ce moment-là.

Hugo me répète souvent de ne pas perdre espoir.
Mais, franchement, qu'est-ce-que je peux y faire ? Contrairement à Thomas, je suis toujours optimiste, mais...
Là je n'en peux plus.

"Rappelle-moi pourquoi je vivais là, déjà ?"

Il ne s'en rend pas compte, mais chacune de ses questions à l'apparence anodine fissure une nouvelle fois mon cœur déjà bien trop fragilisé.

"T'avais plus d'appart."
"Nan, sans déconner ? Pourquoi je suis pas allé jusqu'à chez mes parents le temps d'en retrouver un ?"

Je profite du fait d'être dos à lui pour me mordre la lèvre, ça me fait mal de lui mentir encore.
Enfin, je ne lui mens pas.
Je ne lui dis juste pas toute la vérité.

"Je sais pas, peut-être parce que t'es un abruti ?"

Il rigole sèchement, peut-être même un peu nerveusement.
Je l'ai vexé.

"Ah ouais ? Bah chuis p't'être un abruti, mais... Moins que toi, peut-être ?"

Cette réplique m'arrache un douloureux sourire, elle me rappelle quand on faisait des lives.
Il se souvient de ça, évidemment. Ça faisait plus de cinq ans qu'on jouait ensemble...

A côté de ça, notre ancienne relation me parait tellement fade et dénuée de sens.

Dans mon dos, je peux le sentir s'asseoir sur le lit et s'y affaler comme un hippopotame en fin de vie, faisant grincer les lattes qui sont déjà en mauvais état.

"Viens plutôt m'aider à ranger, grosse merde."
"Tu viens de me dire de rien soulever ! Faut savoir !"

Je m'apprête à lui répondre, mais il me coupe dans mon élan.

"C'est quoi ça ?"

Toujours soupirant et les sourcils haussés en une interrogation, je jette un œil par-dessus mon épaule, l'observant tendre le bras vers ma table de chevet.

Un geste aussi banal n'aurait pas attiré mon attention.
Si seulement il n'y avait pas eu ce bout de papier dépassant du tiroir, sur lequel il avait dû jeter son dévolu vu la vitesse à laquelle il s'en empare, le déchirant presque.

Aussitôt, je me jette sur lui pour la lui arracher des mains.
C'est la dernière des choses sur laquelle j'aurai aimé qu'il tombe.

Les infirmières qui s'occupaient de Thomas quand il était dans le coma m'ont donné ses vêtements. J'aurai refusé, mais...
C'était tout ce qui me restait de lui, avec son odeur toujours présente dans l'appartement.

Misery - TerrainkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant