Chapitre 8

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Ce n'était pas à cette foule qui gravitait autour de lui dans cet aéroport bondé que Yann prêtait attention, non, mais à ce simple morceau de papier, sorti tout droit de la poche arrière de son jean, dès l'instant où Xavier avait eu le dos tourné. «Tu m'as dit une fois de plus venir te relancer si j'étais pas prêt à te garder Yann, je suis prêt maintenant. » Et toujours cette même phrase qui tournait en boucle dans son esprit, sans cesse, inlassablement, quand est-ce que tout cela s'arrêterait au juste ?

- ah ça y est ? Il a signé ? Enfin, c'est pas trop tôt !

Xavier venait de réapparaître dans son dos, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à fixer les papiers de l'annulation de son mariage avec Martin d'un air pensif.

- ouais comme tu dis... enfin...

Ce serait la fin. Il n'y aurait plus de retour en arrière. Ce serait vraiment terminé cette fois. Son histoire avec Martin s'arrêterait là, sans même avoir joué les prolongations. Était-ce ce qu'il souhaitait vraiment au plus profond de lui ? À qui espérait-il faire sérieusement croire cela ?

- allez viens, on va plus tarder à décoller.

Cette simple main de Xavier posée sur son avant-bras venait de sonner le glas de leur relation, il releva la tête vers lui sans pour autant avancer d'un pas.

- je peux pas, c'est au-dessus de mes forces.

Sa voix était à peine audible, presque un doux murmure, comme s'il se parlait à lui-même.

- si tu savais... je le déteste tellement...

- mais tu l'aimes encore plus.

Ce n'était pas une question. Mais bien un constat. Xavier avait deviné au regard de pitié que Yann avait posé sur lui qu'un divorce entre les deux voisins de palier n'était plus à l'ordre du jour. Il avait la désagréable impression de n'avoir servi que de faire-valoir dans toute cette histoire, grâce à lui les deux hommes avaient pris conscience de leurs sentiments respectifs et de combien ils tenaient l'un à l'autre, à son plus grand dam.

- je suis désolé.

- pour être franc avec toi, je suis déjà étonné que tu te sois avancé jusqu'aux portiques de sécurité, je te voyais déjà prendre la fuite bien avant.

Un demi-sourire coupable s'afficha sur le visage de Yann, tout aurait été tellement plus simple s'il était tombé amoureux de l'écrivain, mais non, il fallait que ce soit son insupportable voisin de palier qui remporte la mise et fasse battre son cœur à en perdre la raison.

- qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Tu pars quand même ?

- ouais, je vais me faire faire un massage traditionnel balinais, ça me consolera.

- Xavier, je...

- non, ne dis rien, ça vaut mieux comme ça, je t'assure. On peut rien contre le destin, pas vrai ?

Une simple main posée de son désormais ex-amant sur son épaule dans un dernier geste affectueux puis ce dernier s'éloigna dans la direction inverse à celle de l'avocat qui le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il ne forme plus qu'un vulgaire point à l'horizon. Enfin en accord avec ce qu'il ressentait au plus profond de lui, Yann quitta l'aéroport le cœur léger et le sourire au bord des lèvres.

Dès son retour à la maison, il pénétra dans l'appartement de son voisin de palier d'un pas décidé, il était à bout de souffle quand il fit son entrée dans le salon : personne à l'horizon, un air déterminé se lisait sur son visage, il ne sortirait pas de ce foutu appartement avant d'avoir mis la main sur son mari, il venait de s'en faire la promesse et il la tiendrait jusqu'au bout, quoiqu'il lui en coûte.

Le feu et la glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant