Morgane est stagiaire au sein d'un office notarial à Montpellier, dans le sud de la France et nourrit l'espoir d'obtenir son diplôme afin de pouvoir exercer cette profession prochainement. Mais voilà : elle doit supporter les sautes d'humeur de son...
Cela fait un an et demi que je suis stagiaire au sein de l'office notarial ARTHURS AND CO. Je dois faire deux ans de stage afin de valider mon DSN (1), il ne me reste donc plus que six mois à tirer.
Un an et demi que je tiens bon face au caractère difficile de mon maître de stage et patron, Pierre Arthurs. Si j'ai d'abord été subjuguée par le bleu intense de ses yeux, j'ai ensuite vite été refroidie lors de ma première semaine quand il s'est décidé à me faire vivre un enfer.
Il m'a placé dans le bureau près du sien, un placard sans la moindre ouverture serait plus exact. Une pile de dossiers m'attendait à la première heure, et je devais faire un compte rendu de chacun d'eux à la fin de la semaine. Autant dire que dans les premiers temps, je n'avais pas des cernes, mais des valises sous les yeux !
Par la suite, il ne m'a que très peu adressé la parole, et lorsque j'avais l'honneur d'entendre les vibrations de ses cordes vocales dirigées vers moi, ce n'était jamais bon signe. Soit il souhaitait passer ses nerfs parce qu'un dossier ne prenait pas la tournure qu'il espérait, soit tout simplement je n'avais pas vu la dernière jurisprudence (2), publiée une heure avant son coup de sang.
Ses anciennes stagiaires n'ont pas tenu plus d'un mois. Je fais figure d'exception dans ce paysage de désertion. À tous les étages et même de la part de ses associés, je reçois régulièrement des encouragements, c'est donc bien la preuve que cet homme est particulièrement imbuvable !
J'ai tout simplement hâte d'en finir avec ce stage, cet office et pouvoir un jour m'installer en tant que notaire.
- Morgiane !
Voilà que le petit prince se met à nouveau à hurler. Et ça ne sent pas bon pour moi, d'autant qu'il est en rendez-vous. Je me lève, et entre dans son bureau.
- C'est Morgane, Maitre, je vous le dis tous les jours.
- Qu'importe, là n'est pas la question.
Connard.
- Où sont nos cafés ?
- Vos cafés ? Réponds-je éberluée.
- Oui, nos cafés. Nous sommes fatigués et avons soif. Vous n'avez quand même pas cru qu'ils allaient se déplacer tout seuls jusqu'à mon bureau ? Vous êtes la stagiaire, c'est votre travail.
Double connard. Je bouillonne, mais me contente d'acquiescer. Encore six petits mois ... Alors que je me tourne pour aller à la cuisine, j'entends la voix de son interlocutrice s'élever dans mon dos.
- Ah, et surtout n'oubliez pas le lait pour moi, mademoiselle la stagiaire.
Je me fige lorsqu'elle prend soin d'appuyer sur les deux derniers mots. Pour qui elle se prend celle là ? Je la connais bien maintenant, c'est une avocate du barreau, mais je n'arrive pas à l'apprécier, si bien que je la surnomme « La Paonne ». J'entends Pierre étouffer un rire. J'hésite sincèrement entre partir sans faire de vagues et traverser la pièce avec leurs cafés brulants pour leur jeter à la tête.
- Vous attendez quoi ? Qu'on vous prenne par la main peut-être ?
- Non.
Je fulmine, littéralement. Je les déteste. Je le déteste !
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(1) : Diplôme Supérieur du Notariat
(2) : Ensemble des décisions des juges.
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