Chapitre IV

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Je suis entrain de terminer la rédaction de mon acte de quinze heures. Pierre est en signature, donc je devrai être tranquille pour finaliser les derniers points et me relire. Mais c'est sans compter sur le téléphone qui se met à retentir dans mon bureau.


- Office notarial Morgane bonjour, en quoi puis-je vous aider ?


J'entends un rire étouffé dans le combiné.


- Mademoiselle.


Merde. Pierre. Je n'ai pas vu son prénom s'afficher sur le combiné.

- Oui, Maître ?

- Pouvez-vous venir un instant, s'il vous plaît ?

- Bien sûr.

Il coupe la communication et je raccroche l'appareil. Qu'est-ce que le petit prince me veut encore ?

Je me lève et frappe doucement à la porte de son bureau. Je passe la tête par l'embrasure avant d'entrer complètement.
Pierre se saisit de documents puis me les tend.


- Est-ce que vous pouvez descendre à la photocopieuse du bas pour me reproduire ces documents ?


Il me lance un sourire satisfait en me tendant les papiers pendant que je me déphase complètement.
D'accord, en rendez-vous il n'a pas le temps de sortir faire les photocopies, mais ce n'est pas mon dossier d'une part, et d'autre part, il aurait pu prévoir tout ça avant le rendez-vous, comme il le fait à chaque fois ! Je le soupçonne de l'avoir fait exprès pour me provoquer.

Je me mords la joue intérieure. Je ne dirai rien devant les clients, et me contente d'hocher la tête en affichant un sourire à l'intention de ces derniers.
J'ai envie de lui mettre une claque qui lui fera ravaler son sourire !




Quelques minutes plus tard, les clients partent, ravis d'avoir fait leur acquisition et n'ont de cesse de tripoter la petite clé de leur nouveau nid douillet qui vient de leur être remise. Ce jeune couple est extrêmement amoureux, ça crève les yeux.

Ce n'est certes pas moi qui ai réalisé la signature, ni la rédaction de l'acte pour ce dossier, mais c'est une des raisons pour lesquelles j'aime mon métier : voir la joie que mes clients peuvent ressentir en sortant de l'Etude.

Certaines fois, j'ai de la peine pour eux, notamment lorsqu'il s'agit d'une succession, mais ce contact que l'on peut avoir avec nos prochains, les petits éclats que l'on peut percevoir dans leurs regards ... C'est tout cela que j'aime, tout simplement. Me rendre utile, savoir que j'ai pu leur procurer une petite part de bonheur, aussi infime soit-elle.

J'entends Pierre retourner dans son bureau, et je lève les yeux au ciel en repensant aux photocopies.


- Morgiane ! Beugle t-il.


Morgiane ? Mais ce matin il a pourtant bien dit Morgane !
Je fulmine intérieurement et vais à sa rencontre.


- Pourquoi est-ce que vous avez encore écorché mon prénom ? Ce matin vous avez pourtant su le dire correctement.


Il arque un sourcil en me regardant, l'air légèrement méprisant.


- Un prénom est un prénom. Vous vous reconnaissez quand je vous appelle, c'est l'essentiel.


J'ai l'impression qu'il est entrain de parler d'un chien qui doit se reconnaitre quand son propriétaire le siffle. Peu importe son prénom, seule l'intonation compte.
Je commence à m'impatienter.


La StagiaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant