1. UN NOUVEAU DÉPART

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🎼 Radioactive de IMAGINE DRAGONS 🎼

"On se sent toujours trop jeune pour quelque responsabilité que ce soit." de Songe à la douceur de Clémentine Beauvais.

CHAPITRE 1

8 AOÛT 2020, MAISONS-ALFORT, ÎLE-DE-FRANCE, FRANCE

Je saute hors de sa Peugeot aussi rapidement que me le permettent mes petites jambes. La seconde qui suit, sa portière claque et je sens les graviers bondir sous les pas empressés de Milan.

— Shannon ! Putain mais attends-moi bordel !

Une main empoigne brusquement mon épaule et me force à me retourner. Je croise son regard vert translucide teinté de colère à mon encontre. La mâchoire crispée, les mots qui franchissent ses lèvres sont un peu trop compréhensibles :

— Je peux savoir ce qui te prend ?! 

— Lâche. Moi, j'articule avec exagération. Je veux que tu me lâches. C'est bon, t'as compris ?

Son bras retombe mollement et je fais volte-face. J'aimerais tellement lui foutre un coup de poing dans sa face pour lui retirer cet air perdu qu'il a !

— Tu vas pas me faire la gueule quand même ! Tu pourras toujours revoir tes amies, il maugrée dans mon dos.

Je m'arrête net puis crache d'une voix pleine de venin :

— Facile de dire ça quand on a sa petite vie parfaite.

Le pire, ce n'est même pas quitter mes amies qui me rend furieuse mais tous les souvenirs que je laisse derrière moi. Tout ça à cause de Milan. Tout ça parce qu'il s'est brusquement souvenu qu'il avait une petite sœur à l'autre bout du pays. Et bien évidemment, pour se donner bonne conscience, il m'a forcée à revenir. Et plus mes grands-parents et son père qui sont d'accord sur ce point...

— Bordel ! Je peux savoir c'est quoi ton problème à la fin ? il s'écrie d'une voix exaspérée, les bras levés au ciel.

— Mon problème ?! Putain mais c'est toi ! Pourquoi tu m'as forcée à venir ici ?! J'étais très bien à Toulouse mais faut toujours que tu te mêles de tout ! Tu peux pas juste t'occuper de ton cul ?!

— C'est mon rôle de grand frère de veiller sur toi.

Je ricane méchamment. Impossible de m'en empêcher. Cette phrase est à mourir de rire.

— Mec, veille sur moi mais dans ton trou, tu veux ? J'ai jamais eu besoin de toi. C'est pas maintenant que ça va commencer !

Son regard se voile. La mâchoire contractée, il dit entre les dents :

— Shannon, je te jure que j'ai envie de t'éclater là.

— Mais de même très cher, je rétorque d'une voix amère.

Je disparais dans l'ascenseur, appuie frénétiquement sur le bouton du troisième étage et les portes métalliques se referment sur sa mine sombre. Qu'il aille se faire foutre.

Cinq ans que cet appartement est entre les sales mains de Milan pour ses études et voilà que cela me tombe également dessus. Mes grands-parents maternels l'ont légué à ma mère qui a ensuite fait de même pour Milan. Grand-père et grand-mère sont originaires de Chine et malgré leur détermination à se garnir les poches autant que possible, ils ont fait tout leur possible pour être présent pour ma mère et mes oncles. Malheureusement, ils n'étaient pas riches et avoir trois enfants à leurs charges, il fallait de l'argent. Du coup, ils ne faisaient que travailler jusqu'à ne plus pouvoir. Quelques fois, j'avoue, je les vois comme des snobs. Ils se fient au physique et au statut social mais malgré tout, je les adore. On ne peut qu'aimer nǎi nai [1]. C'est une femme âgée d'à peine soixante-huit ans mais elle a l'énergie d'une jeune. Elle tire souvent la gueule mais quand elle sourit, elle pourrait illuminer la terre entière. Quant à yé ye [2], c'est l'homme le plus drôle que je connaisse. Tantôt entrain de manger, tantôt entrain de dormir, il se fait toujours charrier par sa femme. Un couple qui dure depuis déjà des décennies. Les parents de ma mère qui font également office de grands-parents paternels. Ce sont les meilleurs !

— C'est con de partir sans moi, hein ? me lance Milan en quittant la boîte métallique, quelques minutes plus tard.

Je lui montre mon dos en l'ignorant royalement. Plantée devant la porte vernie, j'attends qu'il insère la clé dans la serrure.

— Shannon...

— Ouvre la porte.

Il le fait en lâchant un soupir. Il peut bien soupirer autant de fois qu'il veut, ça ne changera rien entre nous. Un pied seulement à l'intérieur et l'odeur de chaussettes pourries me frappe de plein fouet. Je pousse d'un coup de pieds le tas de chaussures puis décide finalement de l'enjamber. Le hall d'entrée débouche sur un salon... en pagaille. Des bouteilles de bière jonchent le sol. Des paquets de chips traînent un peu partout. Les cadres contenant les photos de familles sont brisés. Et par-dessus tout, quatre corps inertes sont affalés sur le canapé et la table basse.

— Quel bel accueil, j'ironise en me tournant vers mon frère. C'est sympa ton chez-toi. C'est pour ça que tu voulais que je vienne ? Pour te servir de femme de ménage ? 

Ma voix est pleine d'aigreur mais Milan est trop stupéfait pour le remarquer. Il se jette sur un grand blond gringalet, l'empoigne par l'encolure de son t-shirt avant de le secouer comme un prunier.

— Tim ! Reveille-toi bordel ! Tim ! 

Le prénommé Tim geint puis soulève lentement ses paupières, dévoilant deux iris bleu d'azur. Je rêve d'avoir ses yeux. Peut-être que les lui arracher ne lui gênerait point...

— Quoi ?

— Vous êtes sensés être partis et avoir tout remis en ordre !

— Mais j'étais trop fatigué ! proteste le fameux Tim en repoussant mon frère. Laisse-moi dormir.

Et son corps retombe mollement sur un autre. Milan s'arrache presque les cheveux en regardant le tas que forment ces mecs puis me regarde d'un air apeuré digne de celui d'un enfant prêt à se faire gronder.

— Compte pas sur moi pour t'aider, je le devance.

Je tourne les talons et me rends dans ma chambre. Mon ancienne chambre pour être exacte. Je l'ai délaissée lorsque que maman a décidé de partir à Toulouse. Le lit deux places est enveloppé d'une parure blanche, tout ce qu'il y a de plus simple. Deux coussins aux tons bleu turquoise s'affaissent sous mon poids quand  je me jette dessus et j'observe minutieusement la pièce. Une armoire blanche avec une porte coulissante. Un porte-manteaux croulant sous des vestes. Un bureau jonché de livres et un tapis moelleux qui ne demande qu'à à amortir ma prochaine chute. Ou bien l'odeur immonde de mes pieds. Ou cacher des substances suspectes. Sympa. Au moins, Milan a fait l'effort que ce soit propre. Du moins, en apparence.

Les vêtements sortis de ma valise, je me plante devant le placard et l'ouvre en grand. Des t-shirts, des jeans, des slips jonchent les étagères et je fronce les sourcils. Bon, Milan a oublié de ranger ses vêtements. Quel porc ! Je sors le tout, le fous dans ma valise et le traîne à travers les couloirs. Quand j'atteins sa chambre, du moins, je le suppose, je balance tous ses vêtements sur son lit avec un sourire victorieux. Et je reprends mon chemin dans le sens inverse. Des cris retentissent. Suivis de grognements puis la porte claque bien fort, faisant trembler les murs.

1. Grand-mère paternelle en chinois ( 奶奶 ).
2. Grand-père paternel en chinois ( 爷爷 ).

•••

Après un très long temps d'absence, je reviens avec une nouvelle histoire et espère qu'elle vous plaira au passage. J'ai tendance à trop m'éparpiller dans mes histoires et j'ai finalement de ne publier que celle-là et me consacrer pleinement à elle ! Je m'excuse d'avance pour les déceptions que j'occasionne et peut-être les histoires qui vous ont plu par le passé referont leur apparition mais pour l'instant, je préfère me consacrer à celle-là. J'espère que vous allez aimer ! Sinon, pour ce premier chapitre, qu'en pensez-vous ?

Plein de bisous,
Julie

Plus fort que toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant